Pour en finir avec l’occupation, il faut s’attaquer aux banques israéliennes
mercredi 7 juillet 2010
Terry Crawford-Browne - The Electronic Intifada
La campagne internationale de sanctions bancaires de New York contre l’Afrique du Sud de l’Apartheid dans les années 1980 est considérée comme la plus efficace de toutes les stratégies mises en oeuvre pour mettre fin pacifiquement au système d’apartheid du pays. La campagne a abouti au célèbre discours de février 1990 du Président FW de Klerk annonçant la libération de Nelson Mandela et d’autres prisonniers politiques et le début de négociations constitutionnelles pour créer une société démocratique et sans distinction de race.
Si la société civile internationale est vraiment décidée à mettre fin aux violations israéliennes des droits humains des Palestiniens et à faire cesser l’occupation, alors la suspension des transactions SWIFT en provenance et à destination des banques israéliennes est un moyen de solutionner pacifiquement ce conflit par ailleurs insoluble. Les systèmes informatiques ont permis une progression inouïe de la technologie des transactions bancaires ces 20 dernières années depuis la campagne anti-apartheid contre l’Afrique du Sud.
Même si l’accès aux banques new-yorkaises demeure essentiel pour les transactions sur le marché des changes à cause du rôle du dollar, les instructions de transferts interbancaires passent par la Société Mondiale de Télécommunication Financière Interbancaire (SWIFT) qui est basée en Belgique. Et par conséquent la Belgique est l’endroit où doit se concentrer la pression au lieu de New York comme ce fut le cas à l’époque où ces sanctions avaient été prises contre l’Afrique du Sud.
SWIFT relie 8740 établissements financiers de 209 pays. Sans accès à SWIFT et à son réseau de règlement interbancaire, les pays ne peuvent pas payer leurs importations ni encaisser leurs exportations. Et, pour faire court, pas de paiement pas de commerce. Si on en arrivait à imposer des sanctions commerciales à Israël, il pourrait s’y soustraire. Au lieu de poursuivre ceux qui ne respectent pas les sanctions commerciales et d’essayer de remédier aux failles des dites sanctions, il est à la fois plus rapide et beaucoup plus efficace de suspendre le système de paiement.
Le gouvernement israélien se considère peut-être comme invincible dans les domaines militaires et diplomatiques, du fait du soutien américain et de celui d’autres pays, mais l’économie d’Israël est particulièrement dépendante du commerce international. Elle est donc très vulnérable à des mesures de rétorsion financières. L’Afrique du Sud de l’Apartheid se croyait, elle aussi, à l’abri des pressions étrangères.
Sans SWIFT, l’accès d’Israël au système banquier international serait très handicapé. Les transactions bancaires sont le sang de toute économie. Sans possibilité de payer les importations et les exportations, l’économie israélienne s’effondrerait vite.
Il est devenu d’autant plus urgent de traiter cette question qu’une loi est en ce moment soumise à la Knesset (le parlement israélien) dans le but de pénaliser quiconque encouragerait au boycott d’Israël.
Un autre aspect d’importance est que SWIFT est non seulement hors de la juridiction américaine mais de plus il est hors d’atteinte des mesures de rétorsion militaires israéliennes.
Israël a une longue expérience dans le contournement des sanctions depuis les boycotts arabes de 1948. L’Afrique du Sud de l’Apartheid en avait aussi une longue expérience et contourner l’embargo sur le pétrole était devenu chez eux « un sport national ». Les sanctions commerciales sont toujours pleines de failles. Les occasions de faire du profit abondent, comme on le voit en Iraq, à Cuba et dans beaucoup de pays contre qui les USA ont tenté en vain d’imposer un embargo commercial pendant de nombreuses années.
L’Iran réalise ses échanges commerciaux par l’intermédiaire de Dubaï qui profite avec joie de l’impasse politique dans laquelle se trouve ce pays. L’arrêt des paiements bancaires est un procédé qui n’a pas de pareilles failles et, en plus, cela modifierait l’équilibre des pouvoirs en sorte que des négociations dignes de ce nom entre Palestiniens et Israéliens deviendraient même possibles.
La raison en est que les sanctions bancaires ont un impact rapide sur les élites financières qui ont la capacité de contraindre les gouvernements à accepter un changement politique. Les sanctions commerciales au contraire frappent davantage les salariés pauvres ou mal payés qui n’ont aucune influence politique.
SWIFT prendra seulement des mesures contre les banques israéliennes si une Cour de Justice belge le lui ordonne et cela uniquement dans des circonstances très exceptionnelles. De telles circonstances tout à fait exceptionnelles sont actuellement réunies grâce à la qualité des informations fournies par le rapport Goldstone commandité par l’ONU sur l’invasion de Gaza pendant l’hiver 2008-2009 et le massacre qui s’en est suivi, et sur l’attaque de la Flottille de la Liberté en route pour Gaza le 31 mai 2010.
