Prisonniers palestiniens d’al-Qods et des territoires occupés en 48: le double standard (1)
La question de l’échange entre le soldat sioniste capturé par la résistance palestinienne il y a plus de quatre ans et les prisonniers de la Palestine remet en avant le dossier des prisonniers d’al-Qods et des territoires occupés en 48, ainsi que les prisonniers arabes (jordaniens, égyptiens et syriens) détenus dans les prisons sionistes.
Pour l’occupant sioniste, les prisonniers d’al-Qods et des territoires occupés en 48 (l’entité sioniste) ne peuvent faire partie ni des échanges ni des négociations, ils seraient « citoyens israéliens » ! Toute revendication exigeant leur libération serait « une intervention dans les affaires internes » de l’Etat sioniste. C’est ainsi que l’occupant considère la population palestinienne vivant à al-Qods, même dans la partie occupée en juin 1967 et les Palestiniens de 48, dont la partie occidentale de la ville d’al-Qods.
Cependant, l’occupant n’hésite pas à menacer « ses » citoyens d’expulsion et de déportation parce qu’ils ne sont pas juifs. Que ce soit dans les territoires occupés en 48 ou dans la ville d’al-Qods, un double standard est appliqué aux Palestiniens : ils deviennent citoyens « israéliens » ou assimilés lorsqu’il est question d’être libérés par des échanges ou des négociations, mais redeviennent palestiniens lorsqu’il s’agit de les expulser, déporter ou de leur faire subir les peines les plus lourdes lorsqu’ils sont arrêtés et les conditions de détention semblables à leurs frères ou sœurs de Cisjordanie ou de Gaza.
Comment comprendre alors ce qui se passe avec As’ad Kanaané, fils du secrétaire général du mouvement Abnaa al-Balad, en Palestine 48 ? Voilà près de deux mois qu’il est arrêté, sans autre accusation que d’avoir menacé en paroles un Palestinien ayant accepté le service civil prôné par les sionistes pour les jeunes de 48 (ce qu’il nie formellement, d’ailleurs). Depuis deux mois, d’une séance à l’autre au tribunal de Akka, sa détention est renouvelée, alors qu’au même moment, des sionistes commettent des crimes, font couler le sang palestinien, agressent les passants, et sont immédiatement relâchés s’il leur arrive d’être arrêtés.
Ce double standard sioniste dans le comportement avec les prisonniers d’al-Qods et des territoires occupés en 48 ne peut masquer la participation effective de ces Palestiniens à la lutte nationale de libération de la Palestine ni à la lutte du mouvement des prisonniers. Bien avant l’occupation du reste de la Palestine en 1967, les Palestiniens sous occupation ont une longue histoire dans les prisons sionistes, histoire faite de résistance armée à l’occupation, de poursuites, d’arrestations et de détention. Aujourd’hui, certains d’entre eux sont détenus depuis plus de 25 ans et appartiennent à la plupart des organisations palestiniennes de la résistance. Les conditions de leur détention sont aussi inhumaines que les autres prisonniers de la Palestine et ils appartiennent à toutes les catégories d’âge puisque depuis quelques mois, une sévère campagne d’arrestations vise des Palestiniens de plus en plus jeunes.
Des Palestiniens à part entière
En effet, au cours de cette année, avec l’accentuation des mesures de judaïsation de la ville sainte et la riposte populaire à ces mesures, l’arrestation des jeunes Maqdisis a pris d’énormes proportions. Dès l’âge de 13 ans, ils sont privés de leurs familles et de leur environnement et se retrouvent entre les mains des instructeurs sionistes du shabak ou des autres services sécuritaires. Un récent reportage de la revue américaine « Christian Science Monitor » souligne que plus de cent enfants de Selwan ont été arrêtés et brutalisés en l’espace d’un mois. En Palestine 48 également, ce sont surtout des jeunes qui sont arrêtés, comme récemment lors de la riposte populaire à Umm al-Fahem contre l’assaut des colons ou lors des manifestations populaires dénonçant l’agression criminelle contre Gaza en 2008-2009 où des dizaines de jeunes lycéens ou étudiants avaient été arrêtés, certains toujours en prison.
