22 août 2010

Ce qu’Israël attend effectivement de sa campagne de bombardement de l’Iran

Gareth Porter


Dans leur délire criminel et belliciste, les Israéliens ont à présent pour objectif de déclencher une guerre avec l’Iran, puis d’obliger les Etats-Unis à la terminer, écrit Gareth Porter.

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Bombardements israéliens, avec bombes au phosphore, sur la bande de Gaza l’hiver 2008-2009. Nul doute qu’une massive campagne de bombardements sur l’Iran verra l’utilisation de la panoplie d’armes les plus meurtrières concoctées dans les laboratoires israéliens et US.

La justification du bombardement israélien de l’Iran avancé par Reuel Marc Gerecht coïncide avec l’ouverture d’une nouvelle campagne du lobby israélien en faveur de la résolution 1553 proposée à la Chambre des représentants par laquelle celle-ci exprimerait son plein appui à une telle attaque israélienne.

Dans cette campagne, il est important de comprendre que l’objectif de Gerecht et du gouvernement de droite de Benjamin Netanyahou est d’appuyer une attaque israélienne afin d’impliquer les États-Unis dans une guerre totale, directe avec l’Iran.

C’est la stratégie adoptée depuis longtemps envers l’Iran, parce qu’Israël ne peut pas mener une guerre en Iran sans la pleine participation des USA. Israël veut être sûr que les USA finiront la guerre qu’il veut lancer.

Gerecht espère ouvertement que toute réaction iranienne à une attaque israélienne déclencherait une guerre totale des USA contre l’Iran. « Si Khamenei a une pulsion de mort, il laissera la garde révolutionnaire poser des mines dans le détroit, entrée du golfe persique » écrit Gerecht. « Ce serait la seule chose qui pousserait le Président Obama a frapper l’Iran militairement... » Gerecht suggère que la même logique s’appliquerait à tout acte « terroriste iranien contre les USA après une frappe israélienne » ; par cela il entend en fait toute attaque contre une cible US au Moyen-Orient. Gerecht écrit qu’Obama pourrait être « obligé » de menacer l’Iran de représailles majeures « immédiatement après une attaque surprise par Israël ».

C’est la phrase clé dans cette très longue argumentation de Gerecht. Obama ne sera pas « obligé » de se joindre à l’agression israélienne contre l’Iran à moins de pressions politiques intérieures irrésistibles. C’est la raison pour laquelle les Israéliens sont déterminés à rallier une forte majorité au Congrès et auprès de l’opinion publique en faveur de la guerre, coupant ainsi l’herbe sous le pied d’Obama.

Sans la certitude qu’Obama serait prêt à rejoindre la guerre derrière Israël, il ne peut y avoir de frappe israélienne.

L’argument de Gerecht au sujet de la guerre repose sur un scénario cauchemardesque irréel dans lequel l’Iran distribue des armes nucléaires aux extrémistes islamistes dans tout le Moyen-Orient. Mais le véritable souci des Israéliens et de leur groupe de pression, comme l’a dit Gerecht ouvertement par le passé, est de détruire le régime islamique iranien dans un paroxysme de violence militaire étasunienne.

Gerecht a révélé pour la première fois ce fantasme néocon - israélien en 2000 déjà, avant que le programme nucléaire iranien ne soit même pris au sérieux, dans un article écrit pour un livre publié par le Project for a New American Century. Gerecht a affirmé que si l’Iran pouvait être surpris en flagrant délit d’« acte terroriste », la Marine USA « riposterait avec fureur ». L’objet d’une telle réaction militaire, écrivait-il, serait de « frapper les mollahs au pouvoir de manière véritablement dévastatrice ainsi que les institutions répressives qui les y maintiennent ».

Et pour que chacun comprenne ce que cela signifie, Gerecht a été encore plus explicite « c’est-à-dire frapper, non pas à minuit, avec des missiles de croisière pour minimiser le nombre des victimes. Les ecclésiastiques riposteraient presque certainement à moins que Washington n’utilise une force écrasante et paralysante.

En 2006 -2007, le parti belliciste israélien avait des raisons de croire qu’il pouvait saisir le contrôle de la politique des USA assez longtemps pour obtenir la guerre qu’il voulait, parce qu’il avait placé David Wurmser, un de ses agents les plus militants, dans une position stratégique lui permettant d’influencer cette politique.

