23 juillet 2010

Fin de Partie

jeudi 22 juillet 2010

Noam Sheizaf - Haaretz


Voilà une idée pour résoudre le conflit qui a l’air d’une vision de fin du monde : Accorder la citoyenneté et des droits égaux à tous les Palestiniens de Cisjordanie. Et qui milite pour la solution d’un seul état ? Des gens de droite et des colons.

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Manifestation à laquelle ont participé les députés palestiniens israéliens, à proximité du point de passage d’Erez entre Israël et la bande de Gaza, le 31 décembre 2009.

"On ne peut pas attendre grand chose des négociations avec Mahmoud Abbas, même si le Président Obama semble avoir une opinion différente, car Abbas ne représente même pas la moitié des Palestiniens. Il y a peu de chances qu’il en sorte quoique ce soit de positif. Une autre solution pourrait être la Jordanie. Si la Jordanie acceptait d’intégrer plus de territoire et plus de personnes tout serait plus facile et plus naturel. Mais la Jordanie refuse de le faire. En conséquence je dis qu’il faut envisager une autre solution : il faut qu’Israël étende sa loi à la Judée Samarie et accorde la citoyenneté à un million et demi de Palestiniens".

Ces remarques qui semblent subversives à beaucoup, n’ont pas été prononcées par un homme de gauche qui défend la solution d’un état pour deux peuples. Elle l’ont été par un membre du Betar, ancien officiel du Likoud où il était le mentor politique du Premier Ministre Benjamin Netanyahu, et ancien ministre de la défense et des affaires étrangères, Moshe Arens. Le 2 juin, Arens a publié une tribune dans Haaretz ("Y a-t-il une autre option ?") dans laquelle il demandait instamment que soit envisagée une alternative politique à la situation existante et aux négociations politiques. Il veut briser le grand tabou de la politique israélienne en donnant la nationalité israélienne aux Palestiniens de Cisjordanie. Quand on l’accuse de promouvoir un état judéo-palestinien binational, Arens répond tranquillement : "Nous sommes déjà un état binational et aussi un état multiculturel qui de plus comporte de multiples secteurs. La minorité [c’est à dire les Arabes] chez nous représente 20 pour cent de la population. C’est un fait et on ne peut pas nier les faits".

Alors que Washington, Ramallah et Jérusalem se traînent vers ce qui paraît être la solution bien connue et évidente de deux états pour deux peuples sur la base des frontières de 1967 et un échange de territoires à minima, une rupture conceptuelle est en train de s’effectuer à droite. Ses idéologues ne se contentent plus de s’opposer à l’évacuation des colonies au nom d’arguments sécuritaires destinés à instiller la peur dans le coeur des Israéliens. Leur nouvelle idée vient de la prise de conscience qu’il est nécessaire de briser le noeud politique pour pallier aux inconvénients du statu quo et remédier à l’isolation dans laquelle se trouve Israël.

Autrefois l’apanage des extrêmes politiques, cette approche est maintenant soutenue par certains leaders du Likoud et des colons, des personnes qui ne sont pas nécessairement considérées par des extrémistes ou des marginaux. Un mois environ avant qu’Arens ne publie cet article, le membre de la Knesset Reuven Rivlin (Likud) avait déclaré : "Il est préférable que les Palestiniens deviennent des citoyens de l’état plutôt que d’avoir à diviser le pays". Dans un interview cette semaine, Rivlin défend et explicite cette même proposition. En mai 2009, le membre Likoud du parlement, Tzipi Hotovely a organisé une conférence à la Knesset sous le titre "Alternatives à la solution de deux états". Depuis, elle a demandé publiquement à deux ou trois reprises que la citoyenneté soit accordée aux Palestiniens "de manière graduelle".

Elle projette maintenant de publier une tribune sur ce thème. Uri Elitzur, ancien président du Yesha Council of Settlements ( le conseil des colonies de Judée Samarie c à d de Cisjordanie NdT) et secrétaire général de Netanyahu pendant son premier trimestre de premier ministre, a publié l’année dernière un article dans le journal des colons "Nékuda" qui préconise de mettre en place un processus au terme duquel les Palestiniens auraient "une carte d’identité bleue [comme les Israéliens], des plaques d’immatriculation jaunes [comme les Israéliens], la sécurité sociale et le droit de vote à la Knesset". Eminy Amrousi, ancienne porte parole du Yesha Council of Settlements participe aux réunions entre les colons et les Palestiniens et parle clairement "d’un pays dans lequel les enfants des colons et les enfants des Palestiniens iront ensemble en bus à l’école".