Il y a quelques mois, le nombre des prisonniers d’al-Qods et des territoires occupés en 48 était d’environ 500 prisonniers (février 2010). Parmi les prisonniers martyrs, morts en prison ou juste après leur libération, 14 sont originaires de la ville d’al-Qods, le premier étant Abdel Qassem Abou Bakr, mort en 1969 des suites de la torture subie dans la prison de Moskobiya et le dernier est le martyr Jum’a Kiyala, décédé en décembre 2008, par suite de la négligence médicale intentionnelle, après 13 ans de détention, alors qu’il était condamné à vie. Avant lui, le prisonnier martyr Muhammad Hassan Abou Hadwan qui était âgé de 65 ans. Condamné à la prison à vie, les autorités sionistes avaient refusé de le libérer lorsqu’il fut gravement malade. Il est décédé le 4 novembre 2004 après avoir passé 19 ans en prison, dont 7 ans à l’hôpital de la prison de Ramleh.
Les anciens prisonniers de la ville d’al-Qods détenus avant les accords d’Oslo sont au nombre de 43. Le plus ancien est Fouad Razim, du Jihad islamique, détenu depuis 1981.
Fouad Razim est né en 1957, à Al-Qods. Il a étudié dans les écoles du quartier de Selwan et a poursuivi ses études supérieures à l’Institut des études légales en 1977 et a travaillé au département des awqaf musulmans. Il s’est distingué dans le combat pour la Palestine e 1976 lors du mouvement des manifestations qui se déclenchaient à partir de la mosquée al-Aqsa en soutien aux Palestiniens assiégés dans le camp de Tell Zaatar, au Liban, ayant été un de ses leaders. C’est au cours de la même année qu’il a appris à manier les explosifs, dont il a balancé une quantité sur les forces de l’occupation. Avec un groupe de combattants, il a exécuté plusieurs opérations, dont l’assassinat d’un soldat en 1978 et d’un colon en 1979. Il est arrêté en 1981 après qu’un autre membre de la cellule ait été arrêté et qui, sous la torture, a avoué que Fouad Razim lui avait appris à manier les armes. Il fut sauvagement torturé lors de son interrogatoire pendant quatre mois. Ses parents âgés ont été détenus et soumis à des exactions pour faire pression sur lui et l’obliger à faire des aveux. Sa sœur mariée a été convoquée à la prison et gardée pendant plusieurs heures, mais en s’approchant de lui, elle a pu lui glisser ces mots : « tiens bon, Fouad, nous nous sacrifions tous pour la patrie, tu n’es ni le premier ni le dernier. Sois patient, nous sommes avec toi, par la permission de Dieu ».
Mais c’est au cours de son procès en 1982 où il a été condamné à 3 perpétuités et onze ans, pour avoir tué des soldats sionistes et des collaborateurs, et incendié les véhicules des sionistes et des collaborateurs à al-Qods, qu’il a montré un rare courage. Il se lance sur un des gardes pour lui arracher son arme. Il est alors aspergé de gaz avant de s’évanouir et d’être emmené à la prison de Ramleh. Depuis, il a été transféré dans toutes les prisons israéliennes. Maintes fois mis en isolement et privé des visites familiales, il représente jusqu’à présent un exemple de patience et de détermination. Lors des sermons du vendredi quand il dirige la prière dans la prison, il appelle au refus de quémander quoi que ce soit des gêoliers, en incitant « à se tourner vers Dieu, le maître des mondes, Celui qui secourt et qui aide ».
