03 juin 2011

pour la réhabilitation du poète Riadh Chraïti

 

A ce jour, 638 personnes ont répondu à l'appel lancé à la mi-mai pour réhabiliter le poète tunisien Riadh Chraïti. La liste ci-dessous concerne les signataires de la version en langue française. Nous la complèterons bientôt par les autres signataires de la version arabe. Et tout en remerciant pour cet élan de solidarité l'ensemble des signataires, nous invitons celles et ceux qui n'ont pas encore signé à se joindre à cette action citoyenne internationale pour soutenir Riadh Chraïti. Rappelons que ce poète tunisien, l'une des plus belles plumes de la poésie arabe moderne, a été licencié et interdit d'exercer la fonction publique depuis 1985 pour des raisons politiques et que notre combat vise à le faire réintégrer dans sa fonction d'enseignant et le dédommager des torts qu'il a subis.

- Pétition en langue arabe.
- Pétition en langue française.
- Page de soutien sur Facebook
- Poème traduit 1
- Poème traduit 2

Riadh Chraïti: un combat pour la justice et la dignité


Riadh Chraïti est un poète tunisien et l'une des plus belles plumes d'expression arabe au Maghreb. Il est également militant syndicaliste de gauche et, à ce titre, il était opposant politique aux régimes de Bourguiba et Ben Ali. Son parcours de combattant, son engagement infaillible dans la lutte pour la justice et la démocratie, s'inscrivent en droite ligne du combat mené de vieille date par les Gafsiens en général et sa famille en particulier. Celle-ci a déjà donné à la Tunisie un fellaga de grand renom, Lazhar Chraïti qui s'était battu en Palestine, puis en Tunisie dans les maquis contre la France, autant pour la libération de la Tunisie que pour celle de l'Algérie. Chef de l'«Armée de libération nationale», ce "Che" tunisien du sud qui commandait une guérilla de 2000 hommes avait tant donné du fil à retordre à l'armée française qu'une prime de deux millions de francs fut offerte pour sa capture, vif ou mort. Mais celui que le sud tunisien surnommait «le Lion d'Arbat» ne pouvait être la proie facile des chasseurs de prime. L'histoire de la lutte pour l'indépendance tunisienne doit à Lazhar Chraïti et son armée la force qui a conduit la France à engager le processus de mise en fin du protectorat. Et même l'indépendance acquise, l'irréductible Lion d'Arbat n'a pas déposé les armes. Il a continué de se battre aux côtés du F.L.N, sur la frontière algéro-tunisienne, jusqu'à l'indépendance de l'Algérie.

On déplore quand même que cette épopée -jusque-là faisant vibrer dans l'union l'ensemble des Tunisiens- ait connu un épilogue douloureux. Devenu président,
Bourguiba n'avait pas reconnu comme il se doit le mérite des fellagas dans la lutte pour l'indépendance. Beaucoup de ces anciens combattants, dont Lazhar Chraïti, se sont vite inscrits en faux contre sa politique. En 1962, Lazhar Chraïti est arrêté avec de nombreux anciens frères d'armes accusés de comploter contre l'État. Jugé et condamné à mort, il a été exécuté en 1963 avec dix autres conjurés.

Sans doute l'aura et l'héritage de cet homme dont la mort l'a élevé au rang de martyr ont-ils été marquants dans la ligne politique du neveu Riadh Chraïti. Mais celui-ci est aussi le fils de Mohamed Lazhar Chraïti, frère d'armes du "Lion d'Arbat»! Il avait rejoint au djebel son cousin germain alors qu'il avait à peine 16 ans. De tous les fellagas qui se sont battus sur le sol tunisien, ce père que Riadh évoque avec autant de piété que de fierté était le seul à avoir fait son baptême de feu en âge si précoce. A l'indépendance de la Tunisie lui non plus ne dépose pas les armes. Il suit son cousin et commandant Lazhar Chraïti pour se battre du côté des frères algériens.
En 1978, alors qu'elle est paralysée pour le deuxième jour par une grève générale, suite à des heurts opposant les forces de l'ordre à des manifestants soutenant l'UGTT la Tunisie a basculé dans des émeutes sanglantes.
En ce jeudi 26 janvier appelé le jeudi noir, près de 200 personnes, si ce n'est plus, ont trouvé la mort et entre 500 et mille personnes ont été blessées. Alors que ces émeutes avaient commencé la veille à Tunis, c'est à Gafsa qu'on a enregistré le premier martyr du jeudi noir. Ce martyr était un proche parent de Riadh Chraïti, plus précisément son oncle maternel Jamel Bouterâa. Militant syndical de gauche, il a été abattu à 9h d'une balle devant le local de l'UGTT, avant même que l'ordre de tirer sur les manifestants n'a été donné.