Un nouveau camp politique ne s’est pas encore formé autour de cette idée et il y a encore des trous dans la théorie. Mais bien que ses avocats ne semblent pas travailler ensemble, leurs projets se révèlent extrêmement proches. Ils rejettent tous absolument les différentes idées de séparation ethnique et veulent donner des droits politiques aux Palestiniens. Ils envisagent un processus qui prendrait de 10 ans à une génération et au terme duquel les Palestiniens auraient tous les droits civils mais dans un pays dont les symboles et l’esprit demeureraient juifs. C’est là que les adeptes de droite de cette solution divergent de ceux de la gauche. La droite ne parle pas d’un état neutre "un état pour tous les citoyens" sans identité particulière, ni d’un "Israstine" avec un drapeau arborant à la fois le croissant et le bouclier de David. La droite envisage un état dont Israël demeurerait souverain, mais dans une réalité plus complexe, et qui répondrait à la vision d’un état juif démocratique sans occupation et sans apartheid, sans barrières et sans séparations. Dans un tel état, les Juifs pourraient aller vivre à Hébron et prier sur la tombe des Patriarches, et un Palestinien de Ramallah pourrait être ambassadeur et vivre à tel Aviv ou simplement s’y offrir une glace au bord de la mer. Ca vous paraît fou ? "Quand tous les chemins semblent mener à une impasse" a écrit Elitzur dans Nékouda " c’est généralement que le bon chemin est celui qui n’a jamais été envisagé, celui qui a été universellement considéré comme inacceptable, tabou".

L’IMPASSE

Il y a un an, pendant un séminaire sponsorisé pas le groupe d’Initiative de Genève, Uri Elitzur a surpris les assistants parlementaires qui l’écoutaient en donnant des détails clairs et précis sur le cadre politique souhaitable :"La pire solution est apparemment la bonne : constituer un état binational en annexant toute la terre et en donnant à tous la citoyenneté".

Parmi ceux qui furent surpris il y avait des leaders du mouvement colonial Gush Emounim (le bloc des croyants). Cela fait quelque temps que Elitzur essaie de faire passer son idée :"Au début je me suis trouvé dans un splendide isolement" dit-il "mais dernièrement de plus en plus de gens me suivent. Je pense que c’est la seule solution envisageable. La solution de deux états a été au centre des débats pendant 10 ans et plus. Tous les politiciens disent -tout haut ou tout bas- qu’ils sont pour mais rien ne se passe. Les différences entre la droite et la gauche à propos desquelles ils s’étripent sont en réalité insignifiantes. Mais chacun croit que modifier sa position d’un iota va entraîner la destruction de l’état. Ce n’est la faute de personne, ni de la droite ni de la gauche pas même des Palestiniens. le monde arabe ne veut pas de compromis avec nous et même si nous en trouvions un il ne durerait pas.

"De plus, la situation actuelle est dans une impasse" continue Elitzur "elle ne peut pas durer. Les problèmes avec la communauté internationale qu’Israël a dû affronter ces cinq dernières années viennent de ce que le monde en a assez. La communauté internationale nous dit :"Vous nous aviez promis que la situation était temporaire mais elle dure depuis 40 ans déjà. Nous sommes d’accord pour attendre encore 10 ans mais nous voulons savoir ce que vous avez l’intention de faire". Les Israéliens commencent aussi à le comprendre. Je veux que nous cherchions la solution à l’autre bout de la chaîne qui va de la situation existante à l’annexion et la naturalisation de tous les Palestiniens" (de Cisjordanie, pas ceux de Gaza NdT).

Dans les forums internes et pour les gens de son camp, Elitzur est encore plus direct. "Il y a beaucoup de versions douces ou édulcorées de l’apartheid" écrit-il dans Nékouda qui a consacré une édition entière à la recherche d’alternatives à la solution de deux états, "Certains suggèrent que les Palestiniens devraient être sous domination israélienne mais voter au parlement jordanien. On parle d’autonomie, de cantons, d’un gouvernement autonome sans pouvoir. Ce n’est ni par hasard, ni par négligence, qu’aucune de ces idées n’est devenue la politique officielle du Likoud ou de la droite. Au bout du compte elles se résument toutes à ceci : une population entière vivant sous la loi israélienne sans droits civils. C’est inacceptable sur une base permanente. C’est une situation qui ne peut être que temporaire et qui engendre des pressions croissantes autant internes qu’externes pour qu’il y soit mis fin définitivement".

- Que répondez-vous aux allégations comme quoi vous avez rejoint la gauche radicale ?

"Il y a une grande différence entre nous. Moi je parle d’un état juif, l’état du peuple juif qui aurait une large minorité arabe. La gauche parle d’un état arabe contenant une minorité juive, même s’ils n’en ont pas une conscience claire. Les gauchistes qui manifestent [dans le village cisjordanien de] Bil’in ont rejoint sans réserves la cause Palestinienne".

- Pourtant, en termes de projet politique, il y a des points de convergence entre vous et eux ?

En termes de projet politique, oui. Et alors ? J’ai beaucoup d’opinions en commun avec l’extrême gauche. Je pense qu’on doit refuser d’obéir à l’ordre de démanteler des colonies, eux pensent qu’il faut refuser de servir dans les territoires et nous sommes tous les deux contre le mur [de séparation]. Cela ne me dérange pas de partager certaines façons de voir avec des Juifs avec qui j’ai par ailleurs de profonds désaccords. Mais je ne ferai jamais alliance avec des Anarchistes [contre le mur] même si je suis moi-même contre le mur. Nous avons cela en commun mais sur le reste nous sommes en complète opposition. D’après moi, l’état d’Israël a été établi pour défendre les droits d’un toute petite minorité au Moyen Orient - 6 millions d’individus contre 300 millions- et c’est son but principal. Quand cet objectif est atteint, comme Israël est aussi un état démocratique, il doit accorder les droits humains à tous, Juifs ou non Juifs".

A vrai dire, Elitzur n’a plus besoin de la gauche pour l’arracher à son splendide isolement. Hanan Porat, par exemple, une des icônes fondatrices de Gush Emunim, tout en rejetant ce qu’il appelle "La citoyenneté automatique qu’Uri propose, qui est naïve et risque d’avoir de graves conséquences", suggère aussi d’appliquer graduellement la loi israélienne dans les territoires (occupés de Cisjordanie NdT), d’abord dans les endroits où il y a une majorité juive puis, en l’espace de 10 ou 40 ans, à toute leur étendue.

- Et les Palestiniens ?

Porat :"A mon avis, les Arabes ont trois possibilités. D’abord ceux qui veulent un état arabe et sont prêts pour y parvenir à user du terrorisme ou de la lutte armée n’ont pas leur place dans l’Etat d’Israël. Deuxièmement, ceux qui acceptent la place qu’on leur offre sous la souveraineté israélienne mais ne veulent pas être partie prenante de l’état ni remplir toutes leurs obligations peuvent avoir le statut de résident et bénéficier de tous les droits humains sans pouvoir exercer de représentation politique dans les institutions de l’état. Et du coup ils seraient dispensés de certaines obligations comme les obligations militaires ou le service national. Et troisièmement ceux qui se déclarent loyaux envers l’état et ses lois et qui sont prêts a remplir toutes les obligations légales et à lui jurer fidélité peuvent recevoir la citoyenneté complète. Je considère cela comme un principe moral et humain : on ne peut forcer personne à accepter une citoyenneté ni l’octroyer sans garanties. Nous avons essayé à Jérusalem Est et, le fait est, nous avons échoué.

"Ca n’a aucun sens de brandir la perspective d’un état où tout le monde serait citoyen comme une menace" continue Porat "Déjà il y a 30 ans, nous autres de Gush Emounim étions contre les deux solutions extrêmes générées par la peur - se retirer (des territoires occupés NdT) ou déporter (les Palestiniens NdT)- et nous affirmions que dans le Retour à Sion la population arabe qui le désire à sa place, à condition que nous fassions preuve de prudence pour la mise en place du processus".

LA POLITIQUE DU MOINDRE COÛT

Quelques semaines avant de publier son article dans Nékouda, Elitzur a participé à la conférence Hotovely organisée à la Knesset sur les alternatives à la solution de deux états. En dépit de la participation de conférenciers sérieux tels que l’ancien chef d’état major et actuel Ministre des Affaires Stratégiques, Moshe Ya’alon et le Major Général (res.) Giora Eiland, un ancien chef de Conseil National de Sécurité, Hotovely est sorti déçue de la conférence. "On a exprimé des idées qui vont du statu quo à "la Jordanie est la Palestine". le plupart des conférenciers ont rejeté l’alternative proposée par la gauche sans proposer quoi que ce soit à sa place.

"C’est le discours caractéristique de la droite depuis des années" ajoute-t-elle. "C’est comme si la droite lançait un Quassam (un missile NdT) sur chaque argument de la gauche. A l’exception des racines idéologiques profondes qui nous disaient que cette terre était la nôtre, nous n’avions aucune solution valable à offrir. Il n’y a que Uri Elitzur qui ait proposé une approche différente".

Depuis ce jour-là, Hotovely est de plus en plus convaincue que l’idée de donner la citoyenneté aux Palestiniens de Judée et de Samarie doit faire partie de l’horizon politique. Pour le moment elle pense que cela sera un lent processus qui prendra peut-être une génération au cours de laquelle la situation sur le terrain se stabilisera et les caractéristiques de l’état juif seront inscrites dans une constitution. Mais le but doit être clair : annexion et citoyenneté ou comme elle le dit :"Enlever le point d’interrogation qui se trouve au dessus de la Judée et de la Samarie".

Hotovely :"J’ai deux raisons de penser cela. D’abord je crois sincèrement que nous avons un droit sur la Terre d’Israël. Les colonies de Shiloh et beit El se situent pour moi sur la terre de nos ancêtres au plein sens du terme. Ensuite, je suis consciente que des Palestiniens habitent ici. La droite comme la gauche font semblant de croire qu’il n’y a pas d’être humains ici. La gauche a construit un mur et préfère tout simplement ne pas les voir et la droite dit seulement :"Continuons ainsi et voyons ce qui se passe". Nous avons atteint un point critique, une situation qui menace toute l’entreprise sioniste parce que la communauté internationale conteste désormais la légitimité de notre défense de Sderot et Ashkelon et plus seulement la légitimité de construire un avant-poste colonial".

- La communauté internationale a cette attitude à cause de l’occupation. Nous aurons une plus grande légitimité quand nous mettrons fin à l’occupation.

"Nos retraits antérieurs ne nous ont pas donné une plus grande légitimité. Pire encore, les dommages que nous infligeons à la population palestinienne sont devenu plus meurtriers. Nos moyens de défense sont devenus des tanks et des avions et cela est toujours pire que des opérations de police sur le terrain".

"La gauche assume qu’une fois que nous serons cachés derrière les frontières internationales, nous pourrons faire ce que nous voulons. Mais il est déjà clair que tout n’est pas permis et que le principe de proportionnalité entrave Israël à Gaza -alors qu’en sera-t-il en Judée et Samarie ? En fait c’est encore plus grave. il y a là un échec moral. Après tout il y a longtemps que la gauche a cessé de parler de paix et qu’elle a recours aux termes de séparation et de ségrégation. Ils sont même convaincus que le conflit continuera encore après. Le résultat est une solution qui perpétue le conflit et qui nous fait passer du rôle d’occupants à celui d’auteurs de massacres, pour le dire sans détours. C’est la gauche qui nous a transformés en une nation plus cruelle tout en mettant en même temps notre sécurité en danger".

- Est-ce q’un pays comportant une minorité de non Juifs aussi importante serait encore juif ?

Pour le moment nous parlons de citoyenneté en Judée et Samarie pas à Gaza. A Gaza il y a un régime hostile qui rejette Israël. Gaza ne fait pas partie du discours politique pas même du discours sur la solution de deux états. Il y a un million et demi de Palestiniens en Judée Samarie. Je dois dire clairement que je ne reconnais pas de droits nationaux aux Palestiniens sur la Terre d’Israël. Je leur reconnais des droits humains et des droits individuels et aussi des droits politiques individuels - mais entre la mer (Méditerranée NdT) et la Jordanie il n’y a place que pour un seul état, un état juif".

- Le fait est que l’état a déjà du mal à contenir la minorité de 20% ( de Palestiniens NdT). Comment fera-t-il avec 30 ou 40% d’Arabes pour préserver son caractère (juif NdT) ?

"Chaque situation a un prix. Le statu quo coûte très cher, la solution de deux état aussi et l’approche que je propose a aussi un prix. Gérer la minorité arabe est un problème moins grave que les Qassams, le manque de légitimité et les actes immoraux que nous serons amenés a commettre pour les régler et ça vaut mieux aussi que d’avoir à renoncer à des morceaux de notre patrie y compris à Jérusalem".

- Une fois que les Palestiniens auront la citoyenneté ils pourraient devenir incontrôlables. On va dire que vous jouez avec le feu.

"Tout le monde joue avec le feu. Il n’y a pas de solution qui ne comporte pas de risque au Moyen Orient. Les risques de deux états ne sont pas virtuels ils sont déjà concrets. Les risques dont je parle peuvent être gérés par un processus rationnel qui durera une génération".

- Des deux dangers dont vous parlez, un état binational ou deux états, lequel choisiriez-vous ?

"Sans hésitation le danger d’un état binational. Dans un processus binational nous avons un certain niveau de contrôle, mais si vous abandonnez un espace à une entité palestinienne, quel contrôle aurez-vous sur ce qui s’y passe ?"

