Washington fait pression sur Alger pour obtenir l’autorisation d’utiliser la nouvelle base militaire de Tamanrasset par RAF | |
Mondialisation.ca, Le 27 février 2010 | |
Algerie-Focus.com - 2010-02-16 | |
Les Américains semblent se « focaliser » sur l’Algérie dans leur « lutte contre le terrorisme ». Notre pays est de plus en plus sollicité, voire pressé par Washington à participer toujours davantage à cette « guerre ». La fréquence des va et vient de responsables américains à Alger, témoigne de cet intérêt grandissant pour l’Algérie. Algerie-Focus.com a récemment publié un article sur la décision du Pentagone d’introduire officiellement l’Algérie comme un partenaire privilégié pour la lutte contre Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), dans le Maghreb et la région du Sahel. Depuis, les choses s’accélèrent : en novembre 2009, le Commandant du commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom), le Général William Ward, accompagné par Ronald Ladnier, le Commandant des forces aériennes d’Africom, arrivent à l’aéroport d’Alger dans le cadre d’une visite officielle en Algérie. Ils sont accueillis par le Général Major Abdelhamid Ghriss, chef du département organisation et logistique à l’état major de l’Armée Nationale Populaire (ANP, régulière) et le Général Mekri Noureddine, directeur des relations extérieures et de la coopération au Ministère de la Défense, ainsi que par l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger et l’attaché de défense auprès de l’ambassade américaine. A l’ordre du jour de cette visite : la volonté de Washington de voir l’Algérie souscrire à son programme de l’Africom. En Vain. Le Ministre algérien des affaires étrangères Mourad Medelci réitérait le refus de l’Algérie sur l’implantation de bases militaires étrangères sur son sol. Le 3 février, c’était autour de Gina Abercrombie-Winstanley, responsable du bureau de coordination antiterroriste du département d’Etat américain, de faire le déplacement à Alger pour rencontrer Ali Tounsi, le patron de la Direction Générale de la Sureté Nationale (DGSN). Selon nos informations, même si les Américains n’arrivent toujours pas à persuader l’Algérie d’intégrer de manière définitive l’Africom, il ne demeure pas moins qu’ils lorgnent, cette fois, sur la nouvelle base aérienne militaire de Tamanrasset, qui sera inaugurée prochainement. Washington, comme d’autres pays occidentaux, veut en effet obtenir - sans succès pour l’instant – l’aval des autorités algériennes pour survoler et utiliser la base de Tamanrasset, position stratégique pour mener des opérations au Sahel contre AQMI. La versalité dont fait preuve Waghington dans le traitement du dossier algérien suscite de sérieuses interrogations quant à sa manière de procéder pour arriver à ses fins. Les américains qui s’arrogent le droit depuis le 11 septembre de distribuer les bonnes et les mauvaises notes aux pays où ils ont décidé de mener leur « guerre contre le terrorisme », ne se gênent guère pour utiliser cette nouvelle « arme » comme moyen de pression sur les gouvernements récalcitrant à leur projet. Dans le cas algérien, la contradiction américaine est flagrante. Hier auréolée par un satisfecit américain pour son engagement dans la lutte contre le terrorisme, l’Algérie se retrouve aujourd’hui sur la liste des 14 pays à risque et dont les gouvernements « encouragent le terrorisme ». Washington est-elle entrain de punir le pouvoir algérien pour avoir osé lui répliquer par la voix de Medelci que « la souveraineté de l’Algérie est non négociable et il n’est pas question aujourd’hui d’ouvrir la voie à la création de bases militaires étrangères en Algérie » ? C’est fort possible. Mais le plus inquiétant, c’est la profonde crise politique qui couve au sommet de l’Etat à un moment où la souveraineté de l’Algérie est plus que jamais menacée par une Amérique décidée à se déployer en Afrique pour en déloger la Chine. » Celui qui n’est pas avec nous et contre nous « , menaçait Bush Junior en son temps. Le gouvernement d’Obama n’en pense pas moins. |
28 février 2010
Israël travaille au changement du droit international (1/2)
dimanche 28 février 2010 - 07h:54
Jeff Halper
The Palestine Telegraph
L’agression israélienne contre Gaza en décembre 2008/janvier 2009 n’était pas simplement un assaut militaire contre une population essentiellement civile, réduite à la pauvreté et victime d’une occupation et d’un siège depuis 42 ans. Elle s’intégrait aussi dans une autre agression, permanente, contre le droit international humanitaire par un groupe israélien hautement coordonné, d’avocats, d’officiers, d’hommes politiques et de responsables de relations publiques, dirigé (pas moins) par un philosophe de l’éthique. Leurs travaux sont coordonnés avec les gouvernements dont les dirigeants politiques et militaires cherchent les moyens de poursuivre « leur guerre asymétrique » contre les peuples qui résistent à leur domination, de se livrer au pillage de leurs ressources et de pouvoir agir sans s’encombrer des droits de l’homme ni du droit international en vigueur aujourd’hui. Leur campagne a eu des avancées, et ce serait mieux qu’elle soit prise au sérieux par nous tous.
Depuis qu’Ariel Sharon a été inculpé par un tribunal belge en 2001 pour son implication dans les massacres de Sabra et de Chatila, et qu’Israël est confronté à des accusations de crimes de guerre après son invasion des villes de Cisjordanie en 2002 - qui fit un nombre élevé de victimes civiles (quelque 500 personnes tuées, 1 500 blessées, et plus de 4 000 arrêtées), des centaines de maisons démolies et détruisit totalement l’infrastructure urbaine -, Israël s’est fixé une stratégie audacieuse et agressive pour modifier le droit international, de sorte que les acteurs autres que les Etats, pris dans un conflit avec des Etats et considérés par les Etats comme des acteurs « non légitimes » (des « terroristes », des « insurgés » et des « acteurs non étatiques », comme les populations civiles qui les soutiennent) ne puissent plus prétendre à la protection des armées d’invasion. L’urgence de cette campagne s’est trouvée accrue par une série de revers notables qu’Israël a subis par la suite aux Nations-Unies.
