Des pourparlers qui tournent en rond
dimanche 19 septembre 2010 -
Nour Odeh - Al Jazeera
Les Palestiniens connaissent cette colonie sous le nom de Jabal Abu Ghneim. Israël prétend qu’il s’agit d’une partie du Grand Jérusalem-Est occupée. Les Palestiniens savent également que cette colonie illégale [comme elles le sont toutes par définition - N.d.T] de 30 000 habitants a été construite sur leurs propriétés privées au plus fort du processus d’Oslo.
Comme nous nous préparons à passer sur les ondes, je pense à combien de fois j’ai été à Bethléem et combien de récits j’ai pu faire sur cette ville historique et spirituelle ...
La plupart de mes reportages parlaient de la façon dont Bethléem a été pressée, encerclée et diminuée sous la réalité d’un empiétement rapide des colonies israéliennes. Cette ville a littéralement changé d’apparence, d’esprit et de vie au fil des années. A tel point que cette année, une étude des Nations Unies a estimé que les politiques israéliennes ont eu pour effet la diminution de la ville même de Bethléem et la fragmentation de sa zone urbaine en différentes zones rurales.
Au cours des quatre dernières décennies d’occupation israélienne, selon le rapport, la construction de colonies israéliennes et les mesures liées ont entraîné la diminution de 87% de la ville de Bethléem, enfermant sa population en croissance sur moins de 20% de ses terres.
Ce mardi, les dirigeants palestiniens et israéliens se sont réunis à Charm Al-Cheikh en Egypte. Ils ont été rejoints par la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, le tout au milieu de beaucoup d’attention et spéculation de la part des médias.
Mais cette deuxième série de pourparlers a tourné en rond.
Palestiniens et les Israéliens ne sont pas d’accord sur un agenda pour les négociations, ou sur la façon de procéder dans ces pourparlers. Par conséquent, les cérémonies programmées dans la journée ont été annulées et la réunion [trilatérale entre Abbas, Netanyahu, et Clinton] a été retardées.
La question gluante [sticky], ou plutôt explosive, est celle de la construction par Israël de colonies en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est. Un soi-disant moratoire unilatéral et partiel sur la construction de colonies en Cisjordanie, à l’exclusion de Jérusalem, arrive à échéance à la fin de Septembre. Même si les Palestiniens étaient mécontents de ce moratoire, qui, selon des rapports israéliens n’a même pas été respecté, ils affirment ne pas vouloir d’un retour à la construction effrénée de colonies.
Selon les négociateurs palestiniens, le premier ministre israélien a voulu seulement parler de la sécurité. Une telle demande, disent les officiels palestiniens, signifie qu’Israël veut que ses exigences de sécurité imposent de fait les frontières géographiques sur le terrain. « Ils veulent que la forme et la taille du futur Etat palestinien soit définie à l’aune de leurs demandes. Ce n’est tout simplement pas possible », ont-ils déclaré. Les Palestiniens voulaient au contraire parler des frontières et de sécurité en priorité. Ils font valoir qu’un accord sur ces deux principales questions relatives au statut final permettrait de jeter les bases pour d’autres questions et permettrait aux équipes techniques de se mettre au travail.
Mais parler de frontières alors que les terres sont avalées par les colonies israéliennes est une perte de temps, font valoir les Palestiniens.
Les mêmes sources m’ont affirmé que l’atmosphère était tendue à Charm Al-Cheikh, la diplomatie américaine et égyptienne travaillant jusqu’à la dernière minute pour tenter d’éviter que les pourparlers ne s’effondrer avant même d’avoir commencé. Le maximum de la tension a été le moment du refus par Netanyahu de s’engager sur tout gel de la colonisation.
Il est intéressant de noter que l’administration américaine, représentée par la secrétaire d’État, est venue à ces négociations les mains vides, sans aucune alternative à proposer, aucune mesure décisive pour assurer que toutes les parties s’acquittent de leurs obligations. Un gel complet de la colonisation israélienne en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, fait partie des obligations d’Israël selon la Feuille de route pour la paix [qui a été présentée et endossée] par l’administration Bush. Ce mardi, l’équipe de Netanyahu voulait que ce soit juste une des questions mises « sur la table ».
Au milieu des multiples dépêches qui tombent, nous discutons avec nos sources et recherchons toute nouvelle information, tout fait nouveau. Sur le quotidien israélien Ha’aretz, un titre a attiré mon attention : les colons israéliens reçoivent de 22% de plus en subventions gouvernementales que les Israéliens ordinaires qui vivent à l’intérieur de la Ligne verte - ou des frontières internationalement reconnues d’Israël. Comme le vent commence à souffler fort sur le toit où je suis debout, regarder en direction de Bethléem devient plus difficile. Je me retourne et je vois Har Homa. Là, la construction se poursuit, en rien concernée par les discours sur la paix.
Mark Regev, porte-parole du gouvernement israélien, a déclaré à Al Jazeera que les Palestiniens devaient se montrer « créatifs » sur la question des colonies. Sur ce terrain-là, il est assez difficile de voir quelle genre de créativité peut changer ou améliorer la réalité des Palestiniens qui y vivent. Partout où ils peuvent vivre à Bethléem, leur vue depuis les balcons est celle de l’une des 19 colonies israéliennes entourant leur district et construites sur leurs terres occupées - et sur leurs propriétés - et s’étendant rapidement au plus près de chez eux. Ces colonies, illégales au regard du droit international, occupent maintenant environ la moitié de la Cisjordanie, isolant les communautés palestiniennes derrière des grilles gardées par des militaires, de postes de contrôle et des murs.
Et maintenant, ces Palestiniens voient des dirigeants internationaux jouer les hôtes de « pourparlers de paix » et entendent le Premier ministre israélien s’engager à faire la paix avec les Palestiniens tout en s’engageant à relancer dès le mois de mars l’expansion des colonies en Cisjordanie, devant leur porte d’entrée... Il est difficile d’imaginer, dans ce scénario, la façon dont la « créativité » pourrait changer la perspective qu’ils ont depuis chez eux, voir la rendre plus attrayante.
Le vent souffle maintenant en rafales, dures et froides - sans qu’il soit besoin de beaucoup d’imagination, il est le reflet de l’ambiance autour de moi ...
* Nour Odeh est correspondante d’Al Jazeera en Palestine occupée, et elle couvre l’actualité sur le conflit israélo-palestinien depuis plusieurs années.
De la même auteure :
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14 septembre 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://blogs.aljazeera.net/middle-e...
Traduction : Naguib
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