Les dernières statistiques concernant les prisonniers d’al-Qods indiquent que 12 prisonniers sont détenus depuis plus d’un quart de siècle. Parmi eux, figurent plusieurs prisonniers qui avaient été libérés en 1985 lors de l’échange entre les forces de l’occupation et le FPLP-commandement général, mais qui ont été à nouveau arrêtés par l’occupant, comme Alaa Baziane, arrêté à nouveau le 20/6/1986 et Ali Muslimani, le 24/4/1986. 16 prisonniers maqdisis sont détenus depuis plus de vingt ans, la plupart au cours de la première intifada. 28 Maqdisis sont condamnés à une ou plusieurs perpétuités dont deux femmes : Amné Mouna et Sanaa Shehadé. Amné Mouna a été arrêtée en 2001 et condamnée à une perpétuité, alors que Sanaa Shehadé a été arrêtée en 2002 et condamnée à 3 perpétuités plus 31 ans. Ibtissam Issawi a été arrêtée en 2001 et condamnée à 15 ans de prison.
Quant aux prisonniers de la Palestine 48 dont le nombre est aujourd’hui d’environ 150 (sans compter les Palestiniens en statut d’arrestation), le plus ancien est Sami Younis, arrêté en 1983 et condamné à la prison à vie, plus tard réduit à 40 ans. Né en 1929, il a aujourd’hui 81-82 ans. Il est le prisonnier palestinien le plus âgé. Quatre d’entre eux sont détenus depuis plus d’un quart de siècle, douze depuis plus de 20 ans, quatre plus de 18 ans. Parmi les femmes, figure Lina Jarbouni, arrêtée le 18 avril 2002 et condamnée à 18 ans de prison.
Il faut briser les normes « israéliennes »
Les prisonniers et leurs familles craignent que l’Autorité palestinienne, qui négocie avec les sionistes, ne néglige une fois de plus de réclamer leur libération, dans le cadre des accords éventuels qu’ils pourraient signer. Il faut dire qu’elle montre déjà des signes inquiétants en ce qui concerne les prisonniers de 48. Ayant reconnu implicitement depuis les accords d’Oslo que le sort des Palestiniens de 48 ne la concernait pas, l’Autorité palestinienne abandonne de plus en plus les prisonniers des territoires occupés en 48 alors que les plus anciens d’entre eux, ceux qui sont détenus depuis plus de 20 ans, ont été emprisonnés parce qu’ils avaient résisté dans le cadre des organisations palestiniennes présentes encore aujourd’hui dans les territoires de l’Autorité. Depuis quelques années, cet abandon est manifeste : plus de visites, plus de contributions financières aux prisonniers et leurs familles et plus de distribution de pâtisseries lors des fêtes.
Les représentants des prisonniers et des associations de solidarité avec les prisonniers de 48 expliquent que la situation s’est aggravée par la tentative sioniste de plus en plus manifeste de les « israéliser » avec les récentes mesures sionistes : les prisonniers de 48 ont été isolés des autres prisonniers palestiniens et détenus dans la section 4 de la prison de Gilboa, mesure qui permet de les séparer juridiquement et d’empêcher que l’Autorité palestinienne ne leur paie « la cantine » (la somme d’argent versée par prisonnier pour qu’ils puissent acheter les éléments nécessaires, tels que l’alimentation, les produits d’entretien, etc..). Ainsi, ils ne sont pas comptabilisés par les sionistes comme des prisonniers pouvant être réclamés, soit dans les échanges soit dans les négociations.
Mais « israéliser » ne signifie cependant pas qu’ils aient un traitement égal aux prisonniers « israéliens », loin de là. Que ce soit lors de leur arrestation, de leur procès ou de leur détention, les Palestiniens de 48 subissent le sort des autres prisonniers palestiniens, et parfois pire, là où les sionistes souhaitent se venger et affirmer qu’ils sont « une affaire interne ». Concernant le traitement, il faut se rappeler que le sioniste Ami Buber, qui a assassiné 7 ouvriers palestiniens à Uyun Kara (devenu la colonie Richon Letzion) en 1990 et qui avait été condamné à quarante ans de prison, a obtenu plus de 300 autorisations de sortie, s’est marié et a procréé. Ce traitement, aucun Palestinien, même n’ayant pas tué des sionistes ou pris les armes, ne peut l’obtenir.
