19 septembre 2010

Eid Mubarak, Gaza ! Shana Tovah, Israel !

vendredi 17 septembre 2010 - 06h:36

Vittorio Arrigoni


Israël a décidé de fêter le nouvel an juif en tirant ses pétards sur une Bande de Gaza qui au même moment se consacrait aux préparatifs de l’Aïd el-Fitr... écrit Vittorio Arrigoni.

Lorsqu’un missile d’une tonne s’écrase à 200 mètres de vous, la douleur aux tympans est forte et la sensation d’étourdissement est proche de celle que cause le coup imprévu du poing de Mike Tyson.

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Jeudi dernier, vers 22h, Israël a décidé de fêter le nouvel an juif en tirant ses pétards sur une Bande de Gaza qui au même moment se consacrait aux préparatifs de l’Aïd el-Fitr, l’importante fête musulmane marquant la fin du jeûne du Ramadan.

Comme en proie à une légère commotion cérébrale, j’ai marché jusqu’au lieu du bombardement occupé par les forces de sécurité du Hamas visiblement agitées ; à mes côtés, des journalistes locaux, des pompiers et des ambulances. Il y a maintenant un énorme cratère dans la remise devant le port où la police garde les carcasses rouillées des véhicules détruits sous les bombardements israéliens de Plomb Durci en janvier 2009.

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Le missile a touché un vieux char d’assaut de l’Autorité Palestinienne, le blindé a fait un vol de cent mètres et se trouve maintenant renversé comme une épave au milieu de la rue, cela donnant une idée de la puissance de l’explosion.

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Il fait encore très chaud à Gaza, mes fenêtres étaient grandes ouvertes, contrairement à celles de certains de mes voisins qui, elles, ont volé en éclats.
D’autres bombardements ont touché au même moment les tunnels à la frontière de Rafah, heureusement sans faire de blessés graves, mais en ne causant que des dégâts aux immeubles des alentours. Ce n’est pas ce qui est arrivé samedi, lorsque les missiles lancés par les F16 ont tué deux personnes et blessé deux hommes ayant dû être hospitalisés pour brûlures graves.
Vendredi dernier, l’employeur d’Ali Al Khodary, l’un des Palestiniens blessés, avait accordé à ses travailleurs un jour de congé, quitte à les rappeler ensuite à l’improviste samedi soir sur leur lieu de travail. Le tunnel où Ali travaillait depuis trois semaines pour financer ses études en sociologie à l’Université d’Al Quds a été bombardé quelques minutes à peine après son arrivée :
« Je venais d’enlever mon t-shirt et je me préparais à descendre sous terre lorsqu’une explosion m’a projeté à plusieurs mètres de distance. À mon réveil, mon corps était en proie aux flammes et une femme s’est précipitée vers moi en me lançant de l’eau ».

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Le père d’Ali, que j’ai rencontré à l’hôpital, s’opposait au choix d’un travail aussi dangereux, mais le jeune homme déterminé à poursuivre ses études n’avait pas d’autre option dans une Gaza qui, assiégée depuis quatre ans, ne peut pas offrir d’autres emplois.
Les jeunes hommes et les adolescents ne sont pas les seuls à travailler sous la terre de Rafah pour se procurer les marchandises nécessaires à la vie quotidienne des Palestiniens de la Bande.
Hassan Abu Armana, quarante-cinq ans, est allongé non loin du lit d’Ali avec des brûlures au troisième degré sur tout le corps : avec son travail de chauffeur de taxi, il n’était plus en mesure de nourrir sa famille nombreuse.

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D’après les témoins, les F16 israéliens ont commencé à survoler Rafah samedi vers 23h30 et, peu avant minuit, ils ont largué deux missiles sur deux tunnels : l’un était utilisé par les Palestiniens pour s’approvisionner en biens de première nécessité, l’autre pour fournir de l’essence à la Bande qui autrement resterait privée de carburant.

Les missiles sont descendus sous terre en profondeur avant d’exploser et tuer deux travailleurs : Salim Al Khatab, dix-neuf ans, du camp de réfugiés de Bureij, il avait tragiquement commencé à travailler depuis quelques jours, ne supportant plus misère et privation continues ; et Khalid Abed Al-Kareem Al-Khateeb, trente-cinq ans, venant également de Bureij, marié et père de quatre enfants.
Les deux survivants sont hospitalisés dans un état grave à l’hôpital al Nasser de Khan Younis. Un ventilateur est le seul remède aux brûlures qui, sous l’épiderme, leur dévorent lentement la chair.

C’est peut-être parce qu’il ne s’agit pas de colons, plus probablement parce qu’ils ne sont pas israéliens, mais la vie et la mort de ces dernières victimes civiles ne suscitent aucune vague d’indignation, elles ne rencontrent que l’indifférence générale, comme cela arrive d’ailleurs souvent envers quiconque parle arabe avec l’accent de Gaza.
Et cela d’autant plus qu’il s’agit de travailleurs des tunnels : ils survivent dans la terre, loin de la lumière du soleil, et lorsqu’ils sortent la nuit, la terre complice d’un ciel de plomb s’empare à nouveau d’eux.
Chaque fois qu’un cure-dent tombe sur le désert du Néguev, les agences de presse crachent des dépêches en continu : hier, peu après qu’environ 4 tonnes d’explosif se sont abattues depuis dix mille mètres de hauteur sur la Bande de terre avec la plus grande densité de population au monde, j’ai parié avec un ami palestinien qu’aucun média occidental n’y aurait fait allusion.
Alors qu’il faudra encore plusieurs heures à mes tympans pour se remettre d’aplomb, il ne me reste qu’à encaisser le pari.
Restons Humains.

Photos : Tilde de Wandel et Vittorio Arrigoni

* Vittorio Arrigoni réside à Gaza ville. Journaliste freelance et militant pacifiste italien, membre de l’ISM (International Solidarity Movement), il écrit notamment pour le quotidien Il Manifesto. Il vit dans la bande de Gaza depuis 2008. Il est l’auteur de Rester humain à Gaza (Gaza. Restiamo umani), précieux témoignage relatant les journées d’horreur de l’opération « Plomb durci » vécues de manière directe aux côtés des ambulanciers du Croissant-Rouge palestinien.
Son blog peut être consulté à :
http://guerrillaradio.iobloggo.com/

9 Septembre 2010 - Communiqué par l’auteur - Traduction de l’italien : Y. Khamal

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