« Notre premier objectif, c’est d’être libres »
lundi 22 novembre 2010Khaled Mashal
« On a prétendu que nous sommes un obstacle au processus de paix. Nous ne sommes pas contre la paix. Nous sommes contre l’abandon des droits des Palestiniens », explique Khaled Mashal.
Après avoir échappé à une tentative d’assassinat en 1997 et avoir été banni de la Jordanie en 1999, Khaled Mashal, responsable du Hamas, s’est établi Damas, où Manuela Paraipan l’a interrogé la semaine dernière sur le positionnement du Hamas concernant les négociations de paix en cours, sur la force du Hamas, sur son engagement dans la résistance et sur l’importance des principes en politique.
Khaled Mashal, responsable du bureau politique du mouvement Hamas, basé à Damas
Manuela Paraipan : Pourquoi un haut dirigeant du Hamas vivant à Damas ? Et qui est Khaled Mashal lorsqu’il se présente lui-même ?
Khaled Mashal : Pour ce qui est de votre première question, vous devriez demander aux Israéliens. Mais je peux répondre à la seconde.
Je suis un Palestinien, un Arabe, un Musulman et un être humain. Je suis à la recherche de la liberté et de l’autodétermination. J’ai deux objectifs dans la vie : servir Dieu tout-puissant et mon peuple.
Depuis que j’ai décidé de me mettre au service de mon peuple, je prends comme lumière pour me guider les valeurs humaines et religieuses.
Je suis l’un des fondateurs du mouvement Hamas et le modèle qui est le mien, comme pour les autres frères qui ont fondé ce mouvement, c’est de travailler pour notre peuple et de remplir nos objectifs nationaux.
Dans cette lutte, je suis prêt à payer n’importe quel prix afin de réaliser les objectifs de mon peuple et de la Oumma [communauté des Croyants].
Je suis la fusion de deux personnages : l’un plein d’humanité, qui aime ses semblables, leur veut du bien, respecte chacun et croit fermement aux valeurs de justice et d’égalité. Je ne fais aucune discrimination basée sur la race ou l’appartenance à un pays ou sur la religion.
Le second personnage, quant à lui, ne cédera jamais, quelque soit l’agresseur, et ne se rendra jamais aux occupants. Je n’ai pas peur des menaces ni d’aucune autre forme d’intimidation. J’ai « du souffle » et je suis persuadé que, avec mon peuple, nous allons finir par l’emporter sur nos ennemis.
Le second personnage, quant à lui, ne cédera jamais, quelque soit l’agresseur, et ne se rendra jamais aux occupants. Je n’ai pas peur des menaces ni d’aucune autre forme d’intimidation. J’ai « du souffle » et je suis persuadé que, avec mon peuple, nous allons finir par l’emporter sur nos ennemis.
Nous n’abandonnerons pas ce qui est notre destin face à la puissance militaire israélienne. Nous avons la capacité de tout supporter et nous avons la patience d’endurer les étapes de la résistance à venir. C’est tout cela, Khaled Mechaal.
Q : Si vous deviez démissionner de la position importante que vous occupez actuellement en tant que responsable du Bureau politique du Hamas, comment alors chercheriez-vous à servir votre peuple ?
R : Ma force ne vient pas de mon poste. Ceux qui ont besoin de tirer leur force de leur statut ne sont pas de vrais leaders. Je resterai fort quelle que soit la position que j’occupe. Et le poste n’est pas un objectif en soi. Il s’agit d’une situation temporaire. C’est la volonté de mes frères dans le mouvement qui m’a conduit là où je suis aujourd’hui.
Comment pourrais-je servir mon peuple ? Quoi de plus naturel pour tout dirigeant que d’être dans sa patrie ? Je n’ai jamais eu le choix d’être à l’intérieur de la Palestine et le choix de la quitter. Depuis l’âge de 11 ans j’ai rejoint les centaines de milliers de mes compatriotes qui ont été expulsés de leur terre en 1967. Ma présence en dehors de la Palestine, dans la Diaspora, est l’un des symptômes du problème des réfugiés palestiniens. Il est temporaire et incontournable.
Les étapes du mouvement Hamas
Q : Vous étiez avec le Hamas depuis le début. Quelles sont les étapes selon vous, que le mouvement a traversées depuis sa création ?
