30 novembre 2010

ISRAËL: Lettre "ouverte" à Jean Daniel

                                                                     

Francis Grislin

29, Avenue de Normandie
67100 STRASBOURG


                                                    à
                                                          Monsieur Jean Daniel
                                                            Le nouvel Observateur
Monsieur,
                 Depuis près de quarante ans je lis, parfois, il est vrai, je me contente de parcourir  d’un coup d’œil circulaire,  votre prose éditoriale qui rend bien compte de ce que peuvent penser les  bien-pensants, les  sages, les humanistes moralistes et ardents défenseurs des Droits de l’homme à la sauce américaine.
Militant pro palestinien depuis septembre 1967 où avec un certain nombre d’amis, dont le professeur Gaulmier j’ai fondé le comité JPP (Justice et Paix en Palestine),je sais que   vous avez toujours défendu la création d’un Etat palestinien tel que la gauche d’Allon à Rabin pouvait le concevoir. Vous n’avez eu aucune complaisance pour le Likoud, je reconnais que vous avez quasiment toujours  été aux côtés des dirigeants de la « gauche » israélienne, mise à part les quelques condamnations de  certains « dérapages » de ces derniers, alors que depuis Allon jusqu’à Barak ces dirigeants pratiquent une politique de colonisation en réalité pire que celle menée par la droite israélienne
Votre dernier éditorial : « Les silences de Dieu » sont à mes yeux une flagrante illustration du malentendu qui traversent de part en part les Accords d’Oslo dont vous vantez les mérites alors qu’une analyse honnête et  concrète de ses conséquences  démontrent qu’ils ont été un marché de dupes, somme toute logique, étant donné les rapports de forces existant entre les partenaires.
 Pour résumer mes positions : le refus d’Israël de se soumettre à la résolution 242 que les Palestiniens, peuvent à juste titre considérer, comme un préalable minimum à toute négociation de paix équitable,  est masqué par une phraséologie humaniste qui se donne des accents de réalisme plein de toutes ces mansuétudes pour le délire paranoïde d’Israël
Comment pouvez vous laissez accroire que les Israéliens étaient prêts à restituer tous les territoires annexés depuis 1967, et autres fadaises, comme le partage de la souveraineté sur Jérusalem alors qu’Ehud Barak s’était contenté de céder quelques bidonvilles périphériques de cette ville, qui participent aux campagnes de propagande mises en place par Israël après des massacres qui font « taches ».
Pour les Palestiniens les problèmes religieux sont vraiment annexes, ils défendent leur droit, non pas simplement à un Etat viable mais leur droit au retour sur les terres confisquées par Israël, et au minimum le respect intégral, par Israël, des résolutions de l’ONU.

Les Accords d’Oslo : une capitulation de l’OLP,  une consécration du «  Grand Israël »
Dès septembre 93 nous dénoncions les accords signés en grande pompe à Washington, parce que nous n’avons jamais pensé qu’Israël échappait à la Loi qui gouverne tout Etat : Quand le vainqueur impose ses conditions aux vaincus, en l’occurrence l’OLP qui affaibli par son soutien à Saddam Hussein, capitule devant les exigences d’Israël  en renonçant à la résistance armée et  laisse Israël maître du destin de la Palestine et des Palestiniens, il ne peut y avoir de paix juste et équitable. Une simple lecture  de l’évolution de la carte  des « territoires occupés » depuis la signature de l’Accord israélo- palestinien », une écoute quelque peu attentive des déclarations des dirigeants  palestiniens et israéliens démontrent que ces « Accords »  ont été une capitulation en rase campagne de l’OLP


