29 juin 2012

Ces Israéliens qui boycottent le "Made in Israel" sur les produits des colonies

Ces Israéliens qui boycottent le "Made in Israel" sur les produits des colonies

Plusieurs voix israéliennes réclament l’abolition de l’étiquetage "Made in Israel" pour les produits issus des colonies palestiniennes. Un acte politique ni antisémite ni anti-israélien mais destiné, au contraire, à protéger l’État hébreu.

Par Charlotte BOITIAUX (texte)
 
"L’étiquetage des produits des colonies comme ‘Made in Israel’ trompe le consommateur et approuve implicitement la politique expansionniste du gouvernement de droite d’Israël mené par Benyamin Netannyahou". Les mots sont de Alon Liel, ex-directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères et ancien ambassadeur de l’État hébreu en Afrique du Sud. Dans une lettre ouverte publiée mercredi 27 juin sur le site du Guardian et traduite en français sur le site de Libération, cette figure politique dissidente s’indigne de la politique d’étiquetage menée par Israël et consistant à apposer le label "Made in Israel" sur tous ses produits, qu’ils soient issus des colonies ou d’origine israélienne.
La raison en est presque déconcertante de simplicité : "Pourquoi étiqueter différemment les produits des colonies ? Parce que les colonies ne font pas partie d’Israël", écrit-il. Il ne s'agit évidemment pas pour Alon Aliel d'un simple combat en faveur d’une législation commerciale visant à mieux informer le consommateur – même si, précise le diplomate, un nouvel étiquetage donnerait le choix aux clients "d’acheter ou non des produits des colonies" - mais d'une lutte éminemment politique. Refuser le "Made in Israel", c’est contester la présence israélienne sur "des territoires occupés en dehors des frontières internationalement reconnues et illégales au regard du droit international".

"Agir dans l’intérêt d’Israël"

Et il n’est pas le seul à ruer dans les brancards. Le 5 juin dernier, Avraham Burg, ex-président de la Knesset et de l’Organisation sioniste mondiale, a fait savoir qu’il refusait d’acheter des produits estampillés "Made in Israel" et issus des colonies. Il a tenu à expliquer la portée de son geste. "Contrairement à ce que l’on peut entendre, il ne s’agit pas d’un boycottage généralisé d’Israël mais plutôt d’une distinction subtile et morale entre le grand potentiel d’Israël et ses capacités destructrices", expliquait-il dans les colonnes du Monde.
Les deux hommes insistent en effet sur un même point : rien dans ce combat politique ne doit être considéré comme antisémite ou anti-israélien. Bien au contraire. En menant cette lutte d’étiquetage, ces deux politiques farouchement opposés à la politique de Benyamin Netanyahou déclarent agir dans l’intérêt d’Israël.
Selon eux, l’État hébreu ne pourra sortir du conflit qui l’oppose aux Palestiniens qu’à condition de respecter sa "ligne verte", c’est-à-dire ses frontières de 1948, internationalement reconnues et séparant Israël de la Cisjordanie et de Gaza. Rendue caduque après la Guerre des Six Jours (1967), cette "ligne verte", devrait pourtant être "défendue et renforcée", estime Avraham Burg. "Elle est d’importance vitale" pour Israël, car la respecter, c’est rendre possible la création de deux États distincts.
"Tout ce qui se trouve au-delà de cette ligne est d’une autre nature : illégal et non normatif. C'est-à-dire que cela ne nous appartient pas", ajoute l’ancien président de la Knesset. Autrement dit, quiconque défend les délimitations de 1948 "est un ami d’Israël et garde l’espoir en vie", tandis que les autres, "les colons, les conquérants et leurs alliés politiques, sont les véritables ennemis d’Israël"."Empêcher l'étiquetage erroné 'Made in israel' [...] est un pas de géant pour la paix au Proche-Orient", écrit même Burg.

"Ce combat à lui seul ne fera pas fléchir Israël"

Sans surprise, cette prise de position est vécue comme une hérésie par Yigal Palmor, porte-parole israélien du ministère des Affaires étrangères. Ce dernier met d’ailleurs en garde contre un "projet raciste" qui pourrait "mettre à mal la production israélienne dans son ensemble".
Pourtant, de plus en plus de pays comme le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud et le Danemark, considèrent très sérieusement ce projet de boycott porté par Alon Liel. En mai, les gouvernements sud-africain et danois ont affiché leur volonté d’établir une distinction claire entre produits d’origine israélienne et ceux issus des colonies. En 2009, les Britanniques avaient demandé à leurs supermarchés d’étiqueter différemment les produits des territoires occupés. La chaîne suisse de grandes surfaces Migros avait elle aussi décidé d’agir en ce sens. Selon l’agence Associated Press, en 2013, elle adoptera même les mentions "Cisjordanie, zone de peuplement israélienne" ou  "Jérusalem-Est, zone de peuplement israélienne" sur lesdits produits.
Mais ce nouvel étiquetage sera-t-il suffisant pour infléchir la position de Tel-Aviv vis-à-vis des territoires occupés ? Rien n’est moins sûr, estime Didier Billion, spécialiste du Moyen-Orient à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). "Malgré le bien-fondé de cette lutte qui vise à desserrer l’étau autour des Palestiniens, ce combat a lui seul ne pourra évidemment pas faire fléchir la position de l’État hébreu. Cette campagne n’aura réellement d’impact que si elle est prise dans un ensemble d’actions politiques dont le but serait la proclamation d’un État palestinien".

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