Avec ses équipements, Volvo permet la torture et renforce l’occupation
samedi 4 décembre 2010 -David Cronin - The Electronic Intifada
Robustesse, sécurité et fiabilité. Voilà donc les spécificités dont se vante Volvo, synonymes de ses performances....
Mars 2007 - Démolition d’une maison dans le quartier Wadi-Qadum à Jérusalem-est
Mais après une analyse minutieuse des investissements du fabricant de voitures en Israël, la firme deviendrait peut-être synonyme d’une autre spécificité : l’encouragement de la torture.
Avec 26.5%, la société suédoise est actionnaire dans la firme israélienne Merkavim, fabricant du bus pour prisonniers Mars (The Mars Prisoner Bus). Ce bus avait été spécialement conçu pour permettre à l’administration pénitentiaire israélienne de transporter les Palestiniens, arrêtés en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza Occupées, vers des infrastructures se trouvant au cœur des frontières internationalement reconnues d’Israël. Le reste de l’actionnariat de Merkavim est détenu par Meyer ‘s Cars & Trucks (Meyer voitures et camions) qui est également le représentant exclusif de Volvo en Israël.
S’agissant des tortures, des observateurs pour les droits de l’homme ont assemblé des preuves révélant que ce phénomène est répandu dans tous les centres de détention israéliens. En fait, Amnesty International avait relevé qu’Israël continue de faire appel à la torture lorsqu’elle est jugée « nécessaire » en dépit de la décision de la Cour Suprême israélienne qui, en 1999, avait décrété illégales certaines méthodes utilisées lors des interrogatoires.
Dans ce contexte, une importante lacune dans les décisions de la Cour indique que la torture est autorisée dans le cas où les forces de sécurité israéliennes sont exposées à une menace imminente. Le procureur général israélien avait été bien trop disposé à invoquer cette lacune afin d’approuver le recours à la torture et ce, en dépit de la façon avec laquelle Israël avait entériné la Convention des Nations Unies Contre la Torture.
Sur le terrain, Israël séquestre chaque année environ 700 enfants palestiniens, souvent pour des délits aussi simples que le jet de pierres. Dans sa section palestinienne, l’Organisation Défense des Enfant International -Defence Children International- (DEI-SP) rapporte que le mauvais traitement est usuel lors du transfert des détenus dans les prisons. A ce sujet, Raifat Kassis, directeur du bureau de DEI-SP à Ramallah, en Cisjordanie, affirme que les individus arrêtés sont tous sujets à des insultes et à des menaces verbales, et d’ajouter : « Certains sont tabassés, battus à coups de pieds et sommés de s’asseoir de manière inconfortable et gênante. Il existe aussi d’autres méthodes pénibles qui consistent à retenir des enfants les mains menottées et les yeux bandés. »
En effet, durant le mois de septembre, trois enfants auraient reçu des décharges électriques de la part d’interrogateurs dans la colonie juive d’Ariel en Cisjordanie. L’un d’eux n’avait que 14 ans. Une récente enquête conduite pas DEI-SP, en collaboration avec d’autres groupes anti-torture, révèle que sur un échantillon de 100 enfants arrêtés l’an dernier par les forces israéliennes, 69% avaient été tabassés, battus à coups de pieds et 12% avaient été victimes de menaces de viols et autres formes d’agression sexuelle.
Kassis ne manque de rappeler que le processus de transfert de détenus de la Cisjordanie occupée jusqu’à Israël, à travers les bus de Merkavim, constitue une violation du droit humain international. Dans cette optique, la Quatrième Convention de Genève de 1949 stipule que les personnes déclarées coupables de délits ou infractions dans un territoire occupé ne peuvent être incarcérées que dans ce même territoire.
A ce sujet, un représentant de Merkavim m’a fait savoir que la société « ne désire pas parler avec les journalistes ». Sur le site internet de la firme, on peut lire que le Bus de Prisonniers Mars est « la solution optimale pour le transport sous escorte des prisonniers ». Les bus est composé de six compartiments séparés et offre « une surveillance complète et totale pendant les transferts délicats et à hauts risques reliant une infrastructure protégée à une autre ». Outre ces atouts, le bus dispose de larges fenêtres « encastrées avec des verres blindés, conçues pour éviter d’éventuelles évasions » ainsi qu’un « système d’interphone et de vidéosurveillance de pointe ».
Un porte-parole de Volvo-Bus, Per-Martin Johansson a déclaré que la société suédoise « ne peut pas contrôler » les activités de ses filiales. Il ajoute que les véhicules destinés à transporter les prisonniers se trouvent dans tous les pays à travers le monde entier, et de conclure : « Ce modèle de bus n’est pas conçu spécialement pour Israël ; il est requis dans chaque pays soucieux de prévenir l’évasion de prisonniers ».
Or, il est évident que la déclaration de Johansson s’oppose aux normes d’éthique auxquelles Volvo s’est théoriquement engagé. Pour rappel, le Conseil d’Administration de Volvo avait, en 2003, entériné « un code de conduite » de la société qui stipule que cette dernière soutient « les droits humains proclamés à l’échelle internationale et garantit sa non implication dans toute sorte d’agression ou d’atteinte aux droits de l’homme ».