L’arrestation des Palestiniens de 48 est souvent opérée dans la terreur : des dizaines de véhicules militaires, des centaines d’hommes sécuritaires, armés jusqu’aux dents, des sirènes lancées pour annoncer de jour comme de nuit qu’il s’agit d’une « grave » opération sécuritaire. Au moment de l’arrestation dans la maison, celle-ci est fouillée, les affaires de tous les membres de la famille dispersées, les ordinateurs et téléphones portables confisqués et surtout, la presse « israélienne » convoquée pour un tirage à grande sensation. C’est ainsi que furent arrêtés sheikh Raed Salah en 2003, Muhammad et Hussam Kanaané en 2005 et Ameer Makhoul en 2010, pour ne parler que des exemples les plus criants. Il s’agit de dissuader les Palestiniens de 48 de participer à la lutte nationale.
Mais pour Firas Omari, ancien prisonnier de 48 et aujourd’hui directeur de l’association Youssef el-Seddiq, il est plus que nécessaire de briser la norme israélienne, une nouvelle fois, comme en 1985 lors de l’échange de prisonniers, où des prisonniers de 48 avaient été libérés. Les organisations qui détiennent le soldat sioniste et négocient l’échange ne doivent absolument pas oublier leurs frères de 48, notamment les plus anciens.
Prisonniers palestiniens d’al-Qods et des territoires occupés en 48: la menace de la déportation (2)
La récente décision du ministère des Awqaf de l’Autorité palestinienne de Ramallah de supprimer les dons accordés par le royaume saoudien aux pèlerins membres des familles des prisonniers d’al-Qods et des territoires de 48 pose à nouveau la question du statut de ces prisonniers pour l’Autorité palestinienne. En effet, le nouveau scandale a éclaté et une conférence de presse a été organisée samedi 6 novembre par les associations des prisonniers d’al-Qods et des Palestiniens de 48 pour dénoncer ce qu’ils ont appelé « le vol et le détournement des dons par le ministre des Awqaf ». 200 pèlerins membres des familles des prisonniers ont été rayés de la liste par le ministre qui les a remplacés par d’autres noms, « dont 30 pour sa garde personnelle », d’après Mounir Mansour, ancien prisonnier de 48 et libéré lors de l’échange en 1985. « Les pèlerins étaient prêts, ils avaient fourni tous les papiers nécessaires » a-t-il ajouté avant de réclamer la démission du ministre al-Habbash, responsable de « ce détournement ». Les familles présentes à la conférence de presse et qui s’étaient préparées pour le pèlerinage ont dénoncé les accords d’Olso, responsables à leur avis de cette situation honteuse, où les prisonniers d’al-Qods et des territoires de 48 ont été entièrement abandonnés par l’Autorité palestinienne de Ramallah.
Le statut particulier que les sionistes ont réservé à la ville occupée d’al-Qods, que ce soit dans sa partie orientale ou sa partie occidentale, agit directement sur la population, et notamment sur les prisonniers. Pour l’occupant, la partie occidentale de la ville fait partie de l’Etat sioniste depuis qu’il l’a raflée en 1948 sous les yeux des Nations-Unies et de la « communauté internationale », après avoir commis des massacres dans ses quartiers et les villages environnants pour expulser tous les Palestiniens qui y vivaient. Après avoir occupé en 1967 la partie orientale de la ville, appelée Jérusalem-Est, le parlement sioniste vote son annexion, la séparant juridiquement des autres territoires occupés en juin 1967. Ainsi, la population maqdisie obtient un statut spécial, caractérisé par l’obtention d’une carte de résidence, de couleur bleue. Cette carte bleue est devenue, notamment depuis l’accélération de la judaïsation d’al-Qods, un outil de pression et de chantage entre les mains de l’occupant. Des dizaines de milliers de Maqdisis l’ont déjà perdue à cause du mur de l’annexion qui encercle la ville et la municipalité sioniste prévoit la confiscation de milliers d’autres, en vue de réduire le nombre de Palestiniens détenteurs de cette carte, pour les expulser hors de leur ville.
