Les tactiques israéliennes sont en passe d’« unifier » les Palestiniens
mardi 16 novembre 2010Jonathan Cook
Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, est aux États-Unis cette semaine, mais peu d’observateurs s’attendent à une avancée immédiate ou significative dans les entretiens de paix qui sont en panne avec le leadership palestinien.
En public, M. Netanyahu prétend qu’il tient à travailler à la création d’un État palestinien démilitarisé, promesse qu’il avait faite l’année dernière peu après la formation de son gouvernement de droite.
Toutefois, il n’a fait preuve ni de la volonté ni de la capacité de renouveler ne fût ce que le gel partiel de la construction de colonies juives en Cisjordanie - condition exigée par le président palestinien,Mahmoud Abbas , pour la reprise des négociations.
La majorité du cabinet de M. Netanyahu, notamment Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères, dissimule à peine son opposition à un État palestinien. M Netanyahu a par contre imposé sa propre condition préalable, à savoir la reconnaissance par les Palestiniens d’ Israël en tant qu’État du peuple juif.
Un analyste de premier plan de la politique palestinienne dit que le tableau n’est pas aussi sombre pour les Palestiniens qu’il n’y paraît.
Asad Ghanem, professeur de science politique à l’université de Haïfa, prédit que M. Netanyahu et son cabinet finiront par se repentir de leur entêtement.
A cause de leur intransigeance et de leur adhésion totale à l’« idéologie de la suprématie juive » M. Netanyahu et ses partisans entraîneront la « réunification » progressive du peuple palestinien, a déclaré le Dr Ghanem lors d’une interview.
En s’accrochant à la vision du Grand Israël, M. Netanyahu et la droite alimentent un nationalisme palestinien potentiellement puissant qui pourrait encore renverser non seulement l’occupation, mais encore le statut d’Israël en tant qu’État juif, a déclaré le Dr Ghanem, auteur de plusieurs livres sur le nationalisme palestinien.
Le Dr Ghanem, qui appartient à la minorité palestinienne d’ Israël, laquelle constitue un cinquième de la population du pays, a signalé que le but initial des fondateurs d’Israël a été d’utiliser une version sophistiquée des tactiques de "diviser pour régner" afin d’affaiblir le mouvement national palestinien naissant qui s’opposait au sionisme.
La guerre de 1948 qui a créé Israël a causé la première séparation la plus significative entre la minorité des Palestiniens qui sont restés à l’intérieur du nouveau territoire d’Israël et les réfugiés poussés hors de ses frontières, qui aujourd’hui s’élèvent à au moins 4,7 millions de personnes selon l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
Depuis 1967, Israël a favorisé beaucoup d’autres scissions : entre les villes et les zones rurales ; entre la Cisjordanie et Gaza ; entre Jérusalem -Est et la Cisjordanie ; entre les principaux mouvements politiques rivaux, le Fatah et le Hamas ; et entre le leadership de l’Autorité palestinienne et la diaspora.
Le principe directeur d’Israël a été de créer la discorde entre les Palestiniens en mettant en conflit les intérêts de chaque groupe, dit le Dr Ghanem. « Une nation palestinienne en conflit n’allait jamais être en mesure de gérer ses propres affaires ».
Il traite par le mépris les projets de M. Abbas et de son premier ministre, Salam Fayyad, qui cherchent à réanimer le processus d’Oslo en contournant Israël et en recherchant la bénédiction de la communauté internationale pour l’établissement d’un État palestinien d’ici l’été prochain.
Les dirigeants palestiniens qui ont cherché à obtenir un État, ajoute le Dr Ghanem, l’ont fait aux conditions dictées par Israël.
Ils ont d’abord sacrifié le droit pour les réfugiés à être considérés comme faisant partie de la nation palestinienne, ensuite ceux des Palestiniens à l’intérieur d’Israël. Et puis, ils ont exclu des parties de Jérusalem-Est et la totalité de Gaza. Et maintenant, finalement, dit-il, même des parties importantes de la Cisjordanie resteront presque certainement à l’extérieur de l’État palestinien.
« Concernant les négociations, le principal objectif d’Abbas est de mettre fin à l’occupation, mais il a progressivement concédé à Israël la définition très étroite de ce qui constitue les terres occupées. Le droit des réfugiés et des autres Palestiniens à être inclus dans la nation palestinienne est maintenant principalement rhétorique ».
L’insistance de la droite israélienne pour que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un État juif accélérerait le déploiement de la politique israélienne à long terme visant à fragmenter le peuple palestinien.
« Tous les Palestiniens sont concernés par une telle exigence, pas simplement ceux qui vivent à l’intérieur d’Israël. Le mouvement national palestinien a accepté Israël en tant qu’État il y a des décennies, mais cela ne satisfait pas Netanyahu.
« Il veut rouvrir le dossier de 1948 » dit le docteur Ghanem, se référant à la guerre qui a créé Israël en expulsant et en dépossédant 80 % du peuple palestinien. « Il provoque le mouvement national palestinien à réévaluer le modèle des deux Etats qu’il a accepté pour mettre fin au conflit ».
Comme il y a de moins en moins de Palestiniens qui croient qu’Israël acceptera jamais de partager le territoire, les barrières physiques et idéologiques entre les sous-groupes palestiniens commencent à tomber dit-il.
Les luttes menées séparément par les Palestiniens pour les droits civiques parmi la minorité palestinienne en Israël, pour la libération nationale parmi ceux qui vivent dans les territoires occupés, et pour le droit au retour dans la diaspora - ont été effacées au profit d’une « lutte commune contre la réalité de l’apartheid ethnique ».
Selon le Dr Ghanem, lorsque les Palestiniens se rendront compte qu’Israël ne leur offrira jamais qu’un État « mutilé » , le nouveau paradigme deviendra « un seul État démocratique binational pour tous les Palestiniens et les juifs dans la Palestine historique ».
Les différentes factions palestiniennes fusionneront finalement leurs plateformes politiques. Le mouvement des droits civiques qui a rapidement vu le jour parmi les Palestiniens d’Israël complètera la lutte anti-apartheid émergeant dans les territoires occupés.
Les analystes palestiniens dans les territoires occupés sont moins optimistes.
George Giacaman, directeur de Muwatin, institut de promotion de la démocratie palestinienne, affirme que la réunification naissante des Palestiniens est « principalement symbolique ». « Ils ont maintenant le sentiment de partager la même cause et la même lutte » dit M. Giacaman, « mais les divisions géographiques entre les Palestiniens sont si profondes et sont en place depuis si longtemps qu’il est difficile de voir comment ils les surmonteront ».
Pourtant, maintient le Dr Ghanem, les Palestiniens d’Israël et des territoires occupés, de même que les millions de réfugiés, remercieront un jour M. Netanyahu de les avoirs réunis.
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Traduction : Anne-Marie Goossens
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