15 mars 2011

Hedi TLIJANI: La justice des Hommes doit suivre !


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Le témoignage de M.Mohamed Ahmed, sur son drame et celui de ses frères d’armes, a été lu par plus de 800 lecteurs le premier jour, repris par deux sites amis et permis surtout de libérer la parole. Trois de ses camarades ont réagi: lisez plutot! A.M.

Nous faisons ce témoignage au nom de tous nos camarades Officiers Supérieurs, Officiers Subalternes, Sous-officiers et Hommes de Troupe de notre noble Armée Nationale, qui ont fait l’objet de tortures, de radiation des rangs, d’injustices, de persécution , de harcèlement et de spoliation des droits…, sous le régime de Ben Ali.
Mighri Mohsen

197.1.78.69 Envoyé le 14/03/2011 à 20:14

Nous avons vécu des moments terribles. j’étais avec ces braves officiers jusqu’au dernier jour dans la salle de conférence du M. de l’int .
Malgré la lourdeur de ces années (20 ans) je sens une fierté énorme parce que ce passage furieux n’a pas pesé sur l’éducation de mes enfants.
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Envoyé le 14/03/2011 à 22:12

Hedi FERJANI

Je me présente je suis Hédi FERJANI ancien capitaine de la Marine Nationale ingénieur en Informatique Industrielle moi même j étais dans la même situation le 17 /04/1991 j étais a mon bureau de Bizerte dans la base navale et un commandant du DGSM viens me chercher pour une réunion urgente au ministère a Tunis mais j avais pas mal de doute vu la méthode pas tout a fait commode il n y a aucune note officielle ni télégramme …de plus je me rappel l ancien président était en voyage officielle en chine avec pas mal de responsable ….
J’étais le plus gradé des officiers de l armée de mer en même temps il y en a d’autres de l armée de l air …..
Après deux nuits une à la DGSM et une à l’Aouina on m’a amené au ministère de l’intérieur par une porte annexe et après il y a eu ce grand cauchemar, nous étions en attente qu’ on soit cité par nos collègues à ce fameux soit disant complot ……
J’avais un sentiment que nous étions dans des conditions d’attente d’exécution juste au moment opportun vu que nous avons assisté à des gens que nous connaissons à peine et qui sont torturés à mort !!!!!!
Je suis aussi prêt à témoigner avec plus de détails pour bien enregistrer cette période de notre histoire.
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Envoyé le 15/03/2011 à 09:29