Mais en dépit de la présence de ce code, Volvo avait été exposé à moult critiques accusant ses produits d’être utilisés dans l’oppression que conduit Israël. En effet, au mois d’avril de l’année en cours, les forces israéliennes ont été photographiées pendant qu’elles manipulaient des bulldozers Volvo dans le village palestinien d’Al-Walaja, effectuant ainsi des travaux liés au mur de séparation. Pour rappel, la Cour Internationale de Justice avait certes émis, en 2004, un avis déclarant le projet illégal mais Israël a quand même poursuivi la construction dans le territoire occupé de la Cisjordanie.
L’utilisation des bulldozers de marque Volvo pour la démolition des maisons palestiniennes à Jérusalem-Est et dans toute la Cisjordanie a également été documentée, avec la participation d’Adri Nieuwhof, collaboratrice de The Electronic Intifada. Il s’agit donc de preuves mettant en évidence les bénéfices que tire Volvo de l’occupation.
S’agissant de Merkavim, ce dernier fabrique également le Mars Defender Bus qui, à l’instar du Mars Prisoner Bus contient un châssis Volvo. Le parc de véhicules de ce dernier (Mars Defender Bus) est géré par la société de transport public israélienne Egged qui fournit des services aux colonies israéliennes de la Cisjordanie.
Ainsi, Mauricio Lazala, chercheur dans le Centre de Ressources sur les Entreprises & les Droits de l’Homme à Londres a souligné l’importance pour que les grandes compagnies comme Volvo étudient l’impact de leurs activités d’entreprise, principalement dans les zones de conflits. Il ajoute : « Dans les zones de conflits, les abus peuvent avoir des retombées très fâcheuses. C’est pourquoi, les entreprises doivent être doublement vigilantes ».
Dans la même optique, Londres a abrité le mois de novembre une session du Tribunal Russell sur la Palestine qui a conclu que bon nombre d’entreprises privées « jouent un rôle décisif permettant à Israël de perpétrer des crimes contre l’humanit ».
Certes, Volvo ne figure pas dans la liste des entreprises identifiées par le Tribunal, mais il facilite les délits jugés « répréhensibles » par cette institution, notamment la fourniture de services aux colonies israéliennes et l’assistance à la construction du « mur de l’apartheid » en Cisjordanie.
Le tribunal a publié une déclaration dans laquelle il note que les entreprises complices avec les agissements qui transgressent les droits de l’homme ont mal choisi leur camp et ont pris le parti d’un ensemble « d’opinions, de moralités et de lois internationales erronées ». Par voie de conséquence, ils sont en train « de nuire à l’intégrité même et à la crédibilité de la loi internationale et des institutions qui la soutiennent », ajoute la déclaration qui a été approuvée par l’ancien ministre sud-africain Ronnie Kasrils, l’ancien diplomate français Stéphane Hassel, la lauréate irlandaise du Prix Nobel de la paix Mairead Corrigan Maguire et l’ancienne membre du Congrès, l’américaine Cynthia McKinney.
Pour sa part, le coordinateur auprès du tribunal, Frank Barat a reconnu que lorsqu’il s’avère difficile de poursuivre en justice ces sociétés, des campagnes publiques peuvent les forcer à changer leur comportement. En effet, l’apport des gens peut se traduire par l’action de pousser leurs gouvernements respectifs à se défaire de ces entreprises. Il conclut : « Si une société apporte son aide à la construction du mur [en Cisjordanie], cela ne veut dire qu’une seule chose : elle contribue à un acte illégal et c’est pourquoi elle doit être sanctionnée ».
Ainsi, que Volvo tente de justifier ses investissement en Israël relève de la duplicité. Il est inconcevable que la société prétende que les activités des filiales ne dépendent pas du siège à Gothenburg, ou que les bus de Merkavim ressemblent à tous les bus pour prisonniers, disponibles à travers le monde entier. Il est donc clair que ces véhicules ont été spécialement adaptés et conçus pour satisfaire les « besoins » sadiques de l’occupation israélienne ; et c’est là où réside, en effet, leur argument de vente.
Toutefois, il y a une grande différence entre le concept d’approvisionner les services pénitentiaires israéliens et les services pénitentiaires d’autres pays. Et pour cause, Israël conduit des opérations massives d’emprisonnement et de torture à l’encontre des Palestiniens pour leur interdire toute forme de résistance contre l’occupation.
Pour argumenter ce fait, il suffit de consulter les chiffres avancés par Adameer, un groupe de soutien aux prisonniers qui recense le nombre alarmant de 650.000 palestiniens, incarcérés depuis le début de l’occupation en 1967. Ce chiffre représente le un cinquième - 1/5 - de la population vivant des les territoires occupés.
En fin de compte, quoique Volvo puisse dire, la réalité est que la firme est devenue un sous-traitant de l’occupation israélienne. La marque est la même mais l’impact est totalement différent. En Europe et en Amérique, les conducteurs pourraient se sentir en sécurité en se glissant sur le siège bien rembourré de leur voiture Volvo, tandis qu’en Palestine, la même entreprise contribue à la torture des enfants.
* David Cronin a publié Europe’s Alliance With Israel : Aiding the Occupation [l’Alliance de l’Europe avec Israël : Aider l’Occupation] chez Pluto Press
Du même auteur :
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L’alliance de l’Europe avec Israël
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24 novembre 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Niha
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Niha
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