Il y a aussi un énorme stock de documents d’Amnistie Internationale, de Human Rights Watch et d’autres organisations qui répertorient les crimes de guerre israéliens et les violations aux lois humanitaires.
Le gouvernement israélien comme celui de l’Afrique du Sud de l’Apartheid est devenu une menace pour la communauté internationale. La corruption et la violation des droits humains vont toujours de pair. La longue occupation militaire israélienne de la Cisjordanie et de Gaza, par exemple, a corrompu presque tous les aspects de la société israélienne, et principalement son économie.
L’Organisation pour la Coopération Economique et le Développement (OCDE) a signalé en décembre 2009 que Israël ne luttait pas contre la corruption et le blanchissement d’argent avec toute l’énergie souhaitable.
Le système financier international est extrêmement sensible aux allégations de blanchissement d’argent et tout autant aux violations de droits humains. Le crime organisé et le blanchissement d’argent sont des menaces capitales pour la sécurité internationale comme l’a démontré l’action judiciaire que les USA ont lancée contre SWIFT pour avoir accès à leurs données afin de combattre le financement du terrorisme. Le site Web « Who Profits ? » donne la liste de centaines de firmes internationales et israéliennes qui profitent illégalement de l’occupation.
Leurs activités vont de la construction du « mur d’apartheid » et des colonies aux produits de l’agriculture produits sur des terres palestiniennes confisquées. Par exemple, Caterpillar, Volvo et Hyundai fournissent des pièces pour les bulldozers qui démolissent les maisons palestiniennes. Des supermarchés britanniques vendent des produits frais en provenance de Cisjordanie, illégalement étiquetés comme provenant d’Israël. Ahava commercialise de la boue et des cosmétiques de la Mer Morte.
Le célèbre Lev Leviev affirme à Dubaï que les diamants Leviev sont d’origine africaine et sont taillés et polis aux USA et non en Israël. Ils viennent d’Angola, de Namibie et aussi, croit-on, du Zimbabwe et ce sont en fait des « diamants du sang ». Les exportations israéliennes de diamants en 2008 ont atteint la somme de 19,4 milliards de dollars et représentent presque 35 pour cent des exportations d’Israël. Les diamants industriels certifiés sont essentiels à l’industrie d’armement d’Israël et à ses livraisons d’équipement de surveillance aux dictatures les moins recommandables. De telles pratiques mercantiles nécessitent l’accès au marché des changes et au système de paiement international.
C’est pourquoi les transferts interbancaires sont essentiels et SWIFT - de gré ou de force- se rend coupable de complicité tout comme les banques de New York avec l’Afrique du Sud de l’Apartheid.
En conséquence, un organisme issu de la société civile de la diaspora palestinienne qui se veut crédible devrait mener une campagne de sanctions SWIFT contre les banques israéliennes. Et si l’on en juge par l’expérience sud-africaine, cette campagne devrait être conduite pas la société civile plutôt que de compter sur les gouvernements.
Chaque banque a un code SWIFT de huit lettres qui permet d’identifier à la fois la banque et le pays où est domiciliée la banque. « IL » sont les cinquièmes et sixièmes lettres qui identifient Israël dans les codes SWIFT. Les quatre banques israéliennes principales et leurs codes SWIFT sont Israel Discount Bank (IDBILIT), bank Hapoalim (POALILIT), Bank Leumi (LUMIILIT) et Bank of Israel (ISRAILIJ).
Une telle suspension n’affecterait pas les transactions bancaires internes d’Israël, ni celles de Cisjordanie ou de Gaza - ni les transferts internationaux aux banques palestiniennes qui ont des identités « PS » différentes. La campagne peut être interrompue aussitôt que ses objectifs auront été atteints, sans provoquer de dommages économiques sur le long terme.
Il faut demander de toute urgence à une Cour de Justice belge d’ordonner à SWIFT de reprogrammer ses ordinateurs pour suspendre toutes les transactions en provenance et en direction d’Israël jusqu’à ce que le gouvernement israélien accepte de mettre fin à l’occupation de la Cisjordanie (Jérusalem Est y compris) et de démanteler « le mur d’apartheid » ; jusqu’à ce que Israël reconnaisse le droit fondamental des Palestiniens à l’égalité absolue ; et jusqu’à ce que Israël reconnaisse, respecte et garantisse les droits des réfugiés palestiniens.
* Terry Crawford-Browne est un banquier à la retraite qui a conseillé le Conseil des Eglises Sud Africaines pendant la campagne des sanctions bancaires contre l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Pendant plusieurs mois (d’octobre 2009 à janvier 2010) il a participé, à Jérusalem Est, aux contrôles que des associations pour la paix israéliennes effectuent aux barrages et sur tout ce qui concerne les démolitions de maison et les expulsions. Il habite à Cape Town.
30 juin 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet
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