R : La phase initiale, la fondation, a été souterraine, pendant dix ans, de 1977 à 1987. J’étais l’un de ceux qui ont travaillé pour définir le projet national.
En 1987, le mouvement de l’Intifada est monté sur la scène de l’histoire. A partir de là a commencé la deuxième étape, le lancement du mouvement. Une des caractéristiques les plus importantes de cette époque a été l’impact obtenu par le Hamas, en faisant de la résistance un véritable mouvement.
Ce fut un moment de popularité croissante dans lequel nous étions en mesure de servir le peuple par le biais de nos institutions, nombreuses et variées.
Il a marqué le début d’un rapprochement avec d’autres factions palestiniennes et l’établissement de relations avec les pays arabes. Et dans le même temps, nous imposions une stature digne devant ces nations et devant la Oumma.
La phase suivante a été de 1994 à 2000, lorsque les premiers signes de l’échec des accords d’Oslo ont fini par produire la seconde Intifada. Pendant cette période, le Hamas a subi une forte pression sur sa sécurité, à la fois en Cisjordanie et à Gaza.
Q : Pression venant de qui ?
R : Les Israéliens et aussi du côté palestinien. Certains de nos cadres ont été arrêtés. D’autres dirigeants ont été assassinés. Il y avait une sorte de connivence entre des parties régionales et internationales pour que le Hamas soit affaibli, mais sans aller jusqu’à le briser. On a prétendu que nous sommes un obstacle au processus de paix. Nous ne sommes pas contre la paix. Nous sommes contre l’abandon des droits des Palestiniens et, en tant que mouvement, nous étions contre un accord sans consistance qui ne servira pas à la protection des droits des Palestiniens.
Cela a été un moment très difficile. Nous avons eu à beaucoup de coups, mais nous sommes restés fermes et les plans pour nous contrer ont échoué.
De 2000 à 2006, il y a eu une autre phase. Cela a été une étape cruciale, mais elle a également été celle où nous avons perdu, comme martyrs, les plus importants membres de notre direction : le cheikh Yassine, le Dr Abd al Rantissi et d’autres. Ce fut une perte énorme, mais en même temps, nous avons aussi gagné du terrain - en particulier quand il est devenu clair que le projet d’Oslo et le processus de paix avaient dans la pratique, échoué.
Comme d’autres factions de la résistance à cette époque, nous étions en mesure d’offrir une alternative.
Q : Quel type d’alternative ?
R : Comme je le disais, étant donné l’échec sur le terrain de l’accord d’Oslo, nous avons offert une alternative.
Q : Une alternative qui signifie la résistance armée ?
A : C’est ce que j’allais dire : nous avons offert une alternative pratique pour notre peuple, qui est bien sûr la résistance, une résistance qui soit capable de défendre le peuple et capable d’atteindre ses objectifs. Ce qui n’a pas été accompli par Oslo a été réalisé grâce à notre résistance. Celle-ci a contraint Sharon à se retirer de Gaza et à démanteler les colonies.
Nous avons analysé puis produit un nouveau cadre politique pour le projet national palestinien, pour une redéfinition du pouvoir et du rôle de la direction, au niveau de l’Autorité palestinienne (AP) et de l’OLP. Notre rôle était-il d’assurer la sécurité pour le compte des Israéliens, ou devions-nous tendre vers un but national en faveur du peuple palestinien ? Posant cette question, nous avons voulu réunir toutes les factions et participer à un nouveau programme pour l’avenir. Notre initiative a réussi à intensifier à l’intérieur de l’OLP l’appel pour une véritable réforme.
La dernière étape, qui a duré de 2006 jusqu’à aujourd’hui, a commencé avec la participation du Hamas dans le processus électoral, et son écrasante victoire qui a été une surprise pour le monde entier.
Q : Une surprise même pour vous ?
R : La victoire en tant que telle n’était pas si surprenante pour nous, mais l’ampleur du vote l’était peut-être. Au lendemain des élections les résultats ont été rejetés par les Américains, certains Palestiniens et des partis régionaux.
Le peuple palestinien a été depuis collectivement puni pour ce résultat, en l’assiégeant et en coupant son assistance. C’est la première fois dans l’histoire qu’un peuple a été autant puni pour avoir exercé son droit démocratique. Cela a conduit à un conflit interne palestinien d’une part, parce que le résultat des élections avait été ignoré, et d’autre part en raison de l’intervention étrangère en faveur d’un certain parti palestinien. Le support pour ce dernier était à la fois financier et militaire et a conduit à la division de 2007.