C'est dire ce que le poète et militant Riadh Chraïti doit au juste à la saga des siens. Dès sa prime jeunesse, le pouvoir l'avait dans son collimateur. Et le poète a dû s'expatrie en Irak puis en Algérie pour poursuivre ses études. En 1985, alors qu'il était instituteur et que son nom était déjà connu dans les milieux littéraires, Riadh est frappé d'un licenciement arbitraire sanctionnant ses activités syndicales. On lui reprochait d'avoir participé à une grève jugée illégale. En réalité, une telle mesure punitive visait non seulement le syndicaliste et l'opposant-né de Bourguiba mais aussi
une mauvaise graine rappelant le sang de Lazhar Chraïti. En 1996, c'est avec le pouvoir de Ben Ali, de plus en plus dictatorial, que Riadh va avoir encore des problèmes. Membre de plusieurs associations littéraires dont l'UET (Union des écrivains tunisiens) il dirigeait un groupe public local à vocation littéraire, mais non moins engagé au plan politique, le Centre du roman arabe. Au cours d'une soirée poétique organisée à Sousse dans le cadre d'un symposium international, à laquelle assistait le gouverneur de la ville, Riadh a refusé de donner satisfaction à celui-ci qui voulait faire interrompre l'intervention d'un participant. Le cacique du pouvoir local était outré d'entendre Slim Daoula, philosophe et poète tunisien, réciter un poème qu'il ne trouvait pas à son goût. Slim Daoula, tout aussi irréductible que son ami Riadh, ne s'embarrassait pas de se montrer ouvertement critique à l'égard du pouvoir.

Suite à cet acte d'insubordination offensant un haut fonctionnaire de la dictature, Riadh a été démis de son poste et interdit de la fonction publique pour le restant de sa vie. Commence alors pour le poète un long calvaire, car il est obligé de travailler par-ci par-là, souvent dans le tourisme, à titre saisonnier et pour un salaire de misère. En 2010, il réussit néanmoins à se faire embaucher dans un hôtel, ce qui lui permet de sauver la décence pendant près de 6 mois, jusqu'au 25 janvier 2011, date à laquelle il a été de nouveau licencié. La révolution qui a chassé le dictateur à peine une dizaine de jours avant n'a pas le moindrement perturbé les vieux rapports entre employeurs et employés.

Victime une première fois de l'arbitraire de l'Etat qui l'a privé de son travail au mépris des lois et de la justice humaine, une deuxième fois d'un code de travail taillé à l'auge des patrons, Riadh Chraïti n'a pas déposé pour autant les armes. Il a frappé à toutes les portes, interpellant les instances politiques au sujet des abus de pouvoir dont il a été victime et demandant que cette injustice qui a trop duré soit réparée. Il a écrit aux ministres de l'éducation, de la culture, des affaires intérieures, au premier ministre, au président, mais à ce jour ces démarches n'ont pas abouti.

En désespoir de cause, il a mis en ligne une pétition et en appelle à la conscience des citoyens du monde pour l'appuyer.

