20 juin 2012

Depuis 1948 : du bon usage des bains de sang

lundi 18 juin 2012 - 07h:05
Robert Nab’aa - Revue d’Études Palestiniennes N°6 - Hiver 1983




A l’occasion des massacres de Sabra et Chatila, Rober Nab’aa revient sur la longue histoire sanglante, ponctuée de massacres, du sionisme. 
 
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Massacre de Sabra et Chatila, le 16 septembre 1982. Le sionisme, idéologie profondément raciste et colonialiste, ne survit qu’en exerçant une violence de tous les instants sur les Palestiniens
L’horreur à son comble portée n’était pas seulement dans ces cadavres - des centaines et des centaines de cadavres de femmes, de vieillards, de jeunes et d’enfants massacrés, violentés, terrorisés, mutilés, dépecés, éclatés, jetés à même la rue, enfouis sous les décombres des maisons et dans les fosses communes. L’horreur est surtout dans ces bains de sang ininterrompus qui depuis les années 1945 (depuis que le projet sioniste d’établir un Etat juif en Palestine a commencé à prendre forme et consistance) jalonnent et ponctuent l’histoire de cet établissement. Dans cette violence continuée qui ordonne et commande la relation de cet Etat aux Palestiniens.
Qu’on ne s’y trompe pas. Le bain de sang de Sabra-Chatila n’est pas un accident. Et même s’il était prouvé que les soldats juifs de l’armée d’Israël n’y ont pas directement trempé, il demeure que le Gouvernement d’Israël en est moralement et directement responsable ; parce qu’il l’a voulu ou n’a pas voulu l’empêcher ni l’arrêter - alors même qu’il pressentait - peut-être pas clairement, comme ces vœux secrets, opacifiés par l’ardent désir refoulé de les voir se réaliser - la suite tragique. Le rejet de la responsabilité sur les seules milices chrétiennes, sous réserve qu’elles seules (ou certaines d’entre elles) y ont directement trempé, est irrecevable.
Ce bain de sang n’est pas un accident. L’Etat sioniste d’Israël en est responsable parce que ce bain de sang, comme tous les autres bains de sang qui jalonnent et ponctuent l’histoire de l’Etat sioniste d’Israël, s’origine dans cette violence recèle qui définit, depuis ses commencements, le rapport qui lie cet Etat aux Palestiniens.
Dans la nuit du 9 au 10 avril 1948, le village de Deir Yasîn tombe aux mains des terroristes de l’Irgoun et du Stern. Un bain de sang s’ensuivit. « Lorsque la tuerie prit fin, les autorités juives s’efforcèrent d’empêcher une inspection impartiale. Un policier signalera la mort d’un seul Arabe (Palestinien)... Cependant le 10 avril la Croix-Rouge internationale devait découvrir et dénombrer les cadavres de 254 hommes, femmes et enfants. » (Jacques de Reynier, A Jérusalem un drapeau flottait sur la ligne de feu, Neuchâtel, éd. de la Baconnière, 1950.)
Deir Yasîn, le plus spectaculaire des bains de sang. Un modèle archétype. Le plus absurde aussi, le plus aberrant apparemment, puisque « Deir Yasîn était l’un des rares villages arabes (palestiniens) dont les habitants avaient refusé aux volontaires arabes étrangers la permission de s’en servir comme base pour mener des opérations contre l’axe vital qui desservait Jérusalem ; à l’occasion, ils avaient collaboré avec l’Agence juive ». (John Kimche, historiographe sioniste, Seven fallen pillars, Lon- don, Secker and Warburg, 1950.) Les frères Findley ajoutent dans leur journal, Labor Action du 27 décembre 1948, que « les villageois avaient passé un accord de non-agression avec les colonies juives qui l’entouraient » et qu’ils l’avaient scrupuleusement respecté.
Alors pourquoi Deir Yasîn ?