Lors des élections législatives de l’Autorité palestinienne en 2006, les sionistes avaient menacé d’arrêter quiconque des Maqdisis serait candidat ou même participerait à la campagne électorale. Onze personnalités avaient été arrêtées, avant les élections, puis relâchées en contrepartie du paiment de milliers de dollars. Après les élections et la victoire du Hamas, l’occupant lance une vaste opération d’enlèvements des députés élus, dont Mohammad Abou Tayr, élu islamiste pour la ville d’al-Qods. Mohammad Abou Tayr n’est pas inconnu des prisons « israéliennes ». Il avait déjà été arrêté en 1974 puis libéré en 1985 (grâce à l’opération d’échanges menée par le FPLP-commandement général) ; au cours de la première intifada, il est déporté en 1988 vers Marj Zouhour au sud du Liban avec 415 dirigeants palestiniens du Hamas et du Jihad islamique (cette déportation massive des cadres islamiques de la résistance s’était triomphalement terminée avec leur retour au pays).
Suite à son enlèvement le 29/6/ 2006 à l’instar d’autres députés du bloc du changement et de la réforme (Hamas), le député Abou Tayr est libéré début 2010, mais sa libération est assortie de la confiscation de ses pièces d’identité (carte bleue) et d’un ordre d’expulsion de la ville, à la date du 19/6/2010. Il refuse sa déportation. Il est alors de nouveau emprisonné. Deux autres députés, Ahmad Atoun et Mohammad Tawtah et un ancien ministre du gouvernement du Hamas, Khaled Abou Arfa, qui avaient été arrêtés dans les mêmes conditions puis libérés, sont également menacés de déportation. Ayant précédé la date limite qui était le 3 juillet 2010, ils se sont réfugiés dans les locaux de la Croix-Rouge internationale et mènent, à partir de ce lieu, une campagne contre la déportation de 300 personnalités maqdisies, menacées par la même mesure.
C’est aujourd’hui la menace de déportation qui pèse sur les prisonniers maqdisis en échange de leur libération. Mais cette menace pèse également sur les cadres et militants prisonniers vivant en Palestine occupée dès 1948. Les récentes lois racistes proposées par le gouvernement Netanyahu ou par des députés de l’extrême-droite sioniste menacent de plus en plus les Palestiniens restés dans leur pays, et au-delà les prisonniers. Des menaces claires ont été exprimées à partir de la loi sur la proclamation de la fidélité à l’Etat juif. En effet, le premier novembre dernier, un journaliste « israélien », Haïm Shayn, proposait l’application de cette loi au prisonnier Ameer Makhoul, arrêté en mai dernier et accusé de « collaboration avec l’ennemi », soit sa déportation, alors qu’il n’est même pas encore comparu devant le tribunal sioniste. Ce journaliste conclut son article par cette menace: « Tout Etat se garde le droit d’accorder la citoyenneté et de la retirer dans des conditions précises. La loi de la citoyenneté dans l’Etat d’Israël accorde au ministre de l’intérieur le droit de retirer la citoyenneté lorsque la fidélité à l’Etat d’Israël a été bafouée. La collaboration avec un agent étranger en est l’exemple le plus évident. Il est donc utile que le ministre de l’intérieur exerce ses prérogatives pour transmettre le message disant qu’il n’y a pas de droits de la citoyenneté sans fidélité civile ». Ce journaliste et les sionistes comme lui ne peuvent concevoir que l’appartenance et la fidélité des Palestiniens à la patrie palestinienne millénaire se situent au-delà et même balaient une « fidélité à un Etat juif sioniste » temporaire et éphémère.