Riadh Chraïti : Salutation à une patrie (poème traduit de l'arabe par A. AMRI)



Bonsoir mon ombre diffuse
sur les joues des portes closes
Bonsoir ma plume
Ô mon sang répandu
sur le canon de ma feuille, bonsoir
Armé jusqu'aux dents du vide de mon tabac
et du désert de mon verre
Je lis l'ululement de mon moi
et je me vois balbutiant
devant mon premier pas
Bonsoir mon premier pas!
Compagnon de mon oppression, et ma portée
Bonsoir
Agrippé à ma poussière
A ma table
A ma nostalgie
A mes reliefs par dessus ma cité
Je diffuse ma face sur la sienne
et sur son vacarme le mien
Tandis que mes talismans sont sur elle
Bonsoir ma cité
Bonsoir ô cité où l'incendie
s'est fait chic quand il a débuté
Un martyr dans son sang
criblé de balles quand les balles ont éclaté
Bonsoir martyr
Ô passager des arcs du meurtre gratuit,
transitant vers les fleurs de la Casbah
Tu laves les cils de la patrie
avec du sang rutilant d'amour
Bonsoir, ô sien sang rassis comme le vent
ô son sang pénible, extrait du faîte du jour
Bonsoir acclamations du passager
traversant les fragrances du sens
Ô corps d'étoiles
qui se précipitent à l'entrée du pays
Armoires de désirs
Membres de l'écorce du feu
J'ai vidé dans le vagin des libertins
la lumière
Bonsoir ô lumière/ mort
Est mort qui est mort
Est toujours vivant qui vit encore
Flanqué d'une saison bondée de moi
et me protégeant de mon hier
Il descend plein
comme quelqu'un ayant pour saule la lune
sur une progéniture de météores
venus des emplacements de rosiers
Donc bonsoir quartier disparu et existant encore
Ô toi faisant irruption
par une blessure errant sur mes pages
rassemblant mes fragments épars
élisant domicile dans une rue
amourachée d'une eau à portée débridée
J'aménage en conséquence ma voix
pour chanter les mystères du matin et de la rosée
Alors bonsoir à vous et à moi

 

 

15.05.11
_______________ Le texte dans sa version arabe:

تحيّة إلى وطن
عمت مساء يا ظلّي المنتشر على خدود الأبواب المغلقة
عمت مساء يا قلمي ،
يا دمي المسفوك على فوهة ورقي ،
عمت مساء ،،
مدجّج بفراغ تبغي و قفر كاسي ،
أقرأ نعيق أناي ،
فأجدني متلعثم قدّام أوّل خطاي ،
عمت مساء يا أوّل خطاي ،
يا قرينة قهري ، و مداي ،
عمت مساء ،،
متشبّث بغباري ،
بطاولتي ،
بغربتي ،
و بتضاريسي فوق مدينتي ،
أنشر على وجهها وجهي ،
و على ضجيجها ضجيجي ،
و عليها تمائمي ،
عمت مساء مدينتي ،
عمت مساء ،،
عمت مساء يا مدينة تأنّق فيها الحريق حين ابتدأ ،
و شهيد مضرج بالرّصاص حين انطلق ،
عمت مساء أيّها الشّهيد ،
أيّها العابر أقواس القتل المجّانيّ ، لزهر القصبة ،
تغسل أشفار الوطن بدمّ ناصع العشق ،
عمت مساء يا دمه الرّصين كالرّيح ،
يا دمه الشّاق، المشتقّ من قمّة النّهار ،
عمت مساء ، يا هتاف العابر في طيوب المعنى ،
يا فيالق نجوم تتدافع عند مدخل البلاد ،،،
خزائن الشّهوات ،
أعضاء قشرة النّار ،
أفرغت في مهبل انفجار الضوء ،
عمت مساء يا أيّها الضوء / الموت ،
مات الذي مات ،
و مازال حيّ الذي زال ،
يصطحب فصلا مكتظا بي يحميني من أمسي ،
ينزل مكتملا كما صفصافة البدر ،
على نسل شهب جاءت من مرابض الورد ،
فعمت مساء أيّها الحيّ الذي زال و مازال ،
أيّها الدّالف من جرح هائم في صحائفي يجمّع أنحائي ،،
و يبثّني في طريق تتعشّق ماء مطلوق المدى ،
فأهيّئ صوتي لإنشاد أسرار الصّباح و النّدى ،
فعمتم مساء يا أنتم ، و أنا رياض الشرايطي

tous les textes ont été pris sur le blog de notre ami Ahmed Amri, avec sa permission, et nous l'en remercions du fond du coeur

http://amriahmed.blogspot.com/

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