Arabie Saoudite : peine de mort pour une travailleuse immigrée
vendredi 19 novembre 2010 - 02h:44Adithya Alles - Al Jazeera
Quand un ami de la famille avait contacté Mohamed Nafeek en 2005 pour explorer la possibilité d’envoyer sa fille aînée, Rizana, au Moyen-Orient en tant que domestique, la famille avait pensé que la chance avait enfin tourné.
À peine un mois après avoir pris son emploi en Arabie Saoudite, Rizana Nafeek a été accusée d’avoir tué le bébé de ses employeurs - Photo : EPA
Pauvres, vivant dans une cabane délabrée à Muttur, un village côtier du district de Trincomalee à 250 kilomètres de Colombo, capitale de Sri Lanka, la famille de six personnes réussissait à peine à survivre avec les maigres revenus de Nafeek qui travaillait à collecter du bois.
Rizana, selon la famille, avait accepté l’emploi. L’ami en question l’a alors emmenée dans une agence de recrutement. Elle a suivi 10 jours de formation avant de partir pour l’Arabie saoudite en mai 2005.
Mais au lieu de favoriser sa famille, la vie de Rizana a basculé. À peine un mois après avoir commencé son nouveau travail, elle s’est retrouvée dans une prison, accusée d’avoir tué le bébé de quatre mois de ses employeurs.
Elle a plus tard été reconnue coupable et condamnée à mort par décapitation. Elle a fait appel de sa peine et a passé les cinq dernières années dans une prison saoudienne. En octobre, des nouvelles sont arrivées au Sri Lanka selon lesquelles sa condamnation avait été confirmée et serait appliquée.
Procès inique
L’AHRC explique que le procès a été faussé au détriment de Rizana, en raison de facteurs comme la langue et le manque de support juridique qui font qu’il est souvent difficile pour les travailleurs migrants d’obtenir un procès équitable. Par exemple, le traducteur fourni durant la confession de Rizana - confession qui aurait été faite sous la contrainte - n’était pas un professionnel, souligne le directeur de l’AHRC, Basil Fernando.
« C’était juste quelqu’un de Karnataka en l’Inde, qui n’a pas la moindre idée du tamoul parlé par Nafeek », a dit Fernando. Le traducteur a depuis quitté l’Arabie saoudite.
L’enquête a révélé que l’enfant a été étouffé alors que Rizana lui donnait à manger, dans ce qui était un accident et qui n’avait rien d’intentionnel, ajoute Fernando.
Aucune aide juridique a été fournie à Rizana au cours du procès. L’ambassade du Sri Lanka à Riyad n’a contacté un avocat qu’après sa condamnation. Comme l’ambassade ne pouvait pas engager l’avocat en raison de dispositions du gouvernement qui l’empêche de payer pour des services juridiques dans une affaire pénale, l’AHRC basée à Hong Kong s’est mobilisée.
Cette organisation a dépensé jusqu’à maintenant 30 000 dollars en frais juridiques dans la procédure d’appel, face au verdict de Rizana.
L’affaire est compliquée par le fait que Rizana était mineure quand elle est partie pour le Moyen-Orient. Certains rapports ont suggéré qu’elle avait 15 ans, mais sa famille a dit à IPS qu’elle avait 17 ans au moment de son départ. De toute façon, elle était mineure en dessous de l’âge de travailler quand elle est partie.
Le passeport trafiqué de Rizana est devenu essentiel dans la déclaration de sa culpabilité, lorsque les tribunaux ont passé en détail son contenu, ne prenant pas en compte son acte de naissance.
« Le passeport utilisé pour entrer en Arabie Saoudite donne comme date de naissance février 1982, mais d’après son certificat de naissance, elle est née six ans plus tard, en Février 1988 », a déclaré Amnesty International dans un appel en octobre.
« Cela lui donnerait 17 ans au moment des faits pour lesquels elle a été déclarée coupable. Selon les informations d’Amnesty International, elle n’a pas été autorisée à présenter son certificat de naissance ou une autre preuve de son âge à la cour, qui s’est appuyée plutôt sur son passeport et qui l’a considérée comme ayant 23 ans au moment de la mort du bébé », ajoute le communiqué.
Les avocats disent que Rizana a été victime des agences de recrutement qui envoient des femmes sri-lankaises pauvres, sans formation comme travailleuses non qualifiées domestiques au Moyen-Orient, y compris dans des pays comme l’Arabie saoudite qui emploie près de 500 000 travailleurs immigrés des nations du sud de l’Asie.
« Nous n’avons jamais entendu parler de l’agence [qui a envoyé Rizana en Arabie Saoudite]. Nous avons seulement obtenu une lettre de l’ambassade [du Sri Lanka à Riyad] au sujet de la condamnation, » a dit sa mère Razina.
Le cas de Rizana a été placé sous les projecteurs après que les médias aient fait connaître sa condamnation à mort. Des personnes de l’AHRC ont déclaré à IPS que lorsque la Cour suprême de l’Arabie saoudite a confirmé le verdict, ils ont appris la nouvelle non pas par l’ambassade du Sri Lanka, mais par quelqu’un de bien intentionné qui avait visité Rizana en prison. Ils craignent maintenant que si le roi de l’Arabie Saoudite ratifie la sentence, il n’y ait plus aucune chance de pardon.
« Il est fort probable que l’exécution de Rizana puisse se faire sans avertissement dans un avenir très proche. L’Arabie saoudite a un dossier infâme, avec un des taux d’exécutions les plus élevés dans le monde, avec au moins 69 exécutions en 2009, 102 en 2008 et 158 en 2007, soit une moyenne de près de deux personnes par semaine », a déclaré l’AHRC dans un communiqué.
Fernando ajoute qu’une approche à deux volets est nécessaire pour tenter de sauver Rizana de l’épée du bourreau. La première consiste à faire pression sur le monarque saoudien grâce à des campagnes nationales et internationales. La seconde est pour la famille d’utiliser les moyens diplomatiques pour obtenir un pardon en vertu de la loi saoudienne.
16 novembre 2010 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction : Naguib
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