27 décembre 2010

Le sort des musulmans en Europe : Des «Nuits de cristal» au XXIe siècle


Mondialisation.ca, Le 26 decembre 2010








«Nous sommes tous les témoins passifs d’une barbarie sans cesse renouvelée.»
 
Günter Grass, Prix Nobel de Littérature

Depuis début décembre, deux événements anodins pour la presse française mais lourds de significations pour les Français de confession musulmane se sont déroulés. Il s’agit d’une déclaration de Marine Le Pen qui compare la prière des musulmans, le vendredi, à une «Occupation» avec son imaginaire dans les consciences qui rappelle les heures sombres de l’Occupation nazie en France. Quelques protestations comme celle du Mrap, noyées dan un océan, au mieux d’indifférence, au pire d’assentiment. On dit que 40% des Français que l’on est allé rapidement sonder approuvent Marine. C’est autant d’électeurs potentiels pour elle qui ambitionne de prendre la succession de son père en donnant du FN une image lisse, fréquentable. Marine Le Pen est dans le sens de l’histoire de l’Occident qui a décrété que l’Islam devait être pourfendu pour être détruit. Elle a tout à fait repositionné l’image du FN qui était auparavant vu comme un parti antijuif et qui maintenant devient un parti ouvertement islamophobe et protégé par la LDJ!
Même Jean Daniel a cru bon de nous donner son avis sur la déclaration de Marine Le Pen :
«Il me paraît absolument normal et dans l’ordre des choses que Marine Le Pen devienne populaire et arrive à donner à sa formation, si elle en est le chef, un vrai pouvoir dans le paysage politique et électoral. Nous avions toujours prévu que le courant lepéniste se renforcerait lorsque s’écarterait de la scène Jean-Marie Le Pen, cet homme de l’entre-deux guerres et des vieilles milices antisémites, qui n’avait cessé de jouer avec les démons de la Seconde Guerre mondiale. (...) Marine Le Pen, dans ses excellentes prestations n’a pas su éviter un dérapage décidément génétique, celui d’évoquer une «Occupation». Nous serions occupés par des étrangers dont les minarets et les prières publiques rappelleraient la présence en France des troupes nazies! En fait, j’ai peine à croire qu’il s’agisse vraiment d’un dérapage. Je pense qu’elle a éprouvé le besoin de rassembler les fidèles de son père, dont elle avait, dangereusement pour elle, paru s’éloigner. Elle a estimé qu’elle avait toutes les chances de séduire les nombreux Français qui sont prêts à transformer leur allergie xénophobe en un rejet pur et simple de l’Islam français.» (1)
On le voit, pas de condamnation de celui qui connaît l’Islam, les musulmans, les Algériens, le même Jean Daniel qui écrivait en 1972 à propos de l’Occupation, dans «Le temps qui reste» : Quand on voit ce qu’a fait dans l’esprit des Français quatre ans d’Occupation allemande, on comprend l’action des Algériens.» Peut-être parce que Marine Le Pen est devenue plus fréquentable au point d’être invité, en Israël au même titre que les partis d’extrême droite européenne. Marine Le Pen, fille de Jean-Marie qui déclarait que les fours crématoires et la Shoah étaient « un détail de l’histoire ».
Un détail de l’histoire
Alain Gresh ne paraît pas étonné outre mesure, par les déclarations de Marine Le Pen. Ecoutons-le :
«J’avais repris ces six arguments du Front national dans un précédent billet («Peut-on encore critiquer l’Islam? (II) - La lepénisation des esprits») et montré comment ils sont devenus des thèmes récurrents dans les médias et dans les formations politiques. (...) Le fait que le FN n’a plus le monopole de ces thèmes est illustré par les tentatives de faire croire que nos banlieues vivent à l’ère de la charia et de l’oppression des femmes, qu’elles sont remplies de sauvageons à la fois islamistes et mafieux, dont le comportement s’explique par le Coran. (...) Autre exemple, celui du documentaire produit par Daniel Leconte, La Cité du mâle, et diffusé par Arte. Ce documentaire n’est pas seulement islamophobe - Daniel Leconte est un habitué de ces propos et de la mélancolie coloniale -, mais il a été truqué pour donner une image préconçue, ce qui n’empêche pas Arte, «la chaîne culturelle» (de la culture blanche, bien sûr), de continuer à le défendre. (..) Enfin, dans la stigmatisation des musulmans, on aurait tort d’oublier Alain Finkielkraut qui tient les mêmes propos que Marine Le Pen sans être diabolisé (lire Sébastien Fontenelle, «Suivant Que Vous Serez Le Pen Ou Finkielkraut...», les blog de Politis, 11 décembre 2010). (...) Un ancien Premier ministre socialiste disait que Le Pen posait les bonnes questions, mais apportait les mauvaises réponses. Qui prendra conscience que le FN pose de mauvaises questions et que tenter d’y répondre, c’est faire son jeu?»(2)
Par ailleurs, le 18 décembre, un Rassemble-ment antimusulman a eu lieu. Toute la droite extrême européenne s’est donnée rendez-vous à Paris pour défendre les valeurs fondamentales de l’Europe menacées par une Hallalisation rampante. La France, qui s’intronise patrie des droits de l’homme, laisse ses extrêmes convoquer des assises de la haine. A ces assises du procès de l’Islam, le Suisse Freysinger a été ovationné par des centaines de personnes quand il a fait la promotion des référendums «antiminarets» et pour l’expulsion des délinquants étrangers, tous deux approuvés par les électeurs helvétiques, dont l’UDC avait été à l’initiative. Il a dénoncé le «dogme» et la «religion» du «multiculturalisme» : «Face aux coutumes de l’Islam, on s’aligne (...). Alors que nous ne pensons qu’à nos retraites, à nos vacances, à nos assurances, le monde musulman produit des armées de combattants, hommes et femmes prêts à sacrifier leurs vies en tant que bombes humaines et dans la guerre», a-t-il affirmé (3)
«Le message, c’est de montrer que l’Islam est une menace pour la laïcité et pour les valeurs de la civilisation européenne, le problème n’est pas qu’il n’y a pas assez de mosquées, mais qu’il y a trop de musulmans», a affirmé à l’AFP Fabrice Robert, le leader du Bloc Identitaire. Même le prix Nobel de littérature 2010, l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, a déclaré samedi au Chili que «le fondamentalisme islamique avait remplacé le communisme comme principal ennemi de la démocratie».
Invité, le 18 décembre 2010, dans leur émission hebdomadaire sur France Culture, «La rumeur du monde», par Jean-Marie Colombani et Jean-Claude Casanova, à l’occasion des vingt ans de sa revue La règle du jeu, Bernard-Henri Lévy a livré sa stratégie face à l’Islamisme, vivement approuvée par ses hôtes à quelques nuances près (...) Il s’agirait donc à nouveau d’un conflit idéologique comparable aux deux précédents conflits contre le Nazisme et le Communisme, regardés comme de simples occupants de l’Allemagne et de la Russie qu’il fallait ne pas confondre avec les deux pays concernés (..) La stratégie préconisée par B.H. Lévy consiste donc à opérer une distinction entre les radicaux islamiques qualifiés de «néo-nazis» qu’il faut combattre, et les modérés islamiques qui doivent être soutenus. Est-ce aussi simple? M.Lévy refuse, d’un côté, d’admettre qu’une guerre existe entre l’Islamisme et l’Occident selon la thèse d’Huntington pour n’y voir qu’une guerre entre radicaux et modérés au sein de l’Islam, et, de l’autre, il prophétise la mort de l’Occident si la distinction entre radicaux et modérés n’est pas opérée. Celle-ci, s’écrie-t-il, est «indispensable sinon nous sommes morts. Les musulmans modérés et les Occidentaux musulmans et non musulmans. Si on n’opère pas cette distinction et si on n’élargit pas la brèche...»(4)
Bernard-Henry Lévy rêve d’une fitna inter-musulman puisque pour lui les Meddeb, Bendjelloun représentent l’Islam des Lumières opposé à celui des taliban, il appelle donc l’Occident et les musulmans modérés à combattre d’autres musulmans. La réalité lui donne raison. Les conflits actuels ont pour victimes des musulmans qu’ils soient modérés ou pas.
D’où vient cet acharnement antimusulman, cette islamophobie qui connaît un regain? Il faut, d’après Samuel Vasquez, déconstruire le mot Islamophobie qui est devenu un mot «valise» une éponge, un fourre-tout bien pratique et qui permet de donner corps à tous les amalgames et à toutes les haines. Ecoutons-le : «Avec la bénédiction du pouvoir, dans l’esprit des récents «Apéros-Saucisson-Pinard» et autres «Soupes au cochon», une partie du gotha de l’extrême droite européenne s’est donnée rendez-vous pour quelques heures à l’Espace Charenton, et ce, afin de débattre - joyeusetés gauloises oblige -, des dangers d’une Europe en voie de «s’hallaliser». L’usage du concept d’islamophobie accuse, en effet, deux écueils fatals, à savoir : d’une part, l’amalgame entre racisme antimusulman et légitime critique de l’Islam, entendue au sens strict comme questionnement d’une religion ; d’autre part, la lente et pernicieuse stigmatisation, sous couvert de liberté d’expression, d’une communauté de croyants.(...) Si, de nos jours, l’expression de convictions religieuses est une liberté dont jouit tout fidèle, chaque individu est libre de questionner un dogme religieux, d’interroger et de critiquer une religion, démarches intellectuelles et philosophiques qui relèvent du pur et simple usage de la liberté d’expression.
Le rêve d’une fitna
Ainsi en est-il de la critique de la religion musulmane, à la stricte et égale mesure de toute autre religion. Or, l’islamophobie, et c’est là son premier écueil, le terme «éponge» qui embrasse et décrit à la fois une situation de fait, les discriminations et traitements inégaux subis par les musulmans ; et son corollaire, à savoir la peur irrationnelle de l’univers mahométan, prête aujourd’hui à un pernicieux amalgame entre critique de l’Islam et racisme antimusulman. En entretenant une confusion entre la critique du message, le Coran, et celle de ses messagers, le Monde musulman, le concept d’islamophobie, orienté sous couvert de l’antiracisme, concourt à une mise sous verre de l’Islam. Car, une fois la critique de la religion associée invariablement à celle de ses croyants, l’anathème est jeté sur toute velléité de questionnement tant du dogme que de la pratique coranique. La notion d’islamophobie, ainsi appréhendée, participe clairement à amalgamer critique de l’Islam et racisme anti-musulman afin de proscrire du champ des débats intellectuels toute objection formulée à l’encontre de la religion mahométane. (...) Depuis lors, l’amalgame semble largement consommé. Le tollé provoqué en début de semaine par les déclarations de Marine Le Pen, comparant les prières de rue à l’Occupation allemande, suffit à lui seul à illustrer une situation de fait. Car ne sépare du rejet de l’Islam en France à celui, par extension, des populations d’origine maghrébine et arabe, qu’un pas, que la vice-présidente du FN se défend d’avoir franchi. (...) De Riposte laïque au Bloc Identitaire, les préjugés nourris envers la religion musulmane sont drapés des plus belles toges républicaines, de la défense de l’égalité homme-femme en passant à celle de la laïcité ; pour autant, ces subterfuges ne sauraient dissimuler le fond des discours, à savoir une lente mais sûre dégénérescence de la critique de l’Islam vers une stigmatisation de ses pratiquants. Ainsi, l’islamophobie apparaît être un concept suffisamment malléable à tout type d’extrémisme pour qu’il soit justifié de le récuser.(5)
A titre d’exemple, voyons comment sont protégés les juifs en France. Ecoutons Dominique Vidal : La scène se passe à l’Elysée, le 11 mai 2002. Appelé par le Premier ministre israélien, le président de la République en profite pour s’élever «fortement - dira sa porte-parole - contre la campagne antifrançaise en Israël visant à [nous] présenter comme un pays antisémite». Peu après, le général Ariel Sharon dénonçait une «très dangereuse vague d’antisémitisme» et annonçait des «préparatifs» pour accueillir les juifs de France.(...) Indiscutablement, les attaques antijuives, en recul depuis dix ans, ont connu une recrudescence à partir de l’automne 2000 : incendies de synagogues et d’écoles juives, insultes et parfois agressions contre des porteurs de kippa...(...)Ces énumérations fondées sur des rapports communautaires, posent plusieurs problèmes. D’abord, l’insuffisante vérification des faits : ainsi l’incendie, emblématique, de la synagogue de Trappes se révélera être un accident (...) D’où ces «centaines d’actes antisémites» qui amenèrent Jean Kahn, le président du Consistoire central de France, à discerner «les prémisses d’une nouvelle Nuit de cristal», Alain Finkielkraut allant jusqu’à inventer le concept d’«Année de cristal»...Rappelons que, le 9 novembre 1938, les nazis détruisirent 191 synagogues et 7500 magasins, assassinèrent 91 juifs et en conduisirent 30.000 autres en camps de concentration...(...)»(6)
On l’aura compris, personne ne viendra au secours des Musulmans de France socialement défavorisés, ne serait ce que par la plume . Abandonnés par leurs pays d’origine avec lequel ils ont coupé tout lien affectif, ils se retrouvent à la merci de toutes les dérives. D’autant que l’Islam de France n’existe pas. Entre l’Islam sans aspérité et mondain d’un Abdelwahab Medebb, d’un Tahar Bendjelloun ou d’un Malek Chebel, plus soucieux d’être en odeur de sainteté, et l’Islam fondamental du petit peuple musulman de France, il y a un monde que le manque d’instance à l’image du Crif -qui, sans aller jusqu’à organiser un tribunal dinatoire selon Alain Finkielkraut, qui consiste, par sa puissance, à interpeller, voire admonester les dirigeants de la République-, aurait contribué à l’émergence d’espaces de dialogue devant permettre d’éviter ces solutions extrêmes et contre-productives qui consistent à prier dans la rue par manque de place dans les rares mosquées et garages.
Si rien n’est fait pour mettre un terme à ces dérives en Europe, il arrivera aux Musulmans ce qui est arrivé aux Juifs du XXe siècle, des Nuits de cristal de plus en plus récurrentes. Pour la première fois, il y a une internationale dans le mal qui décide de déclarer la guerre à l’Islam. Partout dans le monde, l’Islam est combattu au nom de la doxa occidentale,la majorité des conflits actuels mettent aux prises des musulmans avec un ordre occidental venu lui imposer sa vision du monde. Que l’on ne s’y trompe pas ! les ennemis des Européens d’en bas ne sont pas les étrangers, les mélanodermes et les musulmans qui, les premiers, servent de variables d’ajustement en temps de crise, c’est justement la crise générée par un libéralisme sauvage , une mondialisation-laminoir qui ne fait pas de places aux plus faibles, et qui se faisant sont sensibles au discours de la haine, de l’étranger qui vient moanger le pain des français et qui suprême provocation vient « occuper » nos rues pour nous imposer une hallalisation rampante de l’Europe.
Il arrivera un jour prochain où le racisme antimusulman servira d’exutoire à une mal-vie dont les racines sont ailleurs. Les Musulmans d’Europe même de la dixième génération doivent accepter , comme les autres citoyens, les lois de la République, éviter l’ostentation et le m’as-tu-vu, la religion devant rester pour tous du strict ressort de la sphère privée en espérant que la République se tienne d’une façon équidistante des religions et aplique dans les faits, la laïcité, rien que la laïcité, toute la laïcité . les Européens de confession musulmane se doivent d^être exemplaires et montrer que ce sont des citoyens à part entière qui respectent les lois de la République qui doit montrer sa forte volonté d’intégration en combattant l’intolérance et les discriminations

Notes/références
1. Jean Daniel : L’homme de l’année Nouvelobs.15.12.2010
2. Alain Gresh http://blog.mondediplo. net/2010-12-17-Marine-Le-Pen-n-est-pas-le-probleme
3. Le Suisse Freysinger fait un tabac aux «Assises contre l’islamisation»NouvelObs.com 19.12.2010
4. Paul Villach : La tentation de Munich face à l’Islamisme Agoravox : 20.12.2010
5. Samuel Vasquez : L’ «islamophobie» : un concept à déconstruire http://www.legrandsoir. info/L-islamophobie-un-concept-a-deconstruire. Html
6. Dominique Vidal : Une «Année de cristal»? Le Monde Diplomatique : Décembre 2002


Pr Chems Eddine Chitour : Ecole Polytechnique enp-edu.dz
 

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