Nous sommes toujours bloqués à ce stade. Nous payons le prix fort pour cette division et nous sommes empêchés de nous unifier par cette intervention étrangère.
La guerre à Gaza a été jusqu’ici l’une des plus cruelles tentatives d’isoler et de chasser le Hamas.
Une caractéristique de cette période est la manipulation de la division palestinienne en utilisant les faiblesses du côté arabe et palestinien pour imposer un accord politique injuste. Ce que nous disons, c’est que, étant donné la position de l’administration américaine, tous les éléments les plus faibles [parmi les Palestiniens] sont sous pression pour que la question palestinienne soit retirée de l’ordre du jour.
Je vous ai donc présenté une introduction générale aux différentes étapes que le Hamas a connues depuis ses débuts.
La vision du Hamas
Q : Le fait même que le Hamas soit entré dans l’arène politique et s’engage dans des élections a certainement confirmé les limites de la résistance armée ? Pouvez-vous poursuivre par la résistance ?
R : Nous avons confiance dans le travail politique dans tous ses aspects. Cependant, nous choisissons le type le plus approprié d’action pour chaque étape. Quand il y a occupation et que le peuple souffre de l’occupation, la réponse stratégique doit être la résistance - une ligne constante et sans faille de la résistance jusqu’à ce que l’occupation ait pris fin. Aucun occupant n’a jamais été chassé sans résistance. Lorsque nous discutons de notre participation ou non au cadre politique existant, ces options sont en parallèle à cette ligne de résistance, pas en alternative.
En 2006, nous avons décidé de prendre part aux élections, mais nous n’avons pas fait cela comme une alternative à la résistance. Participer au système politique est une question entre Palestiniens, et la résistance est une question entre les Palestiniens et l’occupant israélien. Il n’y a ici aucune contradiction.
Q : Quand la résistance prendra-t-elle fin ?
R : Lorsque l’occupation se terminera.
Q : Qu’est-ce que vous entendez par l’occupation ?
R : le Hamas a une vision claire qui a été énoncée clairement dès le début. Le peuple palestinien a vécu en Palestine de plein droit : et nous ne parlons pas de l’histoire, ou même du moyen âge. Nous parlons d’il y a 60 ans. Il y a une terre appelée Palestine, qui appartient aux Palestiniens. Cette terre hébergeait des Chrétiens, des Musulmans et des Juifs, et parmi ces derniers, certains ne le nient pas. Ils vivaient en paix sous un régime palestinien et arabe.
Une question juive a éclaté à l’extérieur de la région. L’Europe voulait se débarrasser de ce problème, qu’il a ensuite exporté vers notre région. Elle a ainsi « tué deux oiseaux d’une seule pierre ». Il n’y avait donc pour eux plus de « problème juif », et ils ont été en mesure d’exploiter un projet sioniste visant à voler les ressources de la région. Il est clair pour nous qu’Israël a été créé dans le cadre d’une offensive contre notre peuple. Israël a expulsé notre peuple de ses terres. Pour conclure : il s’agit d’une occupation illégale et nous considérons son existence dans la région comme illégale également.
Q : C’est votre position définitive ?
R : Oui, mais parce que le Hamas est réaliste, nous sommes parvenus à un accord entre les factions palestiniennes et les pays arabes pour accepter un Etat en Palestine établi sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem comme capitale, et l’application du droit au retour des réfugiés .
Q : Peut-être demandez-vous également des indemnisations pour les réfugiés ?
R : Non.
Q : Si vous étiez en mesure de participer directement aux négociations, il faudrait faire des compromis par rapport à cette position. Dans cette éventualité, vous ne seriez pas seulement représentant du Hamas en tant que groupe, mais aussi le représentant de ceux qui vous soutiennent en tant que parti politique.
R : Le plus grand compromis a déjà été fait par les factions palestiniennes et les Etats arabes. Il a été d’accepter les frontières de 1967, nous laissant 20% de l’ensemble du territoire en litige.
Il n’est plus admissible que certaines puissance continuent à faire pression sur le côté palestinien pour lui demander d’autres compromis, parce qu’elles le considèrent comme le côté le plus faible.