M. Begin, alors chef de l’Irgoun (auteur de Deir Yasîn) et Premier ministre de l’Etat sioniste d’Israël au moment du bain de sang de Sabra-Chatila, insiste dans son livre The Revolt Story of the Irgun (Schuman, N.Y., 1951) sur le fait que l’effet de Deir Yasîn fut décisif en ce qui concerne la fuite des Arabes (Palestiniens) de Haïfa : « La légende de Deir Yasîn nous aida en particulier à sauver Tibériade et conquérir Haïfa... (Et après avoir donné l’assaut à Haïfa.) Toutes les forces juives se mirent à avancer dans Haïfa comme un couteau dans du beurre. Les Arabes (les Palestiniens) se mirent à fuir affolés en criant ’Deir Yasîn’ ». Voilà pour l’effet immédiat. Une rhétorique de la terreur au service d’une entreprise d’expulsion massive des Palestiniens de leur terre. Or Deir Yasîn n’est pas un accident, ni un fait d’exception, isolé, ou une entreprise unique en son genre. Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1947, une force conjointe groupant le 1er bataillon du Palmach et la « Brigade Carmel », placée sous le commandement de Haïm Avi-noam, attaque le village de Balad al-Cheikh. « Dans cette opération, plus de soixante ennemis (Palestiniens) furent tués dans leurs maisons... Les unités d’attaque avaient pénétré dans le village et étaient aussitôt passé à l’action à l’intérieur des maisons. A cause de l’intensité du feu dans les chambres, il fut impossible d’épargner les femmes et les enfants. » (Ha Sefer Ha-Palmach, Tel-Aviv, Ha Kibbutz Ha- Mcuchad, 5716-1955 .) Dans la nuit du 14/15 février 1948, une force du 3° bataillon du Palmach effectue un raid sur le village du Sasa. Au cours de cette opération qui fut longtemps considérée comme un modèle du genre à cause de la qualité de son exécution, vingt maisons seront dynamitées sur leurs habitants. Près de soixante Palestiniens furent tués, pour la plupart des femmes et des enfants (Arieh Yitzhaqi, Yedioth Aharonot, 14 avril 1972).
Le 22 avril 1948, les Juifs attaquent Haïfa, peu après minuit, occupant les rues et les immeubles. Cinquante Palestiniens évacuaient leurs femmes et leurs enfants vers la zone du port pour les envoyer à Saint Jean-d’Acre. En plein exode, les réfugiés palestiniens sont attaqués par les avant-postes juifs : cent Palestiniens seront alors tués et deux cents autres blessés (Times, 23 avril 1948 et Major R.D. Wilson, Cordon and Search : With 6th Airhornr Division in Palestine, Aldershot, Gale and Polen, 1949). Le 25 avril 1948, le bombardement massif et systématique de Jaffa sème la panique parmi les habitants palestiniens de la ville qui commencent à l’abandonner par mer et par routes. L’exode sera accéléré par la dimension inouïe et sans précédent que prendront le pillage et la destruction de leurs maisons par les forces d’assaut juives (John Kimelir, op. cit.)
Le 12 décembre 1947, le 14 décembre 1947, le 20 décembre 1947, le 29 décembre 1947, le 19 janvier 1948, le 10 février 1948, le 20 février I94H. In 13 mars 1948, le 5 avril 1948, le 12 avril 1948, le 16 avril 1948, le 20 avril 1948, le 25 avril 1948, le 28 avril 1948, les 11 et 12 juillet 1948... (la liste n’est nullement exhaustive) des villes et des villages palestinien (Qazaza, Jaffa à plusieurs reprises, Tannoura, Tireh, Kfar Husseinia, Haïfa à plusieurs reprises, Sarafand, Kolonin, Abou Shusha, Saris, Biddu, Lod, Beit Surik...) sont bombardés, ouverts, pris, détruits, pillés, leurs habitants palestiniens tués, massacrés, les survivants évacués, chassés, expulsés.
Non, le bain de sang de Deir Yasîn ne fut pas un accident. Car parallèlement A l’effet immédiat recherché, il en est un autre, originaire et fondamental. Évoquant la fuite des Palestiniens de leur terre, « Le docteur Weizmann me parla avec émotion de cette « miraculeuse simplification des tâches d’Israël », rapporte l’ambassadeur des U.S.A. James G. Mac Donald (actif propagandiste sioniste) dans son livre Mv Mission in Israël, 1948-1951 (Simon and Schuster, N.Y., 1951 l0.) « Cette fuite , commente Hal Draft, fut accueillie comme un « miracle », et pas seulement pin H. Weizmann ; comme tous les gens pieux, ces sionistes ne rechignaient pas à aida un peu la réalisation d’un miracle... Le 1er août, M. Sharett, ministre des affaires étrangères, déclarait que « l’exode palestinien de 1948 constitue l’un des calamités, qui, selon l’expérience de ce qui s’est passé dans d’autres pays, changent le cours de l’histoire. Pendant que les soldats israéliens chassaient de leurs maisons des Arabes (des Palestiniens) innocents, le gouvernement expliquait déjà clairement qu’il passerait bien de l’eau sous les ponts avant que les réfugiés ne puissent revenir ». Et voilà pour l’effet permanent : Une stratégie de massacres collectifs -des bains de sang - au service du principe fondateur du sionisme. Une terre sans peuple pour un peuple sans terre.
