Histoire secrète de L’Oréal Antisémitisme et anti-maçonnisme par Thierry Meyssan | |
Mondialisation.ca, Le 28 juillet 2010 | |
C’est par un bref communiqué, diffusé le 3 février 2004 dans la nuit, que le géant de la cosmétique L’Oréal a annoncé la restructuration de son capital [1]. La famille Bettencourt et le groupe Nestlé, qui détenaient ensemble la majorité de L’Oréal par l’intermédiaire du holding de contrôle Gasparal, la posséderont désormais directement. Ce tour de passe-passe étant accompagné d’un engagement de conservation de titres, les Bettencourt bénéficieront d’un abattement de 50 % de la valeur taxable à l’impôt sur la fortune (ISF). Ils ne seront pas tenus de payer de frais pour cette transaction grâce aux nouvelles dispositions introduites à leur intention dans la « loi pour l’initiative économique » du 1er août 2003 [2]. L’Oréal est aujourd’hui évalué à 43,6 milliards d’euros. Les Bettencourt détiennent 11,99 milliards ; Nestlé 11,5 milliards ; les 20,11 milliards restants flottants en Bourse. La fortune personnelle de Lilliane Bettencourt, héritière du fondateur de L’Oréal, était estimée en 2002 à 17,2 milliards d’euros. Ce qui en fait la personne la plus riche de France. Une entreprise qui veut se payer la RépubliqueL’Oréal a été créé, en 1907, par un petit entrepreneur, Eugène Schueller. Il absorbe Monsavon, en 1928, puis les peintures Valentine, les shampoings Dop, le magazine Votre Beauté. Dérivant lentement à la droite la plus extrême, Schueller se fait connaître par ses théories économiques sur le « salaire proportionnel ». Dans une société libérée du capitalisme libéral et des syndicats, les ouvriers toucheraient un triple salaire : un salaire d’activité, un salaire familial calculé en fonction de leur nombre d’enfants, et un salaire de productivité. Le 6 février 1934, en réaction à un retentissant scandale politico-financier, les ligues d’anciens combattants de la Grande guerre manifestent devant la Chambre des députés à Paris pour obtenir la démission du gouvernement Daladier. Sous l’impulsion des fascistes, le rassemblement tourne à l’insurrection et tente de renverser la République au profit du colonel de La Rocque qui refuse le rôle qu’on veut lui faire jouer. Ami intime d’Eugène Deloncle, Eugène Schueller met ses moyens personnels à disposition du complot. Plusieurs réunions de l’équipe dirigeante se tiennent dans son bureau au siège de L’Oréal. Échecs et divisions sur fond d’antisémitismeEn un an et demi, l’OSARN formalise ses relations avec le gouvernement de Benito Mussolini en Italie, puis avec celui d’Adolf Hitler en Allemagne. Pour leur compte, il achemine des armes à Francisco Franco en Espagne et élimine des réfugiés politiques en France. En échange, il obtient un appui financier et logistique considérable. L’organisation tente un coup d’État dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937, qui échoue. Au lendemain et dans les semaines qui suivent, le complot est mis à jour. Des perquisitions permettent de découvrir des caches d’armes réparties sur tout le territoire. Ce sont au total des centaines de fusils-mitrailleurs, des milliers de fusils et d’uniformes, des dizaines de milliers de grenades, des centaines de milliers de munitions, tous importés d’Italie et d’Allemagne, qui sont découverts. « La communauté française » Association secrète de spoliation des biens juifs et maçonniques. Parmi les responsables : Jacques Correze et Jean Filliol. Si une partie des « cagoulards », hostiles à la domination étrangère, rejoint de Gaulle, la plupart d’entre eux se félicite de la victoire du fascisme et s’engage dans la Collaboration. En septembre 1940, Eugène Deloncle et Eugène Schueller créent le Mouvement social révolutionnaire (dont l’acronyme MSR se prononce « aime et sert ») avec le soutien de l’ambassadeur du Reich, Otto Abetz, et l’approbation personnelle du chef de la Gestapo, Reinhardt Heydrich. Les réunions de la direction du MSR se tiennent au siège de L’Oréal (14, rue Royale à Paris). « Guillemot et Delamotte », éditeur à Paris Adolf Hitler et Eugène Schueller figurent côte à côte dans son catalogue. Quant au jeune André Bettencourt, il devient le patron français de la PropagandaStaffel. Il est placé sous la triple tutelle du ministre de la propagande, Joseph Goebbels, de la Wehrmacht et de la Gestapo. Il a la haute main sur toutes les publications françaises, qu’elles soient collaborationnistes ou nazies. Il dirige lui-même La Terre française, une publication explicitement nazie destinée aux familles rurales, qui préconise la rééducation des intellectuels décadents par le retour forcé à « la terre qui ne ment pas ». Il y emploie l’agronome René Dumont. Par ailleurs, Bettencourt offre régulièrement les colonnes de ses journaux à Schueller. Le 15 février 1941, à la demande de la SS, le MSR de Deloncle fusionne avec le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat. Le patron de L’Oréal, Eugène Schueller, devient la personnalité économique de référence. Son livre, La Révolution de l’économie, se classe dans les ouvrage de référence du fascisme français.
