15 juin 2011

Raed Salah : Israël se prépare à finaliser le nettoyage ethnique des Palestiniens

Par Raed Salah

Dans un entretien exclusif avec le Middle East Monitor, le chef du mouvement islamique en Israël, Sheikh Raed Saah, a mis en garde : "Les Israéliens posent les bases d'un climat général "adéquat" pour la dernière étape du nettoyage des Palestiniens, qui a débuté en 1948 et qui n'a pas cessé depuis."
Salah, que les Palestiniens considèrent comme le gardien de la Mosquée Al-Aqsa, dit : "Jérusalem souffre de l'occupation israélienne continue et elle subit le programme de judaïsation d'Israël. Les lieux saints islamiques et chrétiens, les mosquées, les églises et les cimetières, font l'objet d'attaques incessantes."
"Je suis convaincu que les révolutions arabes redéfiniront la cause palestinienne, bien que certains aient essayé de distordre cette définition en affirmant que la question de la Palestine ne concernait que les Palestiniens. Les révolutions ont confirmé que la cause de la Palestine est une cause pour le monde arabe et islamique tout entier et une cause pour tous ceux qui chérissent la liberté et l'humanitarisme."

Raed Salah : Israël se prépare à finaliser le nettoyage ethnique des Palestiniens
Entretien

MEMO : Pouvez-vous décrire la situation actuelle à Jérusalem ? Que se passe-t-il pour les Palestiniens qui y vivent, pour la Mosquée Al-Aqsa et les autres sanctuaires islamiques ?

Sheikh Raed Salah : Jérusalem souffre de l'occupation israélienne continue et elle subit le programme de judaïsation d'Israël. Les lieux saints islamiques et chrétiens, les mosquées, les églises et les cimetières, font l'objet d'attaques incessantes.

La Mosquée Al-Aqsa en particulier est confrontée aux exactions de l'occupation, aux creusements et aux démolitions. Il existe une très sérieuse possibilité que les autorités de l'occupation israélienne réalisent leurs rêves fous annoncés explicitement : c'est très simple, ils veulent détruire la Mosquée Al-Aqsa et construire un temple à sa place.

Les souffrances des citoyens palestiniens sous occupation israélienne à Jérusalem sont énormes : restrictions pour gagner leurs vies, obstacles pour les empêcher de construire sur leur propre terre, confiscations de la terre palestinienne par la municipalité de Jérusalem sous contrôle israélien dans des circonstances inacceptables.

Ils vivent sous la menace que leurs cartes d'identité soient confisquées et qu'ils soient expulsés de leur lieu de naissance. C'est exactement ce qui est arrivé récemment à Mohammed Abu Tair, membre élu au Conseil législatif, une menace qui pèse sur tous les autres membres du Conseil élus pour représenter la population de Jérusalem, et c'est arrivé également à l'ancien ministre Khaled Abu Arafa.

Les Jérusalémites sentent que toutes leurs institutions sont menacées, les organismes sociaux, de santé, d'enseignement, de littérature, malgré les impôts levés par la municipalité et qu'ils doivent payer. Ces soi-disant taxes ne sont qu'un moyen pour confisquer la terre et les maisons des citoyens sous le prétexte de l'évasion fiscale.


MEMO : Quelles sont les conditions de vie des Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés par Israël en 1948 ? Pouvez-vous décrire les défis socio-économiques, juridiques et politiques auxquels ils sont confrontés étant donné la législation israélienne et les restrictions qui leurs sont imposées ?

RS : Personnellement, je suis convaincu que la réalité des territoires de 1948 peut être résumée en trois projets que l'establishment israélien applique contre la communauté palestinienne de 1948.

1. Des tentatives de l'establishment israélien pour séparer les citoyens palestiniens de leurs liens palestiniens, arabes et islamiques.
2. Des tentatives de l'establishment israélien pour démanteler la société palestinienne, de manière à ce qu'elle devienne un ensemble d'individus, et rien d'autre.
3. Les Israéliens posent les bases d'un climat général "adéquat" pour la dernière étape du nettoyage des Palestiniens, qui a débuté en 1948 et qui n'a pas cessé depuis. D'abord les individus sont expulsés, puis par groupes ; après, cela peut devenir plus grave.

