01 août 2010

Connivence entre Israël et un cheikh en exil pour un coup d’Etat dans un Emirat du Golfe

samedi 31 juillet 2010 -

Robert Booth et Ian Ferguson - Guardian


Israël appuie un cheikh arabe en exil qui est sur les rangs pour prendre le contrôle d’un Emirat du Golfe, stratégiquement important, à seulement 60 km de l’Iran.

L’ambassadeur israélien à Londres, Ron Prosor, a rencontré le cheikh Khalid fils de Saqr al-Qasimi, et prince héritier en exil du Ras al-Khaimeh (RAK), qui lui a demandé de l’aider dans sa campagne pour évincer les dirigeants de cet Emirat le plus au nord des Emirats arabes unis.

La rencontre a eu lieu à Londres en mars et fut suivie d’appels téléphoniques, d’appuis et de conseils plus larges, d’après le compte rendu des contacts par le Guardian.

Khalid, qui a été basé à Londres et a pris pour agent un avocat-conseil d’Ickenham, est sur les rangs pour remplacer son père à l’agonie, le cheikh Saqr, et son demi-frère, le cheikh Saud, afin de prendre le contrôle du Ras al-Khaimeh.

L’implication d’Israël dans ce qui serait un coup d’Etat sans mort d’hommes dans l’une des régions les plus sensibles du monde, serait « extrêmement gênante », selon le Dr Christopher Davidson, spécialiste de la politique des Emirats arabes unis à l’université de Durham.

Khalid, qui fut envoyé en exil en 2003, prétend que le RAK est actuellement une plaque tournante du trafic d’équipements pour armes nucléaires pour l’Iran ; il a dépensé plus de 4 millions de livres en relations publiques internationales et en campagne de lobbying pour persuader les politiciens états-uniens et le lobby proisraélien aux Etats-Unis qu’ils y gagneraient sur la sécurité si c’était lui qui dirigeait l’Emirat.

L’alliance avec Israël est le dernier coup de théâtre dans l’épopée déjà extraordinaire des tentatives de Khalid pour parvenir au pouvoir. En juin, le Guardian révélait que le financement de son action s’acheminait par le canal de Peter Cathcart, président de conseil paroissial et passionné de chemins de fer à vapeur miniatures, qui dirige une entreprise familiale d’avocats-conseils à Ickenham, dans l’ouest londonien.

Il s’est à son tour épuisé auprès des grands lobbyistes de Washington, des consultants californiens en relations publiques et des experts militaires pour monter des dossiers qui accablent le régime du RAK.

Prosor a fait pression sur ses contacts au gouvernement US pour le compte de Khalid dont les assistants sollicitaient de l’aide pour organiser des rencontres à Washington avec quiconque serait intéressé par leurs demandes de sanctions censées flanquer un bon coup au RAK, particulièrement à propos des équipements pour le programme nucléaire iranien, il y a tout pour un complot dans ce ballet quotidien.

Un courriel de Cathcart au cabinet de l’ambassadeur fait savoir que « Son Altesse... a beaucoup apprécié son entrevue avec l’ambassadeur ».

En avril, Cathcart s’est arrangé pour que les deux hommes puissent avoir un entretien téléphonique alors que le cheikh était à Oman, et un enregistrement de la conversation par Cathcart montre que l’ambassadeur « travaille avec certaines personnes de son côté » et « a promis que la question sera réglée en sa faveur (du cheikh) ».

Le cheikh Saqr est attendu à mourir à l’hôpital d’Abu Dhabi et son fils, le cheikh Saud, 54 ans, prince héritier en place, s’est vu demander de commencer à préparer sa veillée mortuaire, un évènement lourd de sens pour la politique des Emirats, qui est susceptible d’être suivi par les dirigeants d’Abu Dhabi qui auront une grande influence sur celui des fils qui lui succédera.

« Lors de la rencontre avec l’ambassadeur israélien, il [cheikh Khalid] a envoyé des signaux à Abu Dhabi et à Washington DC comme quoi il se joindrait à une guerre contre l’Iran le cas échéant, » dit Davidson. « Il s’agit d’un nouveau genre de coup d’Etat. Il ne nécessite aucune menace d’égorgements, mais plutôt de dépenser de grosses sommes d’argent en communications internationales. C’est le premier du genre et je fais le pari qu’il va réussir. Je pense que d’ici la fin de l’été, nous en connaîtrons l’issue. »

Interrogé sur l’implication d’Israël, Peter Ragone, porte-parole de Khalid, répond : « La relation du régime actuel du RAK avec l’Iran est d’une grande importance, particulièrement dans ce contexte de tentatives de stopper la circulation des armes, des marchandises et de la technologie qui traversent le RAK à destination de la République islamique. Le cheikh Khalid et des représentants de son staff se rencontrent en permanence avec des élus, des représentants de premier plan de gouvernements et d’autres des médias de différents pays. En fait, cette semaine, des représentants du cheikh Khalid sont à Washinton DC et rencontrent l’establishment de la sécurité nationale et de la politique étrangère qui sont très préoccupés par l’activité dans le RAK. »

Odelia Englander, porte-parole de l’ambassade israélienne à Londres, n’a pas voulu faire de commentaire.

28 juillet 2010 - Guardian - traduction : JPP





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