Cette nouvelle menace qui pèse particulièrement sur les prisonniers palestiniens de 48 et d’al-Qods n’aurait pu s’exercer si ces derniers n’avaient pas été progressivement abandonnés depuis les accords d’Oslo au bon vouloir de l’occupation.
La jeunesse des prisonniers témoigne de la continuité de la lutte
Qui sont ces prisonniers originaires de la ville d’al-Qods et des territoires de 48 ? Près de 70 ans d’entre eux ont été détenus avant les accords d’Oslo et l’instauration de l’Autorité palestinienne : environ 50 prisonniers pour la ville d’al-Quds et 20 pour les territoires occupés en 48. Cependant, la majeure partie des prisonniers de 48 ont été arrêtés dans les années 80, alors que la majorité des prisonniers d’al-Qods ont été détenus à la fin des années 80 et au début des années 90, juste avant les accords d’Oslo. Pour les prisonniers de 48, l’invasion du Liban et le massacre commis dans les camps de Sabra et Chatila ont directement agi sur leur conscience de lutte, comme l’explique le prisonnier Walid Duqqa, ancien membre du Front populaire de libération de la Palestine, qui a pris les armes contre l’occupant avant d’être arrêté le 25/3/1986. Beaucoup de Palestiniens de 48 réagissent également à la violente répression menée par l’occupant au cours de la première intifada en prenant les armes pour combattre les sionistes.
Par ailleurs, une récente étude indique la jeunesse des prisonniers d’al-Qods. Si 47 prisonniers sont âgés de plus de 40 ans, 102 d’entre eux sont âgés entre 30 et 40 ans et 116 sont âgés entre 20 et 30 ans. Originaires de la plupart des quartiers d’al-Qods, beaucoup sont originaires de Selwan (avec 44 prisonniers dont 22 condamnés à perpétuité comme Fouad Razim et Ibrahim Sarahné), de Jabal Mukabber (28 prisonniers dont Ibrahim Machaal, condamné à la perpétuité), de Beit Hanina (24 prisonniers, dont Ayman Abou Khalil, condamné à la perpétuité) ou de Issawiya (26, dont Ahmad Mohammad Ubayd, condamné à la perpétuité). La famille Abbassi de Selwan tient le record du nombre de ses membres prisonniers, avec 6 de ses membres détenus : Wissam Saïd Moussa, âgé de 32 ans et condamné à la prison à vie, Mohammad Youssef Abbassi, âgé de 34 ans et condamné à 10 ans de prison, Imad Aziz Abbassi, âgé de 29 ans et condamné à 9 ans de prison, Alaa Eddine Mahmoud Abbassi, âgé de 37 ans et condamné à vie, Bashar Mohammad Abbassi, âgé de 31 ans et condamné à 5 ans de prison, Ibrahim Mohammad Abbassi, âgé de 48 ans et condamné à 18 ans de prison.
Les 123 prisonniers des territoires occupés en 48 sont en majorité originaires des bourgades et villes d’al-Jalil et du Muthallath (17 prisonniers de la seule ville d’Umm al-Fahem), d’al-Naqab ( 14 prisonniers) , et des villes côtières (8 prisonniers de Lid), d’après une étude récente parue en 2009. 20 d’entre eux sont considérés comme des anciens prisonniers, ayant été arrêtés avant les accords d’Oslo, et 27 d’entre eux sont condamnés à une ou plusieurs perpétuités, comme les trois membres de la famille Aghbarieh, arrêtés en 1992 et 1996 ; ou Mohammad Anabtawi, arrêté en 2004 ; ou Ibrahim Mohammad Bakri et Yassine Hassan Bakri, du village de Baané dans al-Jalil, arrêtés en 2002 et condamnés tous les deux à 9 perpétuités et 30 ans de prison, la plus lourde condamnation parmi les prisonniers de 48. Plus de 100 prisonniers de 48 ont été arrêtés et detenus depuis l’Intifada al-Aqsa, en 2000. Ils sont souvent jeunes et les lourdes condamnations témoignent de leur participation à la lutte armée contre l’occupant.