51% DE MAJORITE

Dans une réalité politique où les tensions entre les citoyens arabes et juifs du pays augmentent, ceux qui proposent que les deux peuples partagent l’espace entre la Méditerranée et le Jourdain ne sont pas toujours pris au sérieux. Certains représentants de la droite le comprennent. Pour Moshe Arens, l’intégration des Arabes israéliens est une condition première - seulement après sera-t-il possible de parler de donner la citoyenneté aux Palestiniens des territoires (occupés NdT). "Si nous sommes incapables d’intégrer les citoyens arabes d’Israël, que pourrons-nous offrir à de nouveaux citoyens ?" s’interroge Arens "Si j’attends quelque chose de l’article que j’ai publié c’est d’attirer l’attention sur le comportement envers la population arabe à l’intérieur d’Israël. J’en ai parlé des dizaines de fois au premier Ministre. C’est le problème le plus important de notre pays. Si nous n’intégrons les Arabes, se sera un désastre".

- Il y a beaucoup de gens qui disent qu’il n’y a qu’à les transférer dans un état palestinien.

"Le discours d’Israel Beitenu n’a aucun sens. Ils essaient d’engranger des bénéfices sur le plus bas dénominateur commun du pays" dit Arens sèchement. "Où seraient-ils transférés ? La Galilée serait-t-elle transférée dans l’état palestinien ? le Negev à l’Egypte ? Ce n’est pas faisable. Ils font juste du tort aux 20% (d’Arabes israéliens NdT) en les insultant en disant qu’ils veulent s’en débarrasser et leur enlever la citoyenneté israélienne. Qui a jamais entendu parler d’une chose pareille ?

"Je le répète : d’abord nous devons nous occuper des arabes israéliens qui sont citoyens. C’est essentiel si nous envisageons de donner la citoyenneté aux Palestiniens de Judée et Samarie. C’est seulement s’ils voient que les Arabes sont heureux en Israël qu’ils croiront qu’ils y seront heureux aussi".

- Vos opposants vont dire qu’en publiant ce genre d’article vous consolidez Shakh Ra’ad Alah [un leader d’u Mouvement Islamique en Israël] et que vous voulez introduire une cinquième colonne dans le pays qui sonnera le glas de l’état juif.

"Il n’y a que ceux qui ne comprennent pas la gravité de la situation qui vont dire cela. J’ai écrit des dizaines de fois que le gouvernement doit avoir deux buts : mettre hors la loi le Mouvement Islamique parce que c’est un mouvement subversif et séditieux et en même temps travailler à faire disparaître le sentiment de discrimination qu’ont les Arabes qui sont citoyens d’Israël. Il leur est insupportable de couper du bois et de puiser de d’eau - c’est à dire de faire le sale boulot dans un pays industrialisé et développé comme Israël".

- Est-ce qu’on vous a accusé d’être devenu un post-sioniste après cet article ?

"Ca n’a pas de sens. Est-ce que [le leader révisionniste Ze’ev] Jabotinsky était post-sioniste ? Il a pourtant parlé d’un état juif avec une majorité juive et pour lui aussi une majorité signifie 51%. Dans son dernier livre, il suggérait que le président pourrait être juif et le vice-président arabe ou vice-versa. Jabotinsky n’était pas post-sioniste".

- S’il a y quelque chose qui unit l’establishment politique -Ehud Barak, Tzipi Livni et désormais Netanyahu aussi- c’est bien la certitude que donner aux Palestiniens la citoyenneté serait dangereux et que seule la séparation peut garantir l’existence d’un état démocratique juif.

"C’est de la démagogie. Si le Sionisme signifie "aussi peu que possible pour les Arabes" alors je ne l’accepte pas. Jabotinsky ne l’a pas accepté non plus. Vous appelez ça le Sionisme : aussi peu d’Arabes que possible en Israël ? C’est le Sionisme d’[Avigdor] Lieberman. Si ce que veut dire la rhétorique de Tsipi Livni c’est que nous voulons le moins d’Arabes possible en Israël, alors c’est proche de ce que dit Lieberman. Les gens ne devraient pas exploiter ce que je dis pour leurs propres buts. Ce que je veux dire est que, avant toutes choses, nous devons nous concentrer sur la population arabe d’Israël et spécialement les musulmans. C’est un processus à deux niveaux. Seulement après, dans bien des années, il sera possible d’envisager d’intégrer des minorités supplémentaires et alors peut-être les Arabes qui habitent de l’autre côté de la Ligne Verte (frontière de l’ONU de 1947 NdT) diront que la vie est agréable en Israël -pas dans le but de nous submerger démographiquement mais simplement parce que c’est vrai. Nous n’y sommes pas encore.