·         L’Accord israélo – palestinien a permis à Israël de poursuivre  en toute quiétude le processus de colonisation menacé par « l’Intifada ». En renonçant unilatéralement  dont à la lutte armée, Yasser Arafat a signé un acte de capitulation dont les Palestiniens mesurent, aujourd’hui les conséquences désastreuses. Il s’agit donc bien d’une révolte d’une population occupée contre un occupant israélien qui veut imposer son Diktat.
·         Vous laissez accroître qu’à Camp David la paix était toute proche, et qu’un peu de bonne volonté de part et d’autre aurait suffit pour aboutir à un accord ! Une lecture même distraite des déclarations des dirigeants palestiniens  sont en flagrante contradiction avec vos élucubrations sentimentalo politiques sur les « extrémistes » des deux camps (sic). La quasi totalité de la population palestinienne exige le respect de la résolution 242 de l’ONU, donc l’évacuation par Israël des « territoires occupés » et le démantèlement de toutes les colonies juives. Il ne s’agit donc pas seulement de quelques arpents de la ville de Jérusalem et d’une réaction sentimentale des Palestiniens face à une provocation « stupide » de Sharon mais bien de la  restitution , sans condition, par Israël des  territoires  palestiniens occupés  en 1967 et du droit de fonder un Etat Palestinien conformément aux résolutions de l’ONU.
·         Jusqu’à ce jour, les dirigeants palestiniens ont pu croire que cet acte élémentaire de respect  du droit international par Israël pouvait se faire dans le dialogue et la concertation. Le Hamas  a toujours pensé, à juste titre, que seule la résistance armée pouvait  faire fléchir Israël et décider les Israéliens à évacuer les « territoires occupés ». Le Hamas, contrairement à vos insinuations, veut la paix avec Israël, mais aux conditions équitables et réalistes proposées par l’ONU. L’utilité, la nécessité de la résistance armée  a été démontrée au Liban ; c’est sans doute aussi cette leçon qu’ont retenu les Palestiniens.
·          Quant aux  dirigeants israéliens : les « extrémistes » rêvent du « Grand Israël » alors que la gauche israélienne parle de négociation de paix tout en mettant concrètement en place les bases de ce projet insensé et criminel par la colonisation et les découpages, (le charcutage), du futur Etat palestinien, une enclave autonome dans le Grand Israël, qu’elle veut bien laisser à la gestion de dirigeants serviles. Entre Ariel Sharon et Ehud Barak il n’y a guère de différence autre que le ton et la manière, et encore, si on veut bien se souvenir des menaces proférées par Barak quand Arafat affirmait qu’il allait déclarer unilatéralement l’Etat palestinien on comprend mieux que la responsabilité du massacre est à mettre politiquement sur le compte d’Ehud Barak qui pas plus que Sharon ne veut une paix juste.
·         En conclusion seule la résistance armée peut arriver à bout du colonialisme israélien ; il faut espérer que les Palestiniens sauront, comme les autres peuples qui se sont libérés du joug du colonialisme tirer toutes les leçons de cette sanglante répression, qu’ils ne s’acharneront pas à lutter avec des pierres contre l’occupant, mais qu’ils sauront organiser avec l’aide des peuples arabes une résistance armée  et qu’ils ne prennent pas le chemin d’un suicide collectif. Quant aux « amis » d’Israël, nous pensons, qu’étant donné les rapports de force qui ne pourront que tourner en faveur du peuple palestinien, qu’il serait sage qu’ils les poussent aux vraies et seules négociations acceptables : le respect, sans mégoter, des résolutions de l’ONU en échange de la reconnaissance de l’Etat d’Israël dans les frontières tracées par le plan de partage de 1948 !


Avec mes salutations distinguées
                                           Francis Grislin
 
PS
 Je ne pense pas que vous publierez des extraits de mon « papier » : « Les Accords israélo-palestiniens », mais je vous serais bien obligé   de faire connaître à vos lecteurs  les déclarations qui stipulent que les Israéliens sont prêts à restituer  tous les territoires occupés depuis 1967 !
Je me permets aussi de vous rappeler que ce ne sont pas les Jordaniens qui ont dessiné la Palestine pour les Palestiniens, mais bien le plan de partage de l’ONU qui en a tracé les frontières  en 1948, frontières que les Israéliens  se sont empressés dès 1949 à grignoter pour en venir à l’occupation de la Cisjordanie avec une guerre d’agression en 1967, la Guerre de Six Jours, présentée comme une guerre préventive d’autodéfense, prélude à la mise en place du Grand Israël auquel les Palestiniens ne peuvent faire échec que par la résistance armée, puisque de toute évidence l’Enfer est pavé de bonnes intentions, et les bonnes intentions que vous prêtés aux Israéliens sont quotidiennement, malheureusement, démenties par les « faits ».


 Pour finir, on peut regretter que le « Hamas » ait pris le leadership de cette résistance, mais l’intransigeance d’Israël masqué par la propagande sioniste et la « naïveté » des dirigeants palestiniens et d’une grande partie de la population palestinienne ont amené, comme cela s’est souvent passé dans l’histoire, une organisation de résistance que les « occupants » et leurs amis ont toujours affublés du titre « d’organisation terroriste »

http://www.mediapart.fr/club/blog/fxavier/281110/israel-lettre-ouverte-jean-daniel

Aucun commentaire: