Conte de Noël : Bethléhem sous occupation
jeudi 23 décembre 2010 - 08h:08Organisation de libération de la Palestine
« Couper Bethléhem de Jérusalem et du reste du monde n’apportera pas la paix »
Le patriarche catholique latin de Jérusalem, Fouad Twal.
A bien des égards, Bethléhem est devenue la ville emblématique palestinienne sous occupation : sa population est confrontée à des violences quotidiennes, sa géographie historique et son paysage sont abîmés par l’expansion des colonies illégales, le Mur israélien de séparation enfonce profondément ses méandres dans son cœur et la coupe de ses liens ancestraux, politiques, sociaux, économiques et religieux avec Jérusalem et le reste de la Cisjordanie, et ses perspectives économiques sont de plus en plus sombres, année après année. Pour les Palestiniens qui vivent à Bethléhem et dans ses environs, chaque Noël devient moins une raison de se réjouir qu’une raison de réfléchir sur l’immense tragédie qui s’est abattue sur la ville sainte où vit l’une des plus anciennes communautés chrétiennes de la Terre.
Les faits : l’occupation israélienne a radicalement limité la liberté de culte des Palestiniens et leur accès aux églises en Terre sainte. Depuis que le mur d’Israël est terminé dans la partie nord de la cité, Bethléhem et Jérusalem sont désormais complètement coupées l’une de l’autre.
Le gouvernorat et la cité sous l’occupation
Ni le gouvernorat de Bethléhem ni la cité n’ont échappé aux conséquences dévastatrices de l’occupation et de la colonisation implacables de la terre palestinienne par Israël. Créant « des réalités sur le terrain » qui rendent une solution à deux Etats impossible, Israël continue de mettre en œuvre une série de politiques qui combinent les éléments de l’occupation, de la colonisation et de l’apartheid pour, délibérément, étouffer et morceler Bethléhem et ses environs. Ceci comprend notamment la confiscation continue de la terre palestinienne pour la construction des colonies et du Mur israéliens en violation du droit international, de même que l’application forcée de restrictions physiques et administratives à la liberté de mouvements pour les Palestiniens, tant par un réseau toujours plus important de check-points et de barrages routiers que par un régime d’autorisations extrêmement sévère qui limite les lieux où les Palestiniens peuvent vivre, circuler et travailler.
Seuls, 13 % du territoire du gouvernorat de Bethléhem sont sous contrôle palestinien.
Rien que dans la région de Bethléhem, 32 obstacles physiques ont été posés par l’armée israélienne - check-points, barrages routiers, monticules de terre et portes - pour empêcher toute liberté de mouvements et tout accès aux marchandises et à la population palestiniennes (1). Selon le rapport sur la Liberté religieuse dans le monde de 2010, publié par le Département d’Etat US, « le gouvernement d’Israël a continué cette année d’appliquer des restrictions aux déplacements qui entravent de façon importante la liberté d’accès aux lieux de culte en Cisjordanie et à Jérusalem pour les musulmans et les chrétiens. »
Il existe 17 colonies et de nombreux avant-postes israéliens illégaux, disséminés à travers le gouvernorat de Bethléhem et dans lesquels vit une population totale d’environ 91 500 colons ; le plus connu d’entre eux étant le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, qui réside dans la colonie illégale de Noqdim, dans le secteur ouest de la région de Bethléhem.
Autre élément de l’entreprise coloniale israélienne, le maintien d’un contrôle militaire sur un certain nombre de sites du patrimoine palestinien, dont plusieurs figurent sur la liste des sites du patrimoine mondial de l’UNESCO. Dans le district de Bethléhem, il s’agit de la mosquée Bilal Bin Rabah/tombe de Rachel, des sites archéologiques de l’Hérodion et de Qumran où les Rouleaux de la Mer morte ont été découverts. L’UNESCO a récemment confirmé que les sites du patrimoine à Bethléhem appartenaient à la Palestine.
Depuis 1993, les Palestiniens doivent demander une autorisation à l’armée israélienne à chaque fois qu’ils veulent se rendre à Jérusalem-Est occupée et quelle qu’en soit la raison. Si elle est accordée, cette autorisation stipule un temps précis et limité pour le passage.
Le taux de chômage à Bethléhem avoisine les 23 %, pour l’essentiel dans les secteurs affectés par le bouclage de Bethléhem et sa séparation de Jérusalem, principalement le tourisme, le commerce et l’agriculture.
Les terres annexées par Israël dans le gouvernorat de Bethléhem
Vieille ville de Bethléhem
En 1967, Israël a annexé environ 10 km² du nord du gouvernorat de Bethléhem, en violation du droit international. La plus grande partie de cette terre a été incorporée, toujours illégalement, à l’intérieur des limites communales élargies de Jérusalem-Est. L’expansion unilatérale des limites communales de Jérusalem-Est par Israël n’est pas reconnue par la communauté internationale. De nombreuses villes et villages palestiniens, qui dépendent pour une grande part de l’agriculture pour leur survie économique, se sont vu confisquer illégalement leurs terres agricoles par Israël pour la construction des colonies, de l’infrastructure liée aux colonies, et du mur. Les villes palestiniennes de Beit Sahhur, Bethléhem, Beit Jala, Walaja, Husan, Battir, Wadi Fukin, Jaba, Nahhalin, Artas et Al-Khader ont perdu ainsi 65 % de la superficie totale de leurs terres à l’ouest du Mur israélien. Par exemple :
près de 50 % de la terre appartenant traditionnellement au village de Beit Jala ;
jusqu’à 75 % de la terre appartenant traditionnellement au village d’Al-Khader ;
la plupart des oliveraies appartenant traditionnellement au village de Beit Sahhur ont été séparées de leurs propriétaires palestiniens par le Mur et ne sont accessibles qu’à ceux qui possèdent, et c’est très rare, une autorisation émise par l’armée israélienne ; les agriculteurs palestiniens qui obtiennent cette autorisation pour aller travailler sur leurs terres doivent passer par des portes spéciales dans le Mur, ce qui réduit leurs temps de travail ;
en janvier 2009, Israël a publié des ordres militaires déclarant les terres qu’il avait annexées du côté du Mur sous contrôle israélien dans le nord du gouvernorat de Bethléhem, « zones fermées » (2), ce qui signifie que les propriétaires palestiniens ne sont plus autorisés à se rendre sur leurs terres sans la permission israélienne ;
les plus grandes colonies, Gilo, Har Gilo, Har Homa, Betar Illit, Efrat, Geva’ot et Bat’Ayin, ainsi que les expansions de Gi’vat Hadagan et Gi’vat Hatamar dans la colonie Efrata, toutes situées dans le gouvernorat de Bethléhem, ont des projets d’extension. En plus de cela, un projet a été soumis pour créer une nouvelle colonie qui s’appellerait Gi’vat Yael, dans le secteur d’Al Walaja.
Le déclin d’un tourisme vital pour Bethléhem
Au cours des deux dernières décennies, Bethléhem est devenue l’ombre de ce qu’elle était. Autrefois cité dynamique et ouverte, Bethléhem a été réduite à un ghetto en proie à la pauvreté, à l’immobilité et à l’isolement. Une promenade à travers la vieille ville de Bethléhem vous expose à une myriade de vitrines closes, où les commerçants autrefois vendaient leurs marchandises aux habitants et aux touristes. Les touristes qui viennent encore dans Bethléhem sont littéralement mis dans des autocars qui les amènent pour une visite de deux heures particulièrement coordonnée, n’ayant que très peu de temps pour faire les boutiques et se restaurer, avant d’être remmenés dans les hôtels et restaurants israéliens où ils laissent beaucoup de leur temps et de leur argent. En résumé, les avantages du potentiel de Bethléhem en tant que destination touristique importante sont exploités au profit du secteur israélien du tourisme, lequel est florissant. Cette situation désastreuse apparait encore plus nettement durant la saison des vacances, entre Noël et Pâques, quand Bethléhem devrait accueillir la plupart de ses touristes.
Contrairement à ce que stipule l’Accord bilatéral provisoire israélo-palestinien (Accords d’Oslo), sur les 185 guides touristiques palestiniens qui ont leur licence du ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, seuls 40 ont le droit d’entrer à Jérusalem, en Israël et sur les sites patrimoniaux sous contrôle israélien dans le territoire palestinien. En revanche, on y trouve environ 7 150 guides israéliens, à plein temps ou à temps partiel (3).
Israël continue de promouvoir les hôtels construits dans les colonies, de même que les produits des colonies, auprès des touristes et des pèlerins qui visitent le territoire palestinien occupé, minant davantage encore l’industrie touristique palestinienne (4).
Selon le ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, il faudrait que les touristes et pèlerins restent au moins 3 à 4 nuits dans le territoire palestinien occupé pour aider efficacement au développement de l’industrie du tourisme palestinien.
Israël utilise une politique obligeant les touristes qui visitent Bethléhem, pendant la plus grande partie de l’année, à entrer et sortir de la ville uniquement par le « Check-point 300 » qui n’a qu’une sortie et une entrée pour les autocars et autobus, contrairement aux étrangers qui vont dans les colonies de la région de Bethléhem et qui, eux, sont autorisés à venir et à quitter la région par n’importe quel check-point. Cela provoque de plus longues attentes au check-point pour les Palestiniens, les touristes et les pèlerins, ce qui fait qu’une visite à Bethléhem est devenue une corvée que de nombreux touristes ne sont pas très intéressés à supporter.