Ce que nous avons offert a été le maximum. La pression doit être maintenant redirigée vers Israël. Il est immoral de maintenir la pression sur les Palestiniens tout simplement parce que les Américains et la communauté internationale ne font pas le poids face à M. Netanyahu.
Les partis qui négocient actuellement de nouveaux compromis n’ont aucune représentativité et leur action est sans valeur, car une solution qui ne concerne pas la nation dans son ensemble n’est pas une solution. Les réfugiés ne seront toujours pas de retour, alors (qu’Israël) adopte un décret pour que chaque Juif qui n’a jamais vu la terre de Palestine vienne s’y établir.
Q : Pourquoi les États-Unis ou quiconque d’autre devrait-il discuter directement avec le Hamas ? Vous dites que vous avez gagné un soutien national à travers les élections. Mais y a-t-il autre chose que vous pouvez mettre dans le balance ?
R : C’est une autre erreur dans le traitement des affaires de la région. Il est symptomatique d’une mentalité erronée que l’on retrouve surtout en Occident, aux États-Unis. Ils perçoivent bien qu’ils doivent trouver un accord avec le côté le plus faible, mais la seule façon dont ils pensent y parvenir est en le contraignant à donner encore plus. En bref, ce peut être une ouverture, mais qui ne mènera pas à une solution.
La question est de répondre aux intérêts de notre peuple et, si un accord est accepté par la majorité, alors tout accord peut réussir. Le Hamas est un mouvement tout à fait capable de réussir à faire en sorte qu’un accord soit mis en œuvre, à la condition qu’il y ait une acceptation générale de celui-ci.
Q : Ce serait alors la raison d’engager le Hamas dans les négociations ?
R : Et ils le savent. Mais ils disent, laissez-nous conserver cette option pour l’avenir quand il n’y aura pas d’autre moyen, en espérant qu’ils peuvent réaliser quelque chose avec le statu quo existant. Je veux leur dire qu’ils perdent leur temps. Ils ne réussiront pas.
Q : Si un accord était trouvé, que ferait le Hamas ? Respecteriez-vous l’accord signé ?
R : Nous utilisons une expression particulière pour décrire ce type d’accords - nous disons qu’ils sont mort-nés. Ils ne sont pas justes et ne peuvent pas être justifiés. Nous ne pouvons pas imposer un tel accord là où nous sommes en situation de responsabilité. Nous respectons la volonté de la majorité, la majorité réelle et non pas fictive.
Q : Comment pouvez-vous définir quel est la véritable majorité ?
R : Grâce à des référendums et des élections. Nous croyons en la démocratie et nous y sommes engagés. Nous respectons l’opinion de la majorité, même si elle diffère de la nôtre.
Q : Le Hamas protège la cause palestinienne. Mais d’autres organisations palestiniennes le font également ainsi que des pays arabes et musulmans. Quelle est exactement la cause palestinienne aujourd’hui et pourquoi a-t-elle besoin d’être protégée en particulier par le Hamas ?
R : Il est très facile de réclamer quelque chose : tout le monde peut tout réclamer. Mais il y a une revendication qui est prise en charge avec de bonnes cartes, et une autre qui consiste en un chèque en bois. C’est la différence entre le Hamas et les autres.
Solidarité avec le mouvement Hamas
Q : Considérez-vous que vous êtes dans une position de force vis-à-vis du Fatah et d’autres groupes palestiniens, même en plein siège ?
R : Nous avons tous subi des épreuves. Le Hamas souffre à Gaza et en Cisjordanie et évidemment nous l’admettons. Nous ne sommes pas une superpuissance. Néanmoins, nous représentons une volonté forte, notre organisation est solide et cohérente et nous respectons notre peuple.
Nous n’allons pas nous laisser intimidés au détriment des droits de notre peuple. Le rôle qui nous est donné n’est pas celui de simplement lancer un appel. Si nous avions demandé à jouer un rôle important dans ces négociations nous aurions accepté les conditions fixées par le Quartet international. Mais nous avons refusé. Nos liens avec notre communauté, avec le monde arabe et la communauté internationale dans son ensemble sont notre force. Nous sommes désireux d’avoir un plus large soutien et aussi qu’un plus large soutien soit visible dans les efforts pour lever le siège de Gaza. Il faut aussi reconnaître [ce soutien] dans la solidarité internationale avec le peuple de Gaza.