Hedi Ben Massoud TLIJANI

Cher ami AM;
Je dis cher ami, puisque j’ai eu cette chance d’avoir lu alors que j’étais de passage à Paris en 2000, votre valeureux livre: Le Supplice Tunisien, que j’ai trouvé un miroir qui reflétait et qui reflète aujourd’hui mon drame.
Un autre point commun: je suis aussi de background agricole, j’ai eu mon bac au Lycée Agricole de Chott Mariem et j’ai fait les années préparatoires à l’INAT.
Je rejoins mon ami et collègue et presque parent et même frère d’armes,  dans le fiasco de Barraket Essahel, Mohamed Ahmed et je fournis mon témoignage ci après:
Ce témoignage répond au droit du peuple tunisien de connaître et de savoir jusqu’où il a été abusé par le régime de Ben Ali. Le mensonge était un outil de travail de ce régime, La culture de la peur était sa doctrine. Même l’Armée Nationale qui vient de montrer encore une fois qu’elle est toujours le meilleur rempart, a été abusée par l’ancien régime et de quelle façon !
Nous faisons ce témoignage au nom de tous nos camarades Officiers Supérieurs, Officiers Subalternes, Sous-officiers et Hommes de Troupe de notre noble Armée Nationale, qui ont fait l’objet de tortures, de radiation des rangs, d’injustices, de persécution , de harcèlement et de spoliation des droits…, sous le régime de Ben Ali.
Ancien élève et diplômé de l’Ecole de l’Air de Salon de Provence(France): Ingénieur en Aéronautique, Pilote Instructeur d’Hélicoptères et diplômé ensuite de l’U.S Air University Alabama/USA : Squadron Officer School & Ecole D’Etat Major Air, ancien enseignant à l’Académie de l’Air et l’Ecole d’Etat Major (Air), j’ai été arrêté alors que je commandais un escadron de formation des pilotes hélicoptères. J’attendais ces jours là une double consécration: passage de grade de commandant à Lieutenant Colonel à l’âge de 36 ans et le départ pour suivre les cours de l’Ecole Supérieure de Guerre suite à ma brillante réussite à un concours que l’Armée de l’Air n’a pu envoyer personne à ces Ecoles depuis des années; l’âge minimal pour passer ce concours était 42 ans, je l’ai passé sur insistance de mon chef d’Etat Major qui a tenu à obtenir une dérogation spéciale pour moi.
Le 21 mai 1991, à Sfax, je reçus une communication du même chef, le Chef d’Etat Major de l’Armée de l’Air me convoquant à une séance de travail concernant la maintenance des hélicoptères de mon escadron. Il était 11:h00 et la réunion devrait se tenir à Tunis à 15 :00 heures, il m’a autorisé à me rendre à Tunis en hélicoptère. Je m’y rendis en pilotant moi-même l’appareil. J’ai appris longtemps après que mon chef n’était pas convaincu mais, …
En atterrissant à la base de l’Aouina, un commandant –moins ancien que moi- me conduisit à un local de la sécurité militaire plutôt qu’au ministère de la Défense pour la réunion prévue. Jusqu’à ce moment, je n’étais au courant de rien. Certains officiers intègres de la sécurité militaire me connaissant bien ont pris position en ma faveur – je l’ai appris par la suite – ce qui m’a épargné d’être transféré tout de suite au ministère de l’intérieur. Deux jours après, le 23 mai au soir, j’ai été conduit aux locaux du ministère de l’intérieur, où j’ai été torturé durant toute la nuit.
Arrivé ce soir là à ces locaux situés aux sous sols, toujours en tenue militaire, on me donna un bleu de travail pour quitter définitivement la tenue : moment extrêmement dégradant. Je ne savais toujours pas qu’est ce qui se passait, ce qu’on me reprochait, je ne l’ai jamais su d’ailleurs : personne ne me l’a dit. Après avoir établi une sorte de CV retraçant ma vie, les hostilités commencèrent par une gifle que je n’oublierai jamais : profonde blessure pour un officier supérieur, classé élite et décoré pour faits saillants. Un autre acte encore plus dégradant suivit : on me força à me déshabiller totalement et on me fit subir toutes les formes de tortures : coups de points, de pieds, barbotage la tête en bas dans un sot d’eau pleine de saleté jusqu’à étouffement, …
Le plus dur était le poulet rôti : cela durait plus longtemps. On ligotait les mains et on les fait passer par-dessus les genoux pliés, puis on passe un long bâton entre les mains et les jambes et on suspend le bâton supportant ainsi la personne entre deux supports, la tête dirigée vers le bas : atroce à supporter. Tout au long de ces moments qui paraissaient interminables, j’entendais des hurlements et des gémissements venant des bureaux avoisinant, on dirait une maternité où des femmes accouchaient, cela présageait l’avènement de la mort incessamment.
