SALAFISTES, CULTURE, RUMEURS ET MANIPULATIONS
Lundi et mardi, des violences éclatent
simultanément dans plusieurs points de Tunis et sa banlieue, ainsi que
dans des villes du nord-ouest et du sud de la Tunisie.
La vague de violences sans précédent qui a
secoué la Tunisie lundi et mardi soulève de nombreuses questions,
notamment sur l’identité des assaillants et la cause des troubles, selon
des analystes, qui s’accordent toutefois à souligner la faiblesse de la
réponse des autorités. Tout semble avoir commencé avec une
manifestation artistique annuelle, le Printemps des Arts, qui s’est
achevée dimanche à La Marsa, en banlieue nord de Tunis.
SALAFISTES, CULTURE, RUMEURS ET MANIPULATIONS
Jeudi 14 Juin 2012
Lundi et mardi, des violences éclatent simultanément dans plusieurs points de Tunis et sa banlieue, ainsi que dans des villes du nord-ouest et du sud de la Tunisie.
La vague de violences sans précédent qui a
secoué la Tunisie lundi et mardi soulève de nombreuses questions,
notamment sur l’identité des assaillants et la cause des troubles, selon
des analystes, qui s’accordent toutefois à souligner la faiblesse de la
réponse des autorités. Tout semble avoir commencé avec une
manifestation artistique annuelle, le Printemps des Arts, qui s’est
achevée dimanche à La Marsa, en banlieue nord de Tunis. Au dernier jour
de l’exposition, un «huissier de justice» et un «avocat» dont les
mandataires sont inconnus à ce jour, sont venus réclamer le décrochage
d’œuvres jugées offensantes pour l’Islam. En cause notamment: un tableau
de l’artiste Mohamed Ben Slama représentant une femme quasi nue avec en
arrière plan des hommes barbus, et une toile façon bande dessinée
représentant un salafiste furieux.
Société civile et artistes battent alors le rappel des troupes sur les
réseaux sociaux, personnalités politiques et intellectuels viennent
«défendre la liberté de création» au palais Abdellia de La Marsa où sont
exposées les oeuvres. Dans la soirée de dimanche, des groupes
d’assaillants identifiés comme salafistes s’introduisent dans le palais
et détruisent des oeuvres.
Lundi soir et mardi, des violences éclatent simultanément dans plusieurs
points de Tunis et sa banlieue, ainsi que dans des villes du nord-ouest
et du sud de la Tunisie. Des postes de police, des locaux syndicaux et
de partis politiques d’opposition, un tribunal, sont attaqués ou
incendiés.
Le ministère de l’Intérieur et plusieurs témoins mettent en cause «des
groupes de salafistes et de casseurs mêlés». Parmi les 160 personnes
arrêtées figurent de nombreux délinquants ayant des antécédents
judiciaires, selon l’Intérieur. «La situation est extrêmement confuse.
J’ai observé de près une des manifestations qui s’est déroulée lundi
soir à Carthage, il y avait autant de vrais que de faux salafistes dans
le mouvement», relate Alaya Allani, chercheur spécialisé sur les
mouvements islamistes au Maghreb. «Ces événements ne traduisent en aucun
cas la réalité musulmane du pays», assure le chercheur, pour qui «il y a
une instrumentalisation et une infiltration du courant salafiste,
peut-être par d’anciens Rcdistes», du nom du parti dissous de l’ancien
président Zine El Abidine Ben Ali, le RCD. Les salafistes eux-mêmes sont
divisés, souligne M.Allani, entre ceux qui «cherchent à négocier les
modalités de leur entrée dans la vie politique, à l’instar de ce qui se
passe en Egypte, et ceux qui utilisent ou recrutent des bandits» pour
semer le chaos.
Un responsable d’Ansar Al Chari’â, le mouvement le plus radical de la
mouvance, a démenti mardi à l’AFP l’implication de ses troupes dans les
troubles, tout en appelant les Tunisiens à manifester demain pour
dénoncer les atteintes au sacré. «Il y a beaucoup de manipulations»,
estime aussi le politologue Ahmed Manaï. «Dans ces incidents, il y a
autant de vrais que de faux barbus», et personne, y compris
l’opposition, «ne joue un jeu très net», ajoute-t-il.
Les thèses du complot et la surenchère, relayées et amplifiées sur les
réseaux sociaux, les manipulations – des photos d’oeuvres
«blasphématoires» qui n’avaient rien à voir avec l’exposition du
Printemps des Arts postées sur Facebook -, augmentent encore la
confusion, soulignent les analystes.
«Le plus inquiétant dans cette affaire est la faiblesse des autorités»,
estime M.Manai. «A chaque fois qu’il y a un problème de sécurité
publique de ce genre, les différents ministères se renvoient la balle et
fuient leurs responsabilités alors que les forces de police ne
demandent qu’à recevoir des ordres pour mettre fin aux troubles»,
assure-t-il.
Le gouvernement a réagi mardi en instaurant le couvre-feu et en assurant
que les personnes arrêtées dans le cadre des violences seraient jugées
en fonction des lois anti-terroristes. Mais dans le même temps, le
ministère de la Culture a annoncé le dépôt d’une plainte contre les
organisateurs du Printemps des Arts pour atteinte aux valeurs du sacré.
Et le groupe parlementaire des islamistes d’Ennahda, qui domine
l’Assemblée constituante avec 89 députés sur 217, a annoncé qu’il allait
présenter un projet pour inscrire le principe d’ «interdiction
d’atteinte aux valeurs du sacré» dans la future constitution tunisienne.
«On ignore qui manipule qui et quels sont les agendas des uns et des
autres», résume une source diplomatique sous couvert de l’anonymat.
«Reste un climat de peur, et les Tunisiens ne se sentent pas gouvernés»,
selon M.Manai.
http://tunisitri.wordpress.com/2012/06/14/salafistes-culture-rumeurs-et-manipulations/
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