Dans de telles circonstances, lorsque tout le monde souffre, nous sommes en meilleure position que jamais.
Q : Vous avez parlé de solidarité plus large. Qu’en est-il de la solidarité des pays arabes ? Le passage de Rafah avec l’Egypte est encore fermé. Pourquoi ?
R : La solidarité n’est pas absolue, mais elle est large. Lorsque nous parlons des peuples arabes et musulmans, il y a une solidarité complète. Quand nous parlons des gouvernements, c’est une question de calcul. Certains nous soutiennent. Il y a aussi ceux qui ne nous aiment pas, et d’autres qui nous poignardent dans le dos.
Q : Et tous ceux-là viennent du monde arabe ?
R : Oui, je parle des Arabes.
C’est notre analyse réaliste de la situation sur le terrain. Même dans ces circonstances, et alors que l’Amérique utilise tout son pouvoir contre nous, et avec Israël contre nous, nous sommes soutenus financièrement, politiquement et spirituellement, et c’est une preuve de l’importance du Hamas au niveau de toute la région
Si l’administration américaine savait ce que nous disent de nombreux dirigeants de la région, derrière des portes closes, elle serait surprise.
Q : C’est en raison du Hamas que les habitants de Gaza sont punis. Pensez-vous que c’est juste ? Peut-être vos principes islamiques pourraient-ils vous inviter dans ces circonstances, à dire : d’accord, nous allons prendre du recul et laisser les autres faire ce qui est le mieux pour notre peuple ?
R : Bonne question. Pensez-vous que notre peuple en Cisjordanie n’est pas puni ? Ils sont punis par Israël et l’appareil de sécurité palestinien. Avant le Hamas, ils ont déjà été punis ; avec le Hamas, ils sont encore punis, et après que le Hamas ils seront toujours punis. Le châtiment ne vient pas du Hamas, mais de l’occupant israélien, de ceux qui sont en faveur d’Israël et de ceux qui gardent le silence face aux nombreux crimes commis contre notre peuple.
Etait-ce un péché de la part du Hamas de remporter les élections ? Mais tout résultat, même produit par des élections libres et justes, et qui ne convient pas aux objectifs de l’Amérique et d’Israël est saboté. Si vous céder devant une telle logique, alors le message que vous envoyez est le mauvais.
Q : Quelles sont alors vos priorités ?
R : Notre priorité est de ni manger, ni boire, ni vivre dans le luxe, mais pour être libres. Après que cela soit respecté, nous devons commencer à construire, à nous développer et à devenir prospères.
Q : Vous avez parlé assez longuement des États-Unis. Mais permettez-moi de demander pourquoi est-il préférable pour le Hamas de se tenir aux côtés de la Syrie et de l’Iran ? N’êtes-vous pas du côté de la Syrie et de l’Iran ?
R : Nous avons parlé de l’Amérique parce qu’ils portent une grande partie de la responsabilité de ce qui se passe.
Q : Contrairement à d’autres - Arabes ou non-Arabes ?
R : Il faut ici faire une distinction. D’un côté vous avez un côté qui est tellement puissant et dont l’inclinaison est en faveur du délinquant. D’autre part, vous avez certains éléments du monde arabe qui n’ont pas autant de pouvoir et qui ne sont pas dans les meilleurs termes avec nous. C’est un cas différent. Ils ne font pas leur devoir, mais ce n’est pas un crime. Le véritable crime, c’est celui qui occupe la terre et celui qui soutient l’occupation qui le commettent.
Mais pour répondre à votre question précédente : réduire les alliances du Hamas uniquement à l’Iran et à la Syrie serait une approche erronée.
Q : Donc, il y a une alliance plus large.
R : Certains pays sont des alliés, certains sont des amis, d’autres apportent un soutien public...
Q : Et les autres ?
R : Certains gouvernements nous soutiennent en privé. Nous remercions tous ceux qui nous aident, depuis la Syrie, l’Iran, la Turquie, qui assistent la bande de Gaza, la Cisjordanie et soutiennent notre droit à l’autodétermination.
Je prends l’entière responsabilité de ce que je dis maintenant. Et je mets au défi quiconque de prouver que le soutien qu’on nous accorde est un appui conditionnel. Ce n’est pas le cas. Personne ne dicte une politique ou des décisions au Hamas.