Tout ce que l'establishment israélien met en pratique contre la société palestinienne, depuis la discrimination juridique et la persécution religieuse jusqu'à la confiscation quotidienne et l'érosion des droits, fait partie des trois projets notés ci-dessus.

Je veux mentionner ici que l'establishment israélien donne à toutes ses décisions et ses pratiques une couverture légale, de manière à ce que tout semble légal, comme la confiscation de la terre appartenant aux Palestiniens et la destruction de leurs maisons. L'establishment israélien a ratifié de nombreuses lois pour masquer tous les aspects de ces injustices, auxquelles il se réfère pour détruire les maisons et même des villages entiers dans le désert du Néguev.

Le dernier exemple en est la loi qui autorise les autorités à retirer la citoyenneté. En violation de toutes les normes internationales, les Israéliens ont adopté une loi qui les autorisent à retirer leur citoyenneté aux Palestiniens et à les expulser de leurs maisons, et tout ceci est parfaitement "légal" en Israël.


MEMO : Que pensez-vous des négociations ? Les négociateurs israéliens et l'Autorité Palestinienne discutent de la possibilité d'un "échange de population" avec un "échange de terre" pour l'établissement d'un Etat palestinien : qu'en pensez-vous et qu'en pense la population sur le terrain ?

RS : Je peux confirmer que tous les mouvements politiques dans les territoires palestiniens, y compris les masses, refusent d'accepter de tels échanges. Ils les considèrent, et moi aussi, comme un plan pour expulser les Palestiniens de leur terre et poursuivre ce qui a débuté pendant la Nakba sur la terre de 1948.


MEMO : Etes-vous en contact avec des membres de l'équipe de négociation de l'OLP ? D'après vous, que serait une solution juste au conflit ?

RS : J'ai des relations avec le Haut-Comité de suivi, l'Autorité palestinienne et la société palestinienne en général, avec toutes ses institutions et toutes ses factions. Au sujet de la seconde partie de votre question, je pense que la question elle-même est injuste pour le peuple palestinien. On ne cesse de nous demander notre opinion sur la solution, mais en même temps, l'occupation israélienne continue de judaïser Jérusalem et la Cisjordanie . En d'autres termes, c'est à nous qu'on pose la question, alors que la réalité de la situation rend la réponse dénuée de sens. En conséquence, je dis que lorsqu'il y aura une véritable chance pour l'établissement d'un Etat palestinien, je répondrai à cette question.


MEMO : Le Mouvement islamique en Palestine (1948) est composé depuis des années de deux factions, et vous êtes le chef du mouvement du nord. Les deux mouvements se sont unis récemment en Israël. Pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui a provoqué cette union ? Et quel impact pensez-vous qu'elle aura sur les Palestiniens en Israël ?

RS : Le mouvement islamique s'est scindé en 1996, et on a vu l'émergence de deux écoles de pensée. Aujourd'hui, toutefois, les deux groupes se dirigent vers l'unification de l'action et du mouvement islamiques. Les Palestiniens à l'intérieur d'Israël ont accueilli cette unification avec joie car ils pensent que cela leur donnera du pouvoir, pas seulement au mouvement islamique.

Le mouvement islamique dans les territoires palestiniens de 48 a été créé dans les années 1970 et est passé par trois stades :
1. Le stade de la création, qui s'est terminé avec une campagne d'arrestation par les autorités israéliennes contre les membres du mouvement en 1978.
2. Après les arrestations, et au milieu des années 1980, des institutions locales ont été fondées et la structure organisationnelle incluait tous les membres du mouvement. Ce stade a pris fin avec le départ de certains des membres qui ont décidé de participer aux élections à la Knesset israélienne et ont fait partie du processus politique israélien.
3. La troisième étape a vu l'expansion du travail islamique basé sur l'éducation. Le mouvement a développé des projets éducatifs et de soutien qui correspondaient à notre compréhension de notre religion.

