05 novembre 2010

Quelques observations sur la situation politique actuelle en Palestine occupée

vendredi 5 novembre 2010
Khalid Amayreh - CPI



L’Autorité palestinienne est en réalité un Etat policier sans être un Etat, et Israël, suprême maître-esclave, voit principalement l’AP comme son sous-traitant à la sécurité. 
 
1 - La situation générale en Palestine occupée a déjà atteint (ou en est très proche) le point de « non-retour ». Cela veut dire que nous avons déjà laissé passer les occasions de faire la paix. Il faut l’imputer principalement à la politique acharnée d’expansion coloniale d’Israël sur l’ensemble des territoires occupés, et spécialement sur Jérusalem-Est occupée. Cette politique manifestement illégale, qui envoie paître le droit international, a fait de la création d’un Etat palestinien viable et contigu territorialement sur les territoires occupés en 1967, un objectif pratiquement inaccessible et irréaliste. En d’autres termes, Israël a en réalité anéanti toute possibilité d’un Etat palestinien viable. Par conséquent, on peut affirmer sans crainte de se tromper que le processus actuel, impulsé par les Etats-Unis, est déjà devenu plus ou moins hors sujet.
Le gouvernement israélien actuel, qui est incontestablement le plus belliciste et le plus chauvin de l’histoire d’Israël, tente, non sans succès, de décapiter une fois pour toutes l’ensemble des chances restantes pour faire la paix, principalement en construisant de nouvelles colonies et en rétrécissant encore plus les horizons des Palestiniens. Il le fait aussi en transformant de façon irréversible le panorama de Jérusalem-Est et en masquant l’identité arabo-islamique des villes occupées.
2 - Le processus politique en cours est voué à l’échec parce que ce n’en est pas un, ce n’est qu’une reproduction et une répétition des mêmes efforts qui ont échoué dans le passé, spécialement depuis les Accords d’Oslo. Donc, s’accrocher à un espoir réel de réussite de ce processus revient à se complaire dans l’aveuglement.
3 - Le gouvernement des Etats-Unis, quelle que soit l’administration aux affaires, est incapable, ou non désireux (voire les deux), d’obliger Israël à mettre fin à son occupation de la terre palestinienne. C’est surtout imputable à l’influence outrancière qu’exercent les partisans d’Israël, notamment ce que l’on appelle le lobby juif, sur la politique américaine pour cette partie du monde. Inutile de dire que cette dimension particulière est maintenant bien connue de beaucoup d’universitaires, responsables politiques, aussi bien que de beaucoup de gens ordinaires.
4 - Israël n’est pas vraiment intéressé à conclure une paix véritable et durable avec ses voisins palestiniens. En effet, un pays qui continue de construire des colonies sur les terres qu’il occupe et d’y transférer ses propres citoyens pour qu’ils vivent sur une terre qui appartient à un autre peuple, un tel pays n’est manifestement pas intéressé par la paix. Et afin de détourner l’attention du monde de cette réalité difficile en Palestine occupée, Israël et ses partisans ont systématiquement recours à des campagnes de mensonges, appelées aussi hasbara (propagande), toujours dans le but de faire porter la responsabilité aux Palestiniens de l’impasse ou de la perte de perspectives auxquelles est parvenue la situation de notre région.
5 - La société juive israélienne dérive constamment vers le fascisme et le racisme. Par exemple, au moins la moitié des ministres du cabinet de l’actuel gouvernement israélien et ce, ouvertement et sans honte, appellent à l’expulsion des Palestiniens hors d’Israël et des Territoires occupés. Il y a quelques jours, on citait les propos tenus par un rabbin influent qui a déclaré à ses disciples, « les non-juifs sont vraiment pareils à des ânes et autres bêtes de somme, créés par Dieu ainsi pour qu’ils servent les juifs, la race supérieure. » En outre, un nombre croissant de responsables israéliens ne cesse de se référer aux colons comme à de « véritables êtres humains » et aux non-juifs comme à des êtres humains inférieurs. Malheureusement, cet odieux racisme ne provoque guère de froncements de sourcils en Israël, ni parmi les intellectuels, ni parmi les gens ordinaires.
6 - De plus en plus d’intellectuels juifs israéliens se servent de cette notion discutable de « peuple élu » pour justifier le harcèlement, l’agression, la déshumanisation et même les assassinats de Palestiniens. Il suffit de lire la presse israélienne pour vous faire une idée précise de ce que je suis en train de vous dire là. Malheureusement, le fascisme en Israël est arrivé à un tel niveau que même des ministres du gouvernement tirent la sonnette d’alarme, disant que le fascisme hante déjà la société israélienne pure et simple.
