Proche Orient : L’invasion des colonies juives en Cisjordanie | ||||
Manifestation palestinienne contre la colonisation juive, à Hebron, le 25 septembre 2010 Quelques éléments historiques pour éclairer la question des colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, alors que le moratoire sur la colonisation prend fin dimanche 26 septembre 2010. Cisjordanie Le dirigeant palestinien, Mahmoud Abbas, a répété à plusieurs reprises qu’il ne poursuivrait pas les négociations de paix entamées le 2 septembre à Washington, si le moratoire partiel de la construction dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, qui arrive à son terme le 26 septembre 2010, n’était pas prolongé. Que représente la colonisation dans les territoires occupés ? Comment en est-on arrivé là ? Quelques éléments de repères. Des soldats israéliens agressent un photographe palestinien couvrant une manifestation contre les colonies juives, à Beit Omar, le 25 septembre 2010 Les origines En juin 1967, au terme de la guerre dite des "Six jours", Israël occupe la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Dès le mois de septembre, une première colonie juive, Kfar Etzion, est érigée au sud de Jérusalem. Dans le même temps, le gouvernement de Levy Eshkol entreprend la "judaïsation" de la partie de Jérusalem annexée. En novembre 1967, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 242 qui demande "le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés pendant le récent conflit". Le plan Allon, du nom du vice-Premier ministre travailliste, souligne l’importance de la zone frontalière du Jourdain. C’est là que sont installées les premières colonies, dans des secteurs peu peuplés. En 1974 est créé le Goush Emounim (Bloc de la foi), mouvement nationaliste religieux revendiquant le droit des Juifs à s’installer partout en Eretz Israël (la Terre d’Israël promise au peuple juif dans la Bible.) Celui-ci multiplie les occupations dans les zones de fort peuplement arabe. En mai 1977, quand le Likoud (droite) arrive au pouvoir, le Premier ministre Menahem Begin étend la législation israélienne à la bande de Gaza et à la Cisjordanie. Il existe alors 31 colonies qui comptent 4400 habitants en dehors de Jérusalem-Est. En juillet 1980, le Parlement déclare que Jérusalem "réunifiée" devient "capitale" de l’Etat d’Israël (la plupart des pays étrangers ne reconnaissent pas Jérusalem comme capitale en raison de l’occupation de sa partie est). En 1984, le nombre de colons est de 44000. En juin 1992, quand les travaillistes reviennent au pouvoir, le Premier ministre, Yitzhak Rabin, annonce un gel de la colonisation. Pourtant, le nombre de colons en Cisjordanie passe de 112000 en 1992 à 150000 en 1995, tandis que les colonies de Jérusalem-Est comptent 170000 habitants juifs. Après les accords d’Oslo en 1993, le rythme de construction ne ralentit pas. Le gouvernement construit même des routes de contournement, réservées aux colons, pour relier directement les colonies à Israël. En août 1996, le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, lève le gel partiel décrété par Yitzhak Rabin, puis en 1998, Ariel Sharon, ministre des Affaires étrangères, encourage les colons à s’emparer des collines de Cisjordanie. A l’arrivée au pouvoir d’Ehud Barak, en mai 1999, 180000 colons résident dans 123 implantations de Cisjordanie et de Gaza (en 2004, Ariel Sharon a décidé le démantèlement des colonies de Gaza (8000 personnes), achevé en 2005.) Un bâtiment en construction dans la colonie juive de Beit Hagay, le 26 septembre 2010 La situation actuelle En 2008, le nombre de colons en Cisjordanie approchait les 300000 selon la Foundation for Middle East Peace et l’organisation de défense des droits de l’Homme B’Tselem. Cette dernière chiffre à 184700 le nombre de colons à Jérusalem-Est au 31 décembre 2008, soit un total de 475400 pour la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Rappelons que la population israélienne est de 7,3 millions et qu’en 2005, la population palestinienne de Cisjordanie était estimée à 2,3 millions d’habitants. En juillet 2010, un rapport de B’Tselem, s’appuyant sur des sources gouvernementales, révélait que le demi-million de colons occupe 42 % du territoire de la Cisjordanie dans 121 colonies, une centaine de colonies "sauvages" (outposts), et les 12 faubourgs annexés par la municipalité de Jérusalem avec l’aide du gouvernement. Des Vue de la colonie juive d’Ariel, le 26 septembre 2010 Les méthodes Le rapport de B’Tselem décrit les mécanismes par lesquels l’Etat a peu à peu étendu son contrôle en Cisjordanie : les principales méthodes sont la réquisition de certaines zones au nom des "besoins militaires", leur classement en "terres d’Etat" ou l’expropriation pour "besoins publics". Cette politique de colonisation systématique a été officiellement encouragée par des incitations financières et des avantages accordés aux colons encouragés à franchir la "ligne verte". La plupart des colonies profitent du statut de "zones de priorité nationale" qui leur donne droit à des aides au logement et à l’éducation. Leur statut Selon la Convention de Genève, les colonies de peuplement sont illégales : l’article 49 précise que "la Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa population civile