03 mai 2011

Bush est mort !

mardi 3 mai 2011
Badi Baltazar - Le Grand Soir





 
...avec Ben Laden et tout se qu’il représente dans l’inconscient populaire, c’est l’identité d’un autre protagoniste que l’on masque. 
 
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Quelle ne fût pas ma surprise ce matin, en écoutant la radio dans ma voiture pour me rendre au travail. "Oussama Ben Laden est mort." J’ai même failli emboutir une bagnole qui avait brusquement freiné au même moment ! A croire que son conducteur était branché sur la même fréquence que moi. A peine arrivé au bureau, je croise une collègue qui avant même de me saluer me lance : "Tu sais quoi ? Ben Laden est mort !" Encore étourdi par mon trajet radiophonique, je n’ai rien trouvé d’autre à lui répondre que : "Et alors ?"
Au fil de la journée et des dépêches, on n’a pas pu s’empêcher de décoder les informations avec les collègues. De la cuisine aux échanges d’emails en passant par le sujet de conversation du déjeuner. Buzz ? Diversion ? Fausse nouvelle ? Tout sauf la vérité me direz-vous ? Vraisemblablement. A lire ce que les médias publient comme version des faits, je suis plus que sur mes gardes. Photo truquée, corps balancé par dessus bord, examen ADN plus que douteux,... un brouillage de pistes en bonne et due forme ! C’est ce qu’on appelle communément une information pour le moins suspecte. Cela fait bientôt dix ans que cet homme est considéré comme l’ennemi public n°1 et maintenant qu’on nous annonce finalement lui avoir mis le grappin dessus, on se débarrasse de son corps fissa, sans que personne n’ai pu photographier sa dépouille ou apporter la moindre preuve de son existence. Je vois d’ici la réaction du sniper réclamant sa récompense de 50 millions de dollars pour la tête de Ben Laden et qu’on lui rétorquera : "Pas de tête, pas de chocolat !" N’importe quel gamin de 12 ans sait pertinemment que dans toute enquête policière, s’il n’y a pas de corps, il n’y a pas de coupable. Et dans l’hypothèse où il aurait été réellement capturé, j’en connais des milliards qui auraient donné beaucoup pour entendre la version de l’accusé. Pas vous ?
En ce qui me concerne, j’ai toujours cru qu’il était déjà mort depuis belle lurette. Et honnêtement, je continue à le croire. Les centaines de milliers de victimes afghanes et irakiennes que les interventions militaires américaines et alliées ont causées depuis une décennie ont abouti à quoi ? Dix ans de guerre, de propagande et d’ingérence pour retrouver un homme et mort de surcroît. Un homme a qui l’on a pas permis d’être enterré dignement et encore moins d’être jugé, comme le droit international le prévoit. Un homme qui a servi de bras armé pour le compte de la CIA et des services secrets pakistanais contre le bloc soviétique et qui a été désigné comme le cerveau des attentats du 11 septembre sans que l’on ne puisse à ce jour produire la moindre preuve matérielle, que du contraire. A ce stade il ne s’agit plus d’une vengeance, tant est qu’un État se disant démocratique puisse la pratiquer, mais d’une véritable démonstration : Goliath a terrassé David. Chapeau bas, l’ami.
La vraie nouvelle aurait été qu’on nous annonce que les armées d’occupations allaient enfin retirer leur troupes d’Afghanistan, d’Irak et du reste du monde ! Ou que l’État d’Israël avait finalement accepté de reconnaître l’État palestinien ! Pour moi, ce coup médiatique est plus une façon de proclamer à la face du monde : "Nous, les défenseurs de la liberté et de la démocratie, nous, les gardiens de la paix et de l’humanité, nous, qui sommes responsables de la mort et de l’aliénation d’une bonne partie de l’humanité, nous avons éliminer l’icône de l’axe du mal !"
Pour être honnête, je ne trouve pas d’autre mot que le dégoût pour qualifier ce que je ressens. Voilà, c’est tout. C’est ce que j’avais besoin d’évacuer pour le coup. Et d’ailleurs, cette anti-vérité qui m’a agacée toute la journée me donne à moi aussi une irrésistible envie, celle de crier à la face du monde ce qui en fait me paraît être la vraie nouvelle du jour, car avec Ben Laden et tout se qu’il représente dans l’inconscient populaire, c’est l’identité d’un autre protagoniste que l’on masque.
Le vrai mort en l’occurrence, pour les juges de l’Histoire, n’est-il pas le vrai coupable ?

3 mai 2011 - Le buvard bavard - publié sur Le Grand Soir

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