Jusqu’en 1948, année de la proclamation de l’Etat sioniste d’Israël, nul, ni les Juifs (à part quelques esprits lucides, dont par exemple Nathan Chofsi ), ni le monde occidental n’a pu imaginer de reconnaître en ces actes de violence, de terreur et de massacres de civils - par quoi l’on définit un bain de sang - des bains de sang. Le souvenir de l’Holocauste (puisqu’il faut l’appeler ainsi) sanctifiait le peuple juif et rendait cette violence acceptable. La caution et le statut du Peuple Martyr, à ses propres yeux et aux yeux du monde occidental, sacralisait les origines de l’Etat sioniste d’Israël et légitimait son entreprise : « Les intérêts de l’Etat d’Israël se confondaient alors avec ceux de la Morale et du Droit. Il incarnait le triomphe des Valeurs Universelles sur les ténèbres du nihilisme où l’Holocauste avait plongé l’Humanité. » En regard, les Palestiniens étaient de peu de poids dans la mémoire de ces lieux (la Palestine) et de cette histoire (occidentale). Ils furent l’objet non pas d’un génocide. Mais de toute autre chose. Tout aussi radical bien que différent : d’un autre procès, un procès sociocidaire, « acceptable » et mené dans des ter­mes extrêmes. Un sociocide totalitaire dont les bains de sang constituent le moyen privilégié.
Et depuis les choses n’ont pas beaucoup changé. Sauf que vers les années cinquante, une violente polémique s’engagea dans l’armée et la société d’Israël. Son enjeu : « L’armée était divisée et critiquée. Le passage vers une armée d’occupation et un corps expéditionnaire punitif était difficile. Quand les journaux comme Haaretz et Al-Hamishmar critiquaient l’armée, cela signifiait qu’une partie de l’armée critiquait l’armée. » Le courant extrémiste - qui défendait précisément cette transformation de « Tsahal » en armée d’occupation et un corps expéditionnaire punitif, avec comme figures de proue Ben Gourion, Menahem Begin, Moshe Dayan, Ariel Sharon - l’emporta. Le 14/15 octobre 1953, un détachement israélien, estimé à la moitié des effectifs d’un bataillon (la fameuse unité 101), aliatili- entre dans le village jordanien de Qibiya, fait sauter quarante et une maisons et une école, puis assassine de sang-froid quarante-deux hommes, femmes et enfants. (Commander E.H. Hutchinson, Violent Truce : A Military Observer Looks at the arab-israeli Conflict, 1951-1955, London, John Calder, 1956 16.)
Qibiya, un tournant dans la politique israélienne des bains de sang. La « grande opération » de l’unité 101 (créée en août 1953 - soit un mois et demi après cette « opération exemplaire » - par Moshe Dayan, alors chef d’état-major, fut commandée par Ariel Sharon, ministre de la Défense au moment de Sabra/Chatila). Une opération qui devait inaugurer un nouveau style de lutte, écrit Eli Lobel. « L’opération de Qibiya devait se distinguer des autres opérations par son but et sa répercussion. C’était une opération prétentieuse qui dépassait tout ce qui se fit dans le passé : le dynamitage de dizaines de maisons à Qibiya. Il fallait enlever mu lui pour toutes la tache des défaites passées de Tashal dans les opérations de représailles, lit-on dans l’histoire officieuse des parachutistes. Soixante-neuf civils arabes" (Palestiniens) trouvèrent la mort sous les décombres de leurs maisons ».
De Deir Yasîn à Qibiya, ce qui a changé : la stratégie des bains de sang est institutionnalisée. Si en 1948, à l’époque de Deir Yasîn, la direction reconnue du mouvement sioniste pouvait rejeter la responsabilité de tels actes de violence, de terreur, de massacre de civils sur « les organisations dissidentes » (Irgoun, Stem. ) et les. condamner, hypocritement en faisant valoir sa position morale et de principe qui ne les tolère ni ne les admet, dans les années cinquante, à l’époque de Qibiya, et alors que c’était l’armée d’Israël qui devait elle-même exécuter ce « sale » boulot, Il n’était plus question de les condamner. Certes, devant l’horreur suscitée par l’affaire Qibiya, et du fait qu’ « une partie de l’armée, les milieux dirigeants et la majorité de la population n’étaient pas prêts à accepter de telles opérations... Ben Gourion se vit forcé, dans un discours radiotélévisé le 19 octobre 1953, de nier la responsabilité de l’armée ».