Nous savons à présent que Wurmser, ancien proche conseiller de Benjamin Netanyahou - alors qu’il était aussi le principal conseiller du vice-président Dick Cheney pour le Moyen-Orient - avait insisté pour que l’armée US utilise une force écrasante contre l’Iran. Après avoir quitté l’administration en 2007, Wurmser a révélé qu’il avait plaidé en faveur d’une guerre des USA contre l’Iran, non pas pour arrêter son programme nucléaire, mais pour obtenir un changement de régime.

« Ce n’est que dans le cadre d’un assaut fondamental contre la survie du régime, que nous vous aurons l’appui d’Iraniens ordinaires » a déclaré Wurmser au journal The Telegraph. L’attaque étasunienne ne devrait pas se limiter aux objectifs nucléaires ; elle devrait viser une destruction complète et massive. « Si nous commençons à tirer, nous devons être prêts à vider notre chargeur. Ne tirez pas sur un ours, si vous n’êtes pas prêt à le tuer ».

Bien entendu, ce genre de guerre ne pourrait pas être lancée à l’improviste. Il faudrait un casus belli pour justifier une attaque initiale limitée qui permettrait ensuite d’escalader rapidement la force militaire étasunienne. En 2007, agissant sur les conseils de Wurmser, Cheney a essayé d’amener Bush à provoquer une guerre avec l’Iran au sujet de l’Irak, tentative que le Pentagone a fait échouer. Alors que Wurmser commençait à susurrer ce conseil dans l’oreille de Cheney en 2006, Gerecht présentait le même argument dans le Weekly standard :

Bombarder les installations nucléaires signifierait que nous déclarons la guerre au régime clérical. Nous ne devons pas nous faire d’illusions à ce sujet. Nous ne resterions pas en coulisse pour observer les mollahs construire d’autres sites. Si les mollahs au pouvoir devaient reconstruire les installations détruites - et il serait surprenant que le régime clérical plie après un premier bombardement - nous devrions frapper jusqu’à ce qu’ils arrêtent. Et si nous avions un doute au sujet de l’emplacement de leurs nouvelles installations (et il est absolument probable que le régime essaierait de les enterrer profondément sous des zones fortement peuplées) et s’il était raisonnable de suspecter une reprise de la construction, nous devrions envisager au minimum d’avoir recours à des forces d’opérations spéciales pour pénétrer dans les sites suspects.

L’idée de lancer une guerre de destruction US contre l’Iran touche à la folie, raison pour laquelle les dirigeants militaires étasuniens lui ont opposé une résistance farouche, tant sous l’administration Bush que sous celle d’Obama. Mais Gerecht montre clairement qu’Israël estime pouvoir utiliser son contrôle du Congrès pour obliger Obama a se soumettre. Les Démocrates du Congrès, se vante-t-il, « sont mentalement dans une galaxie différente par rapport à celle de l’époque Bush ». Bien qu’Israël soit de plus en plus considéré dans le monde comme un État voyou après les atrocités de Gaza et le massacre par des commandos de civils non armés à bord du Mavi Marmara, son emprise sur le Congrès est plus forte que jamais.

En outre, les sondages réalisés en 2006 montrent que la majorité des Étasuniens ont déjà été persuadés d’ appuyer la guerre contre l’Iran - en grande partie parce que plus des deux tiers des personnes sondées avaient l’impression que l’Iran possédait déjà des armes nucléaires. Les Israéliens espèrent apparemment exploiter cet avantage. « Si les Israéliens bombardent maintenant, ils auront probablement le soutien de l’opinion publique étasunienne », écrit Gerecht . « Et peut-être de façon décisive ». Nétanyahou doit être content de pouvoir faire pression sur Barak Obama afin qu’il se joigne à une guerre israélienne d’agression contre l’Iran. Après tout, c’est Netanyahou qui a déclaré en 2001 « je connais l’Amérique. L’Amérique est une chose que l’on peut bouger très facilement une fois qu’on l’a aiguillée dans la bonne direction. Elle ne nous fera pas obstacle ».

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* Gareth Porter est historien et journaliste investigateur de l’aspect sécurité de la politique nationale US ; après avoir brièvement enseigné dans une université pendant les années 80, il est devenu indépendant. Il est l’auteur de quatre livres dont le dernier est intitulé Perils of Dominance : Imbalance of Power and the Road to War in Vietnam (University of California Press, 2005). Il écrit régulièrement pour Inter Press Service au sujet de la politique US envers l’Iran et l’Irak depuis 2005.

30 juillet - Commondreams.org - Cet article peut être consulté ici :
http://www.commondreams.org/view/20...
Traduction : Anne-Marie Goossens

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