7 - Comme je l’ai indiqué plus haut, l’effondrement final du processus de paix, déjà médiocre, est couru d’avance. Inutile de dire que ceci pourra, ou plus probablement, va générer des vagues d’extrémisme et de violence à travers la région. Et des organisations extrémistes, telle qu’al-Qaïda, seront en mesure de doubler ou tripler leurs forces et leur influence aux dépens de groupes plus modérés. La radicalisation qui en résultera minera très certainement, entre autres, la paix et la stabilité de beaucoup de pays, avec un effet de radicalisation générale sur tout le monde musulman.
8 - L’Autorité palestinienne (AP) est en réalité un Etat policier sans être un Etat, et Israël, suprême maître-esclave, voit principalement l’AP comme son sous-traitant à la sécurité, dont le principal boulot est de persécuter, réprimer, torturer, harceler et humilier le peuple palestinien pour le compte d’Israël. L’AP est un Etat policier sans être un Etat, point. L’AP est même considérée, au moins par de nombreux Israéliens, comme un Judenrat (conseil juif dans Varsovie sous l’autorité des nazis - ndt) au service des intérêts israéliens. Il y a quelques années, les Palestiniens étaient harcelés et brutalisés par un oppresseur : les autorités de l’occupation israélienne. Aujourd’hui, les Palestiniens sont brutalisés et agressés sauvagement par les deux autorités : les maîtres israéliens et leurs esclaves de l’Autorité palestinienne. Ces derniers font ce qu’ils font pour le compte des premiers, principalement pour justifier leur existence même.
9 - Les relations du Hamas avec l’Iran dont se sert Israël est un faux problème. Il y a quelques années, Israël justifiait son blocus criminel de la bande de Gaza, toujours en vigueur, en prétendant que c’était une réponse aux projectiles tirés depuis Gaza sur Israël. Et quand ces tirs de projectiles se sont pratiquement arrêtés, Israël a commencé à chercher d’autres dérobades, affirmant alors qu’Israël ne pouvait vivre avec l’Iran sur ses frontières sud !!! Dieu sait quels dérivatifs et diversions Israël va invoquer afin de justifier son intransigeance et agressivité.
10 - Enfin, Israël insiste pour que les Palestiniens le reconnaissent en tant qu’Etat juif. Savez-vous ce que ça veut dire vraiment, Israël en tant qu’ « Etat juif » ? Eh bien ça veut dire qu’Israël insiste pour que les Palestiniens acceptent, officiellement et solennellement, qu’il ait le droit, à un certain moment dans le futur, d’expulser la plus grande partie de tous ses citoyens non juifs au motif qu’Israël est juif, et que les non-juifs, par exemple les un million huit cent mille Palestiniens d’Israël, n’ont aucun droit permanent à la citoyenneté, simplement parce qu’ils ne sont pas juifs.
Sinon, pourquoi le gouvernement israélien aurait-il approuvé un projet de loi manifestement raciste obligeant les non-juifs aspirant à obtenir la citoyenneté israélienne à faire serment de loyauté envers Israël en tant qu’Etat juif ?
11 - Israël tente de brouiller ou de détourner l’attention de la nature scandaleuse de cette question, en invoquant constamment le mantra mensonger qu’Israël est un Etat juif et démocratique. Cependant, pas besoin d’avoir un QI très élevé pour comprendre, à chaque fois qu’il y a la moindre incompatibilité ou inconciliabilité entre les dimensions juives et les dimensions démocratiques d’Israël, lesquelles vont prévaloir.
Pour conclure, il existe le sentiment très répandu que l’Europe est en train de succomber devant l’hégémonie américaine sur le processus de paix, ce qui empêche les Européens d’assumer un rôle plus dynamique dans le processus de paix. Même l’AP, qui vit de l’argent des contribuables européens, envoie promener l’Europe et refuse de réduire ses violations des droits de l’homme dans les Territoires.
Il est donc temps pour le parlement de l’Union européenne d’exercer des pressions sur les gouvernements nationaux et sur l’Union européenne dans son ensemble, pour s’assurer que l’aide de l’UE à l’AP ne sert pas à encourager et à permettre à cette AP de torturer et de violer les droits humains fondamentaux des Palestiniens connus comme opposants politiques à son régime.
Le peuple palestinien dépend essentiellement de la bonne volonté du monde, et spécialement de celle de l’Union européenne, pour qu’il soit mis un terme au règne de terreur que l’AP poursuit contre son propre peuple.

(JPG) Khalid Amayreh est un journaliste qui vit à Dura, dans le district d’Hébron, Cisjordanie, Palestine occupée. Il a un bachelor en journalisme de l’université d’Oklahoma (1981) et un master en journalisme, de l’université de Southern, Illinois (1983)
Du même auteur :
3 novembre 2010 - Centre palestinien d’information - traduction : JPP

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