Aux rares moments de répit, on me posait quelques questions dont je ne comprenais pas la signification, du genre qui est avec vous ? Quels sont les autres ? Ne sachant pas de quoi il s’agissait, je leur demandais de me dire qu’est ce qu’ils voulaient que je leur dise pourvu qu’ils arrêtent leurs sales besognes : tellement la torture était insupportable. Je sus par la suite que certains officiers ont même signé des PV à couper la tête sous ces conditions. Je m’estimais heureux parce que je ne suis pas arrivé à ce point et que les hostilités ont subitement cessé à l’aube pour moi. Le lendemain, en me réveillant sur un matelas très sale, mes tortionnaires m’apprirent qu’on ne me reproche rien. De grâce, je leur demandais qu’est ce qui se passe ?, pourquoi je suis là ? Personne ne répondait à mes questions, ils ont changé d’attitude jusqu’à m’offrir des cigarettes et un casse croute: ils m’entouraient pour demander comment on pilote un avion ? ou comment un petit bédouin comme moi a fait ses études dans les meilleures grandes écoles militaires du monde avec des fils de nobles en France et fils de généraux et amiraux? Je ne comprenais rien et ma pensée est constamment préoccupée par le sort de ma femme et mes quatre enfants (11, 9, 5 et 4 ans ) laissés à Sfax où j’occupais un logement de fonction à l’intérieur de la base. …
On me transféra deux jours après aux geôles de la cité Bouchoucha dans une cellule isolée où j’ai passé une vingtaine de jours, je ne savais toujours pas ce qui se passe, ni ce que je fais là. Le plus dur était pour moi le fait de ne rien savoir sur ce qui est arrivé à ma famille. Je ne savais toujours rien ni sur mon sort ni sur celui de ma famille.
Le 21eme jour, on me sortit pour me mettre dans une estafette où j’ai pour la première fois rencontré des officiers dont j’ai connus certains lorsque j’étais enseignant à l’Ecole d’Etat Major de Tunis, on se regardait sans rien dire. Chacun de nous croyait que c’était le moment de la délivrance ! Hélas, on nous amena à la prison civile de Mornag. C’est là où, dans une grande salle genre dortoir de Lycée, où certains de nos collègues, tous officiers supérieurs nous ont précédé, qu’on a compris qu’on était victime d’une conspiration crapuleuse. Après un quart d’heure de silence absolu très pesant, on a commencé à raconter et à tour de rôle chacun ce qu’il a subi. Un colonel plein ne pouvait pas encore se tenir debout, trois semaines après la torture qu’il a subie.
C’est le 23 juin, qu’on nous apprend qu’on va être libérés. Amenés encore une fois sur les lieux de notre cauchemar, mais cette fois aux étages du ministère où on fut reçus d’abord par un certain Med Ali Ganzoui accompagné d’un colonel de l’armée qui –on le savait auparavant- ne faisait pas honneur à la tenue : un certain Khalfi. Leurs regards étaient encore accusateurs! On nous conduisit ensuite dans une grande salle de réunion où Abdallah Kallel nous a tenu un discours non convaincant, nous apprenant que le Président (déchu parce que peureux) a épluché en personne nos dossiers un à un et qu’il nous exprime ses regrets parce que soit disant on l’a mené en bateau.
Préjudices : le supplice ne s’est pas arrêté là. Libéré le lendemain et ramené chez moi, sur ordre présidentiel me dirait on, la traversée du désert a commencé pour durer jusqu’au 14 janvier 2011. J’apprends par mes proches qu’aux moments où j’étais chez mes tortionnaires, Abdallah Kallel a organisé une conférence de presse où il a cité mon nom et la presse l’a publié le lendemain : le 23 mai 91. Depuis, la plupart des gens, proches parents compris, me fuyaient par peur : très dur. L’attitude du commandement militaire – par excès de zèle de certains – était décevante : interdiction nominative d’accès aux cercles d’officiers et aux casernes,. Les membres du RCD du bled dénonçaient entre eux ceux qui m’adressaient la parole. La police locale, n’ayant reçu aucune consigne à mon égard s’informait à distance à travers leurs innombrables « moukhbirines », la question qui les hantait était comment celui que Abdallah Kallel a pratiquement « condamné » dans sa conférence de presse continue à toucher son salaire ! Le délégué du coin ordonna un jour aux agents de la STEG de couper le courant alimentant un puits m’appartenant, raison : non réglementaire à ses yeux !
Le plus insupportable était que certaines personnes, dont mes élèves en me rencontrant, changeaient de trottoir feignant ne pas me voir, et si par hasard il y a un contact, ils devaient par obligation faire un rapport écrit à la sécurité militaire.
Après 10 mois d’attente d’une décision sur mon sort, on m’apprit qu’on me mettait finalement à la retraite d’office à compter du 1er mai 1992. Très brillante carrière brisée. Agé alors de 37 ans, il fallut m’accorder 22 ans et demi de bonification pour la retraite complète, au lieu d’avoir le courage de dire que c’était un fiasco.
But recherché derrière le fiasco : Ecrémer la nation de toutes ses élites : Les officiers de l’Armée connus pour leurs compétences, les magistrats intègres, les meilleurs universitaires, ….
Séquelles : Blessures morales profondes, Souffrances psychologiques chroniques de mon épouse, deux de mes enfants en échec scolaire, ….
Alors que sur le plan matériel, ma survie et celle de mes enfants a été relativement garantie, mon honneur d’officier, ma dignité et la fierté du fils de la Tunisie profonde qui l’a éduqué dans les meilleures grandes écoles pour la servir ont été trainés dans la boue.
La justice Divine s’est faite, la justice des Hommes doit suivre.

A Tunis, le 15 mars 2011

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