Pendant cette période, le mouvement a amplifié sa lutte populaire et approfondi sa participation aux activités palestiniennes internes ; il a mis en œuvre de nombreux projets qui ont eu un impact sur la vie des gens ordinaires parce qu'ils comprenaient et répondaient à leurs nombreuses préoccupations. Le mouvement a ainsi commencé à établir un réseau d'organisations et de service pour aider les Musulmans et les non-Musulmans à l'intérieur d'Israël : les comités de la zakat (l'aumône, ndt) par exemple, les comités de réforme et autres institutions sociales comme l’Institution Sanad pour la mère et l'enfant, et beaucoup d'autres.

Depuis les années 1990, le mouvement islamique s'est focalisé sur les préoccupations au sujet de Jérusalem et de la Mosquée Al-Aqsa. Nous avons réalisé l'ampleur de la conspiration contre Jérusalem, sa population et Al-Aqsa, et le mouvement islamique a décidé de créer la Fondation Aqsa, qui est très populaire car elle est l’œil qui observe de près ce que fait l'establishment israélien contre nos lieux saints et la Mosquée Al-Aqsa, et elle diffuse des alertes sur les crimes ignobles de l'occupation israélienne.


MEMO : Les soulèvements arabes ont attiré l'attention de la communauté internationale et des médias internationaux, ces derniers mois au cours desquels des dictateurs et des régimes ont été renversés. Quel est votre évaluation sur les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ? En particulier, pensez-vous que le changement de régime en Egypte aura un impact sur la Palestine ?

RS : Je suis convaincu que les révolutions arabes redéfiniront la cause palestinienne, bien que certains aient essayé de distordre cette définition en affirmant que la question de la Palestine ne concernait que les Palestiniens. Les révolutions ont confirmé que la cause de la Palestine est une cause pour le monde arabe et islamique tout entier et une cause pour tous ceux qui chérissent la liberté et l'humanitarisme. Cela veut dire que les autorités d'occupation israélienne savent qu'aujourd'hui, elles ne combattent pas seulement le peuple palestinien mais aussi l'ensemble du monde arabe, islamique et humanitaire, tant qu'elles continuent à nier le droit du peuple palestinien à établir un Etat palestinien avec Jérusalem comme capitale.


MEMO : La campagne de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) a commencé à faire des vagues, dans la communauté internationale, avec des célébrités, des parlementaires et des militants soutenant la campagne. Que pensez-vous du mouvement BDS et des activistes internationaux qui viennent en Palestine pour aider à mettre fin à l'occupation ?

RS : Aujourd'hui, les Palestiniens savent que les Nations-Unies ont reconnu l'Etat d'Israël sous condition, à savoir que les réfugiés palestiniens seraient autorisés à revenir sur leur terre. Cependant, il est clair que l'establishment israélien refuse le droit au retour, ce qui signifie qu'il n'a pas rempli les conditions pour sa reconnaissance par les Nations-Unies.

Par conséquent, l'opinion publique en Palestine dit tout-à-fait franchement qu'Israël a fait de lui-même une entité invalide, dans tous les sens du terme. Les Palestiniens se demandent pourquoi Israël se sent le droit d'exiger qu'ils reconnaissent son existence alors qu'en même temps, l'Etat sioniste refuse de reconnaître la Palestine. Pourquoi la reconnaissance est-elle à sens unique ?
Il est donc naturel pour les Palestiniens de soutenir la campagne BDS car il est évident que l'entité israélienne est une fausse réalité qui ne doit pas être reconnue par les autres.


MEMO : Quelle est la signification de votre participation à la Flottille de la Liberté ?

RS : Pour moi, participer à la Flottille de la Liberté signifie faire partie d'une initiative mondiale dans laquelle des gens du monde entier, de tous les continents et de toutes les religions, se réunissent pour affirmer qu'il est temps de lever le siège de Gaza, qu'il est temps que Gaza vive dans la liberté et l'indépendance et qu'elle jouisse d'une pleine souveraineté sur sa mer, sa terre et son ciel, comme étape vers l'établissement d'un Etat palestinien avec Jérusalem comme capitale.

En même temps, la participation à la Flottille de la Liberté représente pour nous, Palestiniens des territoires occupés en 1948 connus comme "Israël", un retour à nos racines dont certains ont essayé de nous séparer. Nous renouvelons nos canaux de communication entre nous-mêmes et nos liens palestiniens, arabes, islamiques et humanitaires.



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