dans le territoire occupé par elle". Pour la communauté internationale, ces colonies qui constituent un fait accompli sont donc illégales. Dans le cadre des accords d’Oslo, la question des colonies, écartée des négociations pour la période intérimaire, est reportée aux négociations finales. Des bâtiments en construction dans la colonie juive d’Ariel, le 26 septembre 2010 Le moratoire sur la colonisation Après plusieurs semaines de pression des Américains, Israël a proposé, en novembre 2009, un gel partiel de dix mois sur la colonisation, non sans avoir autorisé, deux mois plus tôt, la construction de plusieurs centaines de nouveaux logements. La proposition ne touchait pas les permis de construire déjà délivrés, qui représentent environ 3000 logements, et excluait Jérusalem-Est. C’est cette période qui arrive à terme. La position américaine L’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche a suscité l’espoir du camp de la Paix, avec la nomination, deux jours après son investiture, de George Mitchell comme émissaire spécial pour le Proche-Orient et le discours du Caire invitant à un "nouveau départ" entre l’Amérique et le monde arabo-musulman. L’administration Obama presse Israël de geler les colonies afin de restaurer la crédibilité américaine sur ce dossier. Mais en novembre 2009, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, en visite à Jérusalem, fait volte-face. Alors que les Palestiniens considèrent qu’un gel total de la colonisation doit précéder la reprise des pourparlers de paix, elle estime que l’arrêt de la construction "n’a jamais été une précondition". Interrogée, le 19 septembre 2010, pour savoir si elle pensait que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, prolongerait ce moratoire de dix mois au-delà du 26 septembre, Hillary Clinton a répondu : "C’est certainement ce que nous espérons." Devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le 23 septembre, Barack Obama a rappelé que le moratoire "devrait être prolongé". Des bâtiments en construction dans la colonie juive d’Ariel, le 26 septembre 2010 Le point de vue israélien Le Premier ministre a exprimé à plusieurs reprises son intention ne pas prolonger le moratoire partiel de la construction dans les colonies. Il met en avant sa faible marge de manoeuvre : le mouvement des colons et les partis de droite menacent de provoquer une crise gouvernementale en cas de maintien du moratoire. Toutefois, le 24 septembre, un haut responsable gouvernemental a évoqué la possibilité d’un compromis : "Israël est disposé à parvenir à un compromis agréé par toutes les parties, étant entendu qu’il ne peut y avoir zéro construction". Depuis un an, le gouvernement Netanyahu a multiplié les gestes de défiance vis-à-vis de Washington. Ainsi, le ministère de l’Intérieur a approuvé la construction de 1600 nouveaux logements pour des colons à Jérusalem-Est au moment de la visite du vice-président américain Joe Biden à Jérusalem pour relancer le processus de paix, en mars dernier. Pour Benyamin Netanyahu, "le peuple juif a construit Jérusalem il y a 3000 ans et le peuple juif construit Jérusalem aujourd’hui. Jérusalem n’est pas une colonie. C’est notre capitale", a-t-il déclaré, en mars 2010, devant le Congrès annuel de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis. La réaction des Palestiniens Le président palestinien, Mahmoud Abbas, exclut la poursuite des négociations avec Israël sans un arrêt de la colonisation. De son côté, le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a décidé d’interdire la vente et la consommation de produits fabriqués dans les colonies juives de peuplement. Depuis le lancement de cette campagne, en début d’année, près de 40 millions de shekels (8,5 millions d’euros) de marchandises prohibées ont été saisis. Quelle issue ? Dix-sept ans après les accords d’Oslo, alors que les négociations de paix ont peu avancé et que la colonisation ne cesse de progresser, les Palestiniens sont de plus en plus nombreux à douter de la viabilité d’une solution à deux Etats. Désespérant de voir un jour la création d’un Etat palestinien, en raison de l’imbrication des colonies dans les territoires occupés, certains intellectuels palestiniens en viennent à reprendre la vieille idée d’un état "binational". Celui-ci garantirait aux Palestiniens et aux juifs israéliens des droits égaux dans toute la Palestine historique. Cette idée, jusqu’ici soutenue par des intellectuels de gauche tels Meron Benvenisti, Tony Judt ou Edward Saïd, est maintenant avancée par des dirigeants de droite comme l’ancien ministre de la Défense, Moshe Arens, et l’actuel président de la Knesset Reuven Rivlin : lire "L’idée d’un seul Etat réunissant Israéliens et Palestiniens avance" sur le site de La Croix" et "Is there another option ?" sur le site de Haaretz. Des bâtiments en construction dans la colonie juive d’Ariel, le 26 septembre 2010 http://www.interet-general.info/article.php3?id_article=14578 toute l'équipe de "Moqawama" tient à remercier notre Amneris pour avoir déniché cet excellent article à nos yeux, et de prendre grand soin d'aligner correctement les vidéos que nous avons choisies et d'être toujours disponible. MERCI à toi. |
27 décembre 2010
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