UN SEUL PAYS

Si Elitzur et Arens représentent l’aspect politique de la vision d’un état commun aux deux peuples, Emimy Amrousi s’intéresse à son aspect quotidien. Amrousi qui habite dans la colonie de Talmon en Cisjordanie milite dans l’association Eretz Shalom (Terre de Paix) qui organise des réunions entre les colons et les Palestiniens pour parler des intérêts locaux des deux communautés et pas nécessairement des pièges politiques. Elle aussi reconnaît qu’il faudra dans un futur lointain accorder la nationalité à tous le monde. "Mais ne faites pas de moi un avocat de la solution d’un état" dit Amrousi. "A la fin cela arrivera sûrement mais nous en sommes encore très loin. Nous ne sommes pas comme le mouvement Canaanite : nous ne renonçons pas à l’état d’Israël ni au drapeau d’Israël".

- Et donc tant que nous n’aurons pas atteint l’égalité à laquelle nous aspirons, nous devrons nous contenter du statu quo ?

"Non, je n’aime pas non plus le statu quo parce qu’il n’est pas moral du tout. On ne peut plus tolérer une situation qui fait que nos voisins palestiniens doivent traverser trois checkpoints pour aller d’un village à un autre. Il y a là une aberration -même si c’est pour des raisons sécuritaires logiques- mais quelque chose a mal tourné en cours de route et nous ne pouvons plus l’accepter.

"Le mot "citoyenneté" est très nationaliste et très politisé. Nous ne l’utilisons pas à Eretz Shalom, nous parlons de relations entre voisins. Il n’y a pas ici de relations entre voisins car soit nous sommes ennemis soit nous sommes transparents les uns aux autres. Et les seules relations qui existent s’apparentent à celles d’un cavalier avec son cheval. Il faut construire une base avant de parler de citoyenneté et d’un système judiciaire. Nous devons parler leur langue et nous pourrions même partager une piscine car chez eux comme chez nous les hommes et les femmes se baignent séparément. Ca n’est peut-être pas pour tout de suite mais nous devons penser d’abord à la vie quotidienne. Je sais que cela ressemble à de la citoyenneté conditionnelle - dire qu’ils doivent d’abord être de bons voisins et qu’ensuite je leur octroierai la citoyenneté- mais je veux vraiment parler d’un processus qui part de tout en bas".

- De tout en bas ou de tout en haut, à la fin nous aurons un état dont les paramètres démographiques et géographiques seront bien différents de ce que nous connaissons aujourd’hui.

" La démographie est en effet une menace, mais l’autre menace est pire. Le prix le plus cher à payer serait d’avoir à couper ce pays en deux avec une partie qui surplombe l’autre topographiquement. Je ne peux pas parler aux Israéliens que je rencontre sur la plage de Tel Aviv de la citoyenneté et des Palestiniens parce qu’ils ressentent cela comme une menace. Toute la situation est faussée. Nous avons fait des erreurs, nous sommes arrivés au mauvais endroit et nous devons encore faire beaucoup de chemin mais finalement il n’y aura ici qu’un seul espace. On ne peut pas encore parler d’un seul pays mais en attendant on peut parler d’une seule terre".

On peut considérer avec cynisme Eretz Shalom, la décision d’Amrousi d’apprendre l’Arabe et le projet des colons de Talmon de construire un abri pour les ouvriers palestiniens qui attendent le contrôle de sécurité au checkpoint de l’entrée de leur colonie. Très tardivement, pourrait-on dire, et sous la menace d’une évacuation voilà que Gush Emounim découvre les vertus de la colonisation éclairée. Mais il y a un autre côté aussi à tout cela : l’impression que le centre israélien, obsédé par l’idée de la séparation a négligé la question des rapports avec la population arabe des deux côtés de la Ligne Verte. Est-ce une coïncidence si Amrousi a choisi de décrire la réalité de la Terre d’Israël par l’expression "un seul espace" utilisée par les sociologues critiques de la gauche radicale ?

Prof. Yehouda Shenhave, qui appartenait autrefois à "l’Arc en ciel Démocratique Séfarade" et qui est le directeur du journal "Théorie et Critique" depuis 10 ans, croit que la conception de la réalité de la droite, telle qu’elle est décrite ici, est plus précise et plus honnête que le concept de deux états de la gauche. Dans son dernier livre "l’époque de la Ligne Verte" (Am Oved, Hebrew) Shenhave revient sur ce qu’il appelle la vraie origine du conflit, c’est à dire 1948 et non pas "le paradigme flou et dévastateur selon lequel tout était formidable jusqu’en 1967 date à laquelle tout s’est mis à aller de travers" comme l’écrit David Grossman dans "Le vent jaune". Shenhav rejette à la fois la solution de deux états et celle "d’un état pour tous ses citoyens". Il affirme que le seul modèle viable serait un état qui reconnaîtrait les particularités des différentes communautés - juives et palestiniennes - qui vivent dans l’espace entre la mer et la rivière du Jourdain.