À l’issue des affrontements internes à la mouvance nazie française, c’est en définitive Deloncle qui tombe en disgrâce. Eugène Schueller se précipe alors, le 18 mars 1942, à l’ambassade du Reich pour se désolidariser de son ami. L’entretien est dûment consigné dans les archives allemandes. L’OSS s’en mèleLa bataille de Stalingrad inverse le cours des événements. Désormais le Reich n’est plus invincible. André Bettencourt se rapproche de son ami François Mitterrand qui exerce diverses fonctions à Vichy où il partage son bureau avec Jean Ousset, le responsable du mouvement de jeunesse de la Légion française des combattants de Joseph Darnand. Ils seraient alors entrés en résistance au sein d’un Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD) dont l’activité a été officiellement reconnue quarante ans plus tard par l’administration Mitterrand, mais sur laquelle les historiens s’interrogent toujours. Eugène Deloncle est assassiné. Mais les crimes des cagoulards ne prennent pas fin pour autant, pas même avec le débarquement allié en Normandie. Le 10 juin 1944, Jean Filliol conduit la division SS Das Reich à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) où elle massacre 644 habitants dans des conditions particulièrement horribles. Parce qu’ils le valaient bien...À la Libération, les cagoulards de Londres sauvent les cagoulards de Vichy. Grâce au témoignage d’André Bettencourt et de François Mitterrand, Eugène Schueller est relaxé au motif qu’il aurait aussi été résistant. L’Oréal devient le refuge des vieux amis. François Mitterand est engagé comme directeur du magazine Votre Beauté. André Bettencourt rejoint la direction du groupe. Avec l’aide de l’Opus Dei, une confrérie catholique franquiste, Henri Deloncle (frère d’Eugène) développe L’Oréal-Espagne où il emploie Jean Filliol. Quant à Jacques Corrèze, il devient patron de l’Oréal-États-Unis. En 1950, André Bettencourt épouse Liliane, la fille unique d’Eugène Schueller. Rue Saint-Dominique, le bureau d’André Bettencourt lorsqu’il dirigait la PropagandaStaffel, devient une résidence de l’Opus Dei. Tandis que Robert Mitterrand s’installe rue Dufrenoy dans l’immeuble qui abritera le siège de l’Opus en France. Cette œuvre est politiquement dirigée par Jean Ousset. André Bettencourt a poursuivi une brillante carrière. Journaliste, il a créé en 1945 le Journal agricole, pour les anciens lecteurs de La Terre française. Sa carrière politique l’a conduit plusieurs fois au Parlement et au Gouvernement. Il a ainsi pu renouer avec ses activités passées en devenant secrétaire d’État à l’Information (1954-55), poste créé par son ami François Mitterrand, en 1948, et où ils auront tous deux forgé la presse française contemporaine. Les deux hommes sont inséparables, au point qu’en 1986 lorsque Mitterrand devenu socialiste et président de la République doit cohabiter avec une Assemblée de droite, il hésite à choisir André Bettencourt comme Premier ministre. Mais craignant le retour des fantômes du passé, il s’abstient. Cependant, ce passé reste présent. Cet article a été écrit à partir des archives personnelles de l’auteur, des recherches financées par Michel Sitbon, et des documents qui lui ont été aimablement remis par le regretté David Frydman. [2 La loi pour l’initiative économique a été présentée au Parlement par le secrétaire d’État aux Petites et moyennes entreprises, Renaud Dutreil, en décembre 2002, et adoptée le 1er août 2003 sous le numéro 2003-721. Cf. Journal officiel du 5 août 2003. [3] Cf. Le Flambeau du 21 novembre 1936. [4] La paternité de ce surnom est attribuée à Maurice Pujo. |
28 juillet 2010
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