06 avril 2010

Quatre ans après la guerre israélienne, le sud du Liban toujours miné

TYR (Liban) | Près de quatre ans après sa guerre dévastatrice avec le Hezbollah au cours de laquelle Israël a lâché plus de quatre millions de bombes à sous-munitions sur le sud du Liban, Mohammad Hajj-Moussa arrive à peine à parler du jour où il a perdu ses jambes.

Mohammad Hajj-Moussa, victime d'une bombe à sous-munitions, sort de  son lit dans le camp de réfugiés palestiniens à Tyr, dans le sud du  Liban, le 29 mars 2010
© AFP | Mohammad Hajj-Moussa, victime d'une bombe à sous-munitions, sort de son lit dans le camp de réfugiés palestiniens à Tyr, dans le sud du Liban, le 29 mars 2010

AFP | 04.04.2010 | 11:47

Le 11 août 2006, cet adolescent maigre aux cheveux bruns était à moto, assis derrière son père qui devait livrer de la nourriture dans une localité voisine, quand une bombe à sous-munitions a explosé à leur passage.

"On m'a retrouvé dans un ruisseau quatre heures après l'explosion", se rappelle Mohammad, un réfugié palestinien de 15 ans qui s'exprime dans la maison décrépie de la famille dans le camp de réfugiés d'Al-Bass, à Tyr.

"J'ai repris conscience au moment où ils me retiraient de l'eau, et j'avais compris: mes jambes avaient été broyées" par l'explosion.

Le jour-même, le Conseil de sécurité de l'ONU adoptait la résolution 1701 et trois jours plus tard, la guerre prenait fin. Elle aura duré un mois.

Mais les avions israéliens avaient lâché sur le sud du Liban plus de quatre millions de bombes à sous-munitions, dont 90% au cours des 72 heures avant le cessez-le-feu, après l'adoption de la résolution 1701, souligne l'ONU. Près de 40% des sous-munitions n'ont pas explosé.

Les munitions ont tué 46 personnes et mutilé plus de 300 civils depuis 2006, selon l'armée libanaise et l'ONU. La plupart des victimes sont des sapeurs, des fermiers et des enfants qui confondent ces objets brillants avec des jouets.

Israël a remis l'an dernier des cartes localisant les bombes à sous-munitions et les mines au Liban mais, selon l'armée libanaise, il s'agit de cartes défectueuses et incomplètes.

Pour le 4 avril, Journée mondiale de sensibilisation à l'action contre les mines, des militants libanais vont planter des arbres dans des champs de mines dépollués.

Mais les espoirs des victimes s'estompent avec des fonds d'assistance et de déminage qui se tarissent en raison notamment de la crise économique mondiale.

"Nous manquons sérieusement de fonds", explique le colonel Rolly Farès, à la tête du programme d'assistance aux victimes des mines, au sein de l'armée.

Plus de 197.000 bombes à sous-munitions ont été désamorcées depuis la fin de la guerre de 2006, ajoute-t-il, mais plusieurs centaines de milliers menacent toujours les habitants du Sud.

"Nous avons dépollué près de 52% des 45 km2 touchés mais nous disposons de moins d'équipes en raison du manque de fonds", a-t-il souligné.

Maha Choumane Jebahi, de la Lebanese Handicap Welfare Association, explique que de nombreuses victimes attendent des prothèses. "Comment expliquer à quelqu'un qu'on peut lui fournir une aide psychologique mais qu'on ne peut pas lui donner une jambe?" dit-elle.

Khaled Yamout, qui dirige le programme d'action contre les mines pour la Norwegian People's Aid, affirme que le budget de son organisation a été réduit de 25% cette année et le sera de 50% l'an prochain.

"Le gouvernement ne peut à lui seul assurer la sécurité du terrain aux civils", souligne-t-il. "La tâche est gigantesque".

Mohammad, lui, refuse de se laisser abattre.

"Celles-là ne vont pas", dit-il, montrant une paire de jambes artificielles rangées dans un coin, avec des tennis aux pieds. "Elles font mal et elles se cassent tout le temps".

"Je ne veux plus de jambes", affirme-t-il. "Tout ce que je veux, c'est une vie, des études et une petite amie".


la tribune de Genève

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