"Le diagnostique de la droite est exact" dit Shenhav qui ajoute aussitôt " Mais soyons précis : Il ne s"agit pas de toute la droite. La plupart de ses membres ne parlent pas ainsi. Mais il y a une minorité qui analyse la réalité d’une manière moins hypocrite et moins répressive que les gens de gauche qui soutiennent la solution de deux états. La majorité de la gauche ne peut pas comprendre une conception de l’espace qui soit homogène. les Juifs et les Palestiniens sont des jumeaux siamois. L’idéologie de l’état juif prônée par les diserts porte-parole de la gauche essaie de séparer les différents groupes palestiniens et prend leur séparation pour un fait accompli. Au contraire, Rubi [Reuven] Rivlin et Moshe Arens ont bien compris que, quelque soit le côté de la Ligne Verte où ils vivent, ce sont tous des Palestiniens.

" Je ne suis pas d’accord avec la mal que les colonies font" continue Shenhav "Mais il faut reconnaître que le diagnostic politique des colons est le bon. D’une manière ou d’une autre nous l’apprendrons tous et la seule question est combien de sang sera versé dans le processus. J’ai écrit exactement ce que la droite dit aujourd’hui : la guerre de Gaza est le modèle de ce qui se passera s’il y a une séparation dans l’avenir".

- Les frontières de 1967 sont acceptées par la communauté internationale. La gauche s’oppose au vol de terres qui a lieu dans l’est et au fait qu’une colonie comme Ofra est situé sur une terre appartenant à des Palestiniens.

"Quelle est exactement la différence entre Ofra et Beit Dagan qui est situé sur [l’ancien village de] Beit Dajan ? Est-ce que les 19 années qui séparent 1948 de 1967 font qu’une colonie est morale est l’autre non ? Dans mon livre je cite Uri Elitzur qui dit "Vous [la gauche] vous avez expulsé les Palestiniens en 1948, vous ne les avez pas laissé revenir, vous avez établi des colonies sur tous leurs villages et ensuite vous avez construit le mur de séparation et maintenant vous venez vous plaindre alors que nous nous n’avons pas détruit un seul village de Cisjordanie - pas même un seul- pour construire une colonie.

"Le paradigme de 1967 est destiné à permettre à la gauche de vivre à Tel Aviv sans être dévorée par le remords" continue Shenhav, "Les colonies seront sacrifiées pour réparer ce qu’ils ont fait aux Palestiniens en 1948. Les colons paieront pour les péchés de la gauche. Yossi Beilin et son initiative de Genève et tous les autres veulent préserver ce qu’a réalisé l’élite ashkenaze".

"Entendons-nous bien : Je ne défends pas la vision de la droite. Je voudrais seulement que la gauche écoute ce que la droite a à dire. Il faut prendre le diagnostic de la droite et le développer dans le cadre moral de la gauche en une vision capable de créer un avenir qui reflète les valeurs de la gauche -et non pas le nationalisme, non pas un empire juif".

- Vous considérez-vous comme quelqu’un de gauche ou de droite ?

Je ne sais pas. Dans mes écrits j’ai défendu le droit [des Palestiniens] au Retour et je suis contre l’évacuation des colonies. Alors qu’est-ce que ça fait de moi ?"

UNE GRANDE FRANCHISE

Les supporters du concept de deux états ne cessent de mettre en garde contre le danger de ne pas saisir toute les occasions d’établir un état palestinien. Maintenant que la droite a commencé à parler de la solution d’un seul état, y aura-t-il encore de telles occasions ? Bien sur, répond Gady Baltiansky, directeur général de l’Initiative de Genève : "Mais j’apprécie la sincérité de ceux qui parlent sans détours en ce moment. La droite a toujours parlé en termes négatifs. Tzipi Livni a fait remarquer une fois que les discours du Likoud commençait toujours par le mot "non". Non à un état palestinien, non à l’évacuation, non, non et encore non. Maintenant il y a des gens de la droite qui parlent avec beaucoup de franchise de ce qu’il faudrait faire, même si certains d’entre eux hésitent encore à le faire en public.