Malgré toutes ces restrictions et ces limites imposées par l’occupant, l’Autorité palestinienne a réussi à ce qu’il y ait davantage de touristes à rester sur le territoire occupé.
Le Mur à Bethléhem
(Photo E. Jacir)
La mosquée Bilal Bin Rabah/tombe de Rachel
Situé à l’entrée nord de Bethléhem, le site patrimonial abrite à la fois la mosquée Bilal et la tombe de Rachel. C’est un site patrimonial important pour le christianisme, l’Islam et le judaïsme. En violation des Accords d’Oslo, des conventions de l’UNESCO et du droit international, l’armée israélienne limite le site aux seuls juifs.
Le tracé du Mur pénètre de 2 km dans le nord du territoire communal de Bethléhem pour entourer la mosquée Bilal/tombe de Rachel, nuisant gravement aux quartiers palestiniens à proximité du site. Soixante-dix des quatre-vingts entreprises situées dans le secteur ont été contraintes à la fermeture.
La mosquée Bilal/tombe de Rachel est adjacente à un quartier palestinien à majorité chrétienne. Aujourd’hui encerclés par le Mur, de nombreux habitants ont été obligés de déménager dans d’autres secteurs de Bethléhem, ou d’en partir en raison des difficultés économiques et psychologiques provoquées par l’occupation militaire et le Mur.
Les fêtes chrétiennes pénalisées par le bouclage de Bethléhem d’Israël
D’après le rapport sur la Liberté religieuse dans le monde de 2010, publié par le Département d’Etat US, la construction du mur a « empêché de façon conséquente les habitants de Bethléhem de se rendre à l’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem et a rendu difficiles les visites sur les sites chrétiens de Béthanie et Bethléhem pour les Palestiniens qui vivent côté Jérusalem de la clôture ».
Le même rapport stipule que le Mur et « les check-points ont également nui aux déplacements du clergé entre Jérusalem et les églises et monastères de Cisjordanie, de même qu’à ceux des congrégations entre leur siège et leurs lieux de prières. »
Le Mur a également pénalisé la fête de Mar Elias (Saint Elie), célébrée traditionnellement en août par les chrétiens palestiniens et musulmans de Bethléhem, dont beaucoup ne peuvent plus se rendre au monastère situé pourtant à seulement quatre kilomètres au nord de Bethléhem.
La deuxième halte de la procession chrétienne avec les Patriarches, venant de Bethléhem, se faisait autrefois quelques mètres après la mosquée Bilal/tombe de Rachel. Aujourd’hui, à cause du Mur, la procession n’attend plus le patriarche à cet endroit.
Les restrictions israéliennes aux déplacements des Palestiniens ont aussi affecté la fête de la Vierge Marie, une procession annuelle qui a lieu en août. Ces restrictions empêchent les chrétiens de la région de Bethléhem de participer à la procession qui se termine à l’église de l’Assomption, à Gethsémani dans Jérusalem.
Nous, Palestiniens,
lançons un appel particulier à ce moment de Noël aux peuples du monde pour qu’ils nous aident à résister contre le bouclage qui se poursuit de la Palestine en général, et de Bethléhem en particulier. Nous demandons au monde de redoubler d’efforts ce Noël qui vient pour que Bethléhem et tout le territoire palestinien occupé soient ouverts aux visiteurs, que les anciennes liaisons entre Bethléhem et Jérusalem soient reconnectées, pour que viennent la paix et la justice en Palestine, de sorte que nous puissions partager une fois encore les cérémonies de ces fêtes.
Notes
(1) - OCHA Nations-Unies : Shrinking space : urban contraction and rural fragmentation in the Bethlehem governorate, mai 2009 - disponible sur (pdf) : http://www.ochaopt.org/documents/oc...
(2) Les « zones fermées » sont des parcelles de terres palestiniennes qu’Israël déclare zones militaires fermées, et qui sont dès lors interdites à leurs propriétaires et agriculteurs palestiniens. Depuis 1967, Israël a déclaré plus de 20 % de la Cisjordanie à l’est du Mur comme zones militaires fermées. Pour plus d’informations, voir Barrier to peace : the impact of Israel’s Wall five years after the ICJ ruling, juillet 2009, disponible sur (pdf) : http://www.nad-plo.org/news-updates...
(3) Statistiques du ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités.
(4) Le 9 juillet 2004, la Cour internationale de Justice a jugé que toutes les colonies israéliennes sont illégales en vertu du droit international. Pour plus d’informations, voir Barrier to peace : the impact of Israel’s Wall five years after the ICJ ruling, juillet 2009, disponible sur (pdf) : http://www.nad-plo.org/news-updates...
L’étranglement de Betlhéhem
(OLP)
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