Q : Vous avez des intérêts communs avec Damas et Téhéran. Que faire si demain, ces intérêts disparaissent ? Qu’est-ce qui va se passer ensuite ?
R : Comme vous le dites - ce sont des intérêts communs - pas une simple réplique. Ces intérêts sont interdépendants et, en outre, tout ce qui nous lie représente un intérêt. Nous sommes également liés par de nombreux principes.
Q : Pensez-vous que des Etats peuvent se permettre d’avoir des principes ?
R : Sans aucun doute, un grand pourcentage de la prise de décision est une question d’intérêt ; mais les principes importent aussi. Cela est naturel. La mauvaise chose est de n’avoir que de purs intérêts, sans valeur ou même au détriment de la morale. Cela devient alors rien de plus que de la cupidité.
Q : N’est-ce pas cela la définition de la politique ?
R : Je vais revenir sur ce point.
En plus de la question de l’intérêt, on se retrouve avec une proportion de ce qui nous motive qui peut se réduire ou d’augmenter à un moment donné ; mais les principes sont là. Il est faux d’écarter les valeurs de la politique. L’une des erreurs qui ont été faites lorsqu’il s’agit de cette région est de négliger cet aspect. Les relations internationales sont pragmatiques, mais il y a cependant plus que cela.
Pour répondre directement à votre question, je vais prendre les États-Unis comme exemple. Écoutez les Américains eux-mêmes. Quel a été l’image des Etats-Unis il y a quarante ans ? Leurs valeurs ont été respectées par beaucoup, et cela en dépit de leurs politiques erronées. Aujourd’hui, cette réputation s’est considérablement dégradée. Ce ne sont pas simplement mes paroles à moi. Les Américains en disent eux-mêmes autant.
Q : Y a-t-il un rôle pour la Roumanie [Manuela Paraipan est roumaine - N.d.T] dans la région en général - à part le dossier palestinien ?
R : Bien sûr. La Roumanie aux côtés d’autres Etats européens peut jouer un rôle indépendant de la politique des États-Unis, laquelle est un échec. Nous nous félicitons des contacts avec la Roumanie et d’un élargissement de nos relations internationales. La Roumanie peut être un canal pour communiquer avec d’autres pays européens. Le vide existant en matière de projets politiques pour la région peut être rempli par les Etats européens et d’autres. L’Europe a une relation historique avec la région et ils connaissent mieux que tout autre. Alors que l’Amérique nous voit à travers son pouvoir, sa force, les Européens voient la région politiquement, en utilisant leur intelligence.
Q : Beaucoup disent que vous êtes une personne influente et que vous pouvez déclencher un conflit d’une seule main. Avez-vous vraiment cette influence ?
R : Ce n’est pas une question d’image stéréotypée et connue, que de provoquer un conflit ou une guerre.
Une personnalité influente doit faire de son mieux pour travailler pour la paix, en mettant l’accent sur les principes impliqués, la protection des libertés et la construction de relations équilibrées dans le monde. Il n’est pas juste de percevoir toute personne qui utilise son influence pour défendre les libertés de son peuple, comme la personne la mieux placée pour provoquer un chaos. Nous ne sommes des menteurs déclencheurs de guerre [allusion à Bush et Blair - N.d.T]. Nous ne sommes pas sortis de notre chemin en cherchant la guerre. Elle nous a été imposée. Lorsque nous résistons, ce que nous faisons c’est contribuer à établir la paix.
Je ne me soucie pas beaucoup ce qui se dit sur moi. Ce n’est pas important pour moi d’être loué par ceux-là même qui ne veulent pas des Palestiniens. Ce qui m’importe, c’est l’accomplissement des souhaits de mon peuple. Comme dit le proverbe : « Nous faisons la paix avec ceux qui veulent faire la paix avec nous, et nous résistons à ceux qui nous agressent. »
Manuela Paraipan : Je vous remercie.
Khaled Mashal : Vous êtes la bienvenue.
* Manuela Paraipan a reçu la bourse 2005 de la World Security Network Foundation. Elle vit à Bucarest est travaille comme analyste indépendante de politique étrangère.
7 novembre 2011 - Al Qassam Webiste - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.qassam.ps/interview-3733...
Traduction : Abd Al-Rahim
http://www.qassam.ps/interview-3733...
Traduction : Abd Al-Rahim
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