Condamné à la prison à vie, Walid Nimr Duqqa consacre une grande partie de son temps en prison pour écrire, articles politiques ou consacrés aux prisonniers. Il participe, à partir de la prison, au débat politique qui secoue la société palestinienne quant à l’avenir de l’Autorité et ses choix de négocier ou aux perspectives de lutte des Palestiniens de 48. Il écrit également pour faire connaître les conditions de détention ou éclairer la personnalité de certains de ses compagnons de cellules. Après la bataille et le massacre du camp de Jénine en 2002, il s’est retrouvé dans la même prison que les principaux défenseurs rescapés du camp appartenant aux organisations du Jihad islamique, du Hamas, du Fateh et du Front populaire de la libération de la Palestine. Il a alors entrepris de les interroger sur les préparatifs et le déroulement de cette bataille héroïque qui s’est achevée par un massacre où les sionistes se sont vengés contre la population en détruisant le camp. Son livre reste un des documents originaux les plus importants sur la bataille et le massacre du camp de Jénine.
Mais Walid Duqqa a également brossé un portrait émouvant d’un de ses anciens compagnons de prison, le prisonnier Alaa Eddine Baziane, prisonnier d’al-Quds, qui a perdu la vue alors qu’il menait une opération contre l’occupant dans les années 70. Alaa Eddine Baziane avait été libéré lors de l’opération d’échange en 1985, mais les sionistes l’ont à nouveau arrêté en 1986 et condamné à la prison à vie. Non-voyant, Alaa Eddine Baziane reste encore le modèle du militant courageux, ordonné, de bonne humeur et participant à toutes les luttes des prisonniers. Le texte du prisonnier Walid Duqqa sur le prisonnier Alaa Eddine Baziane est l’un des plus beaux hommages qui lui furent consacrés jusqu’à présent : « Alaa Dine n'est pas le nom d'un héros mythique, mais le nom d'un héros qui vit parmi nous, dans la prison de Ramleh, à cette époque où il n'y a plus de légendes, de mythes et de fables, où les gens ne croient plus qu'aux faits vivants et palpables. Alaa a été enterré vivant dans les souterrains des prisons, depuis plus d'un quart de siècle… Lorsque nous chantons "nos yeux pour la patrie", pour Alaa, ce n'est ni un hymne, ni une rhétorique, ni une métaphore linguistique. Lorsque sa ville, al-Qods, lui a réclamé toute sa lumière, il lui a remis toute celle par laquelle il voit. Alaa refuse d'être une légende ou une icône pendue aux murs ou de ceux qui ont transformé la souffrance en exposition, et la patrie en patrimoine. Il a toujours insisté pour rester ce militant humain avec tout la signification qu'impliquent ces mots, avec la profondeur révolutionnaire, la simplicité et l'humilité en même temps, pour que la patrie ne se transforme pas en pseudo-patrie…. Comment se comporte Alaa lors des affrontements violents entre nous et les geôliers ? Comment Alaa évite-t-il le gaz lacrymogène et les matraques qui tombent sur lui sans qu'il ne puisse prévoir dans quelle direction elles vont agir ? L'obscurité éternelle n'intercède-t-elle pas en sa faveur ? Nous avons oublié, mon ami, de te demander comment tu rassembles tes vêtements et tes affaires personnelles après chaque fouille violente qui laisse derrière elle un tas au centre de la cellule ? Nous avons oublié de te demander comment tu accomplis les gestes les plus simples comme le fait de nouer les lacets, de marcher du lit vers les toilettes, lorsque la géographie des lieux change après chaque transfert d'une prison à l'autre ? Car Alaa Dine est transféré, menotté et les pieds attachés, comme tous les prisonniers, afin qu'il ne puisse pas s'enfuir... »
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