"Je n’ai jamais aimé les divisions entre "le camp de la paix" et "le camp nationaliste", continue Baltiansky. "Le fait est que je ne suis pas moins nationaliste que la droite et qu’elle veut la paix tout autant que nous. En Israël il y a le camp de deux états et le camp d’un état, le camp binational et il faut choisir entre les deux. Mais la droite ne doit pas se faire d’illusions : Un seul état juif ne sera pas la solution mais la poursuite du conflit. Il y aura des conflits à propos du drapeau et de l’hymne national et des programmes scolaires et ce sera insupportable".

Pour le moment accorder la citoyenneté aux Palestiniens ne fait pas partie du programme de la droite. Selon le leader du Yesha council, Danny Dayan : "Ce n’est pas une idée réaliste. Dans les circonstances actuelles, cela pourrait mettre en danger la spécificité d’Israël. Sur le plan moral, ce sont les Palestiniens qui sont responsables du fait qu’ils ne puissent obtenir de droits civils dans un avenir proche. Ils ont rejeté tous les compromis et ont choisi la guerre et maintenant ils paient pour leurs erreurs. Ce n’est pas de l’apartheid, c’est ce qu’ils ont choisi".

- Alors quelle est la solution ?

"La solution pour les dizaines d’années qui viennent c’est la statu quo, avec des améliorations par ci par là. De toutes les possibilités c’est celle qui offre le plus de stabilité. Il faut dire aussi que même ainsi les Palestiniens ont plus de droits que les autres Arabes du Moyen Orient, sauf peut-être au Liban".

Fidèle a sa vision, Dayan la semaine dernière - avant le meeting de Netanyahu avec le président des USA Barak Obama- s’activait à bricoler une coalition des leaders des partis de droite de la Knesset. Son but : Forcer Netanyahu à mettre fin au gel de la construction dans les territoires à la fin septembre comme il l’a promis. D’autres membres de la Knesset qui sont contre la solution de deux états comme Aryeh Eldad (Union Nationale) et Danny Danon (Likoud) m’ont aussi dit que donner la citoyenneté aux Palestiniens n’était pas dans leurs intentions même devant la menace de l’émergence du projet pour deux états.

Et pourtant on a le sentiment que même ceux qui sont contre cette idée ont modifié leur position récemment. Adi Mintz, un ancien directeur du Yesha council a présenté un projet d’après lequel aussitôt la situation sécuritaire stabilisée, Israël annexerait 60% de la Judée Samarie et 300 000 citoyens palestiniens recevraient la citoyenneté israélienne. Le statut du reste de la population et du secteur serait réglé, selon ce projet, dans le cadre d’une solution régionale dans un avenir plus lointain.

Le journal Makor Rishon qui penche à droite a récemment consacré une édition à la possibilité de laisser des colonies sous souveraineté palestinienne si la solution des deux états était mise en oeuvre. La logique conduit à penser que si ceux qui soutiennent cette proposition sont sérieux alors ils n’auront aucun problème a vivre dans un état qui s’étendra de la Méditerranée au Jourdain, quel que soit ses particularités.

De toutes manières, on verra bientôt si la reprise du processus politique conduit à ne garder comme option que l’établissement d’un état palestinien ou si l’opposition à un état palestinien provoque un élan de soutien pour la solution d’un seul état. Ceux qui promeuvent cette option disent que son plus grand handicap est qu’il n’y a jamais eu aucun débat sur ses avantages et inconvénients. En sorte que des questions essentielles comme la période de transition menant à la citoyenneté, le problème des réfugiés, le statut de Gaza et même bizarrement celle du nombre exact de Palestiniens n’ont pas été sérieusement étudiées.

C’est pourquoi Hotovely désire publier une tribune sur ce sujet, avec l’aide éventuelle de l’Institut de recherche Américain :"Je voudrais que chacun comprenne les enjeux, d’autant plus que [[ MKAhmed]Tibi (MK arabe israélien NdT) et moi sommes dans le même parti. Le tabou qui interdit de mentionner une autre option que celle de deux états est quasiment antidémocratique. C’est comme du lavage de cerveau".

Note du traducteur : Les Palestiniens sont appelés par Israël de deux manière différentes : s’ils habitent à l’intérieur de la ligne verte et détiennent la carte d’identité israélienne, alors ils sont appelés Arabes israéliens et s’ils habitent dans les territoires occupés sous différents statuts ils sont appelés Palestiniens. J’ai conserve cette distinction dans les notes insérées dans le texte par mesure de clarté, bien que les Palestiniens d’Israël en général détestent qu’on les appellent Arabes israéliens.

15 juillet 2010 - Haaretz - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.haaretz.com/magazine/fri...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet

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