Mais avec le temps, et son statut de Peuple Martyr aidant, l’Etat d’Israël s’installa à nouveau dans sa bonne conscience. « La nouvelle ligne d’action violente, imposée par les " activistes " (malgré les véhémentes protestations)... s’imposa rapidement à l’armée tout entière. » Et avec le temps une légende d’héroïsme se tissa autour de l’unité 101, et « Tsahal » revendiqua officiellement la responsabilité du bain de sang de Qibiya. Aussi le 29 octobre 1956, à la veille de la Campagne du Sinaï, l’armée d’Israël avait imposé un couvre-feu à tous les villages palestiniens situés près de la frontière égyptienne, dont le village de Kafr Kassem. « Au cours de la conversation, le colonel Shadmi spécifia au commandant Melinky que le couvre-feu devait être observé cette fois-ci avec rigueur et imposé avec vigueur, non pas par des arrestations, mais en ouvrant le feu. Il ajouta "mieux valait un mort" (selon une autre version : "quelques morts") que des embêtements avec des arrestations. » Melinky s’inquiéta auprès de Shadmi du sort des villageois travaillant à l’extérieur et revenant chez eux le soir sans être avertis de l’obligation du couvre-feu. Il demanda des instructions pour le cas plus que vraisemblable où, à l’entrée du village, ils se trouveraient en face des détachements de gardes-frontières. Shadmi répondit : « Pas de sentiments » et « Que Dieu les ait en pitié ». Plusieurs des habitants de Kafr Kassem travaillaient encore dans les champs, loin de leur village, et ne pouvaient donc être informés de la nouvelle du couvre-feu. Alors qu’ils rentraient chez eux, sans méfiance, après 17 heures, ils furent froidement abattus par les gardes- frontières qui tuèrent quarante-sept personnes dont neuf femmes et sept enfants.
Au matin du 3 novembre 1956, la ville de Khan Younis et le camp construit par l’U.N.R.W.A. qui lui est adjacent furent occupés par l’armée d’Israël. Un grand nombre de civils palestiniens furent alors massacrés. Pour « excuser » le massacre, les autorités israéliennes affirmèrent qu’il y eut résistance à l’occupation de la ville mais les réfugiés palestiniens du camp affirmèrent, quant à eux, que toute résistance avait cessé au moment de la tuerie et que plusieurs civils désarmés avaient été assassinés alors que les troupes israéliennes ratissaient la ville et le camp, à la recherche des détenteurs d’armes. Le directeur de l’U.N.R.W.A. a reçu, de sources dignes de confiance, une liste de 275 noms de personnes tuées ce 3 novembre. Le 12 novembre 1956 c’est le tour du camp de réfugiés de l’U.N.R.W.A. installé à Rafah. Même scénario, mêmes acteurs. Bilan : 111 personnes tuées.
Et de 1948 à 1982, d’abord pour créer et établir l’Etat sioniste d’Israël, ensuite pour consolider et étendre sa mainmise sur la « Palestine de 48 », enfin pour s’approprier la « Palestine de 67 » - La Cisjordanie que Begin s’obstine à appeler de son nom biblique de Judée-Samarie - l’histoire de l’État sioniste d’Israël recèle une longue série ininterrompue d’actes de violence, de terreur et de massacres de Palestiniens, pour vider cette terre de tous ces autochtones, en conformité au principe de base du sionisme. Il est probable que tous ces actes de violence, de terreur et de massacre ne furent pas, tous, des bains de sang caractérisés. Il est certain que ceux qui ne le furent pas, en furent des métaphores caractérisés.
Si Deir Yasîn (pour réduire les bains de sang perpétrés par les perpétrés par les sionistes à un référent, et ce référent à un symbole) a inauguré un cycle : les bains de sang « internes » à la Palestine biblique, la Campagne du Liban et le bain de sang de Sabra/Chatila (même perpétré par les milices chrétiennes, ces nouveaux « dissidents » ) en inaugurent un autre : celui des bains de sang « externes » à la Palestine biblique, dans le but manifeste de poursuivre les Palestiniens et de les pourchasser dès lors qu’ils ont décidé de faire renaître leur société. Qu’on ne s’y trompe pas. Quand le sionistes affirment qu’ils veulent « détruire » et « liquider » l’O.L.P., ce n’est pas le « terrorisme » qu’ils veulent détruire et liquider, mais toute possibilité de renaissance de la société palestinienne, dont l’O.L.P. est l’artisan principal.
Non, la bande des 3 (Begin, Sharon, Shamir) n’ont pas perverti le sionisme ». Dès ses commencements il est perverti. Il tire son origine dans cette hantise finale, impressionnante, obsédante d’une entreprise de sociocide totalitaire. Dans cette violence recèle ce qui définit le rapport du sionisme aux Palestiniens. Et cette violence n’a jamais visé à contraindre le peuple palestinien, ou l’O.L.P., à céder : à accepter la défaite militaire et, défait mais néanmoins reconnu dans sa spécificité, à engager des négociations avec le vainqueur (ce qui est l’ordinaire et la logique de toute guerre). Mais le contraindre à se nier lui-même, à se renier, à se dénier et à s’annuler. « Cet étrange refus d’Israël d’examiner la solution palestinienne... comme si l’affirmation d’une nation juive commandait le déni de l’existence d’une nation palestinienne. » Et ce que cette violence recèle c’est précisément ce » déni d’existence » : le projet d’un sociocide totalitaire dont les bains de sang et leurs métaphores sont les moyens privilégiés. 

Revue d’Études Palestiniennes N°6 - Hiver 1983

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