En 2004, à la requête de l’Assemblée générale, la Cour internationale de Justice de La Haye a jugé que la construction du mur par Israël à l’intérieur du territoire palestinien était « contraire au droit international » et qu’il fallait le démanteler - un avis adopté à la quasi unanimité par l’Assemblée générale ; seuls, Israël, les Etats-Unis, l’Australie et quelques atolls du Pacifique l’ont contesté. En 2006, la commission d’enquête de l’ONU a conclu à « une tendance significative des Forces de défense israéliennes (FDI) à se servir de façon indiscriminée et disproportionnée de la force contre les civils libanais et leurs biens civils, sans faire de distinction entre civils et combattants, et entre biens civils et cibles militaires. » Les critiques sévères du rapport Goldstone des Nations-Unies sur Gaza accusant le gouvernement et les militaires israéliens d’avoir, une fois encore, ciblé des civils palestiniens et provoqué des destructions disproportionnées, ont rendu cette campagne encore plus urgente.
Israël veut se dégager du droit international actuel
Heureusement, cela sera difficile. Par son impact, la théorie d’une guerre juste, à laquelle aspire le droit international humanitaire (DIH), vise à limiter la guerre et, en particulier, à en réglementer la conduite et la portée. Les guerres entre Etats ne doivent jamais être des guerres totales entre nations ou populations. Quoi qu’il arrive aux deux armées en cause, quels que soient la victorieuse ou la vaincue, la nature des combats ou le nombre de victimes, les deux nations ou les deux populations doivent à la fin de la guerre être des communautés toujours en fonctionnement. La guerre ne peut être une guerre d’extermination ou de nettoyage ethnique. Et ce qui est vrai pour les Etats l’est autant pour les organismes politiques assimilables à des Etats comme le Hamas et le Hezbollah, qu’ils pratiquent le terrorisme ou non. Les populations qu’ils représentent, ou dont ils revendiquent la représentation, sont des peuples comme les autres (Margalit et Walzer, 2009).
Protéger les vies, les biens et les droits humains des civils pris dans une guerre, contre la puissance et l’impunité des Etats, est particulièrement à l’ordre du jour à notre époque où, comme nous le dit le général britannique Rupert Smith (2005), la guerre moderne glisse très vite de sa forme conventionnelle entre Etats vers ce qu’il appelle un « nouveau paradigme » - « une guerre parmi la population » - où « nous combattons au milieu de la population et non sur un champ de bataille ». L’expression plus en vogue utilisée par les militaires de « guerre asymétrique » est sans doute plus juste et plus révélatrice, car elle souligne la différence immense existant entre la puissance des Etats et de leurs armées, et la faiblesse relative des forces non étatiques auxquelles ils se confrontent.
Aujourd’hui, la question d’adapter les lois et les approches éthiques, nées de la guerre traditionnelle entre Etats, aux nouvelles formes de « guerre asymétrique » se pose comme une entreprise légitime et vitale. Comme l’indique le juge Richard Goldstone dans le rapport de la Commission d’enquête des Nations-Unies sur le conflit de Gaza (2009:5), « La Commission a interprété (son) mandat comme une demande pour qu’elle mette la population civile de la région au coeur de ses préoccupations en ce qui concerne les violations du droit international. » Deux questions préoccupantes de première importance se posent ici : la protection de tous les non-combattants qui se trouvent pris dans un conflit armé, que les belligérants soient des Etats ou non, et le niveau auquel les acteurs autres que les Etats doivent être tenus responsables au regard du DIH, quelle que soit la justesse de leur cause. Le rapport Goldstone, reconnaissant les limites dans lesquelles les acteurs non-Etats opèrent, évoque donc aussi l’obligation pour les groupes armés palestiniens « de faire preuve d’attention et de prendre toutes les précautions possibles pour protéger la population civile à Gaza des risques inhérents aux opérations militaires ».
Le sens commun et la justice s’opposent à toute symétrie dans les responsabilités entre des armées puissamment équipées et coordonnées, soutenues par un Etat et capables de mettre en mouvement des forces énormes pour exercer un contrôle actif sur un territoire et son peuple (en l’espèce, Israël sur les Territoires palestiniens occupés) et la faiblesse militaire, les contraintes financières et les difficultés fondamentales des acteurs non-Etats qui résistent à l’oppression, s’agissant des responsabilités concernant la protection de leur peuple et la formation d’un « champ de bataille » neutre, séparé des populations civiles (comme dans le cas des Palestiniens).
Néanmoins, même la symétrie simplement insinuée introduite par la Commission Goldstone, où les acteurs non-Etats détiennent une légitimité en tant que « partie », est inacceptable pour les dirigeants politiques et militaires israéliens. Et ceci, alors qu’en 1960 la déclaration de l’Assemblée générale de l’ONU relative à l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples colonisés a approuvé le droit de ces peuples à l’autodétermination et, par extension, leur droit à résister à « l’assujettissement, la domination et l’exploitation étrangers » - une fois encore, avec les obligations énoncées par le rapport Goldstone. Pas plus que l’idée que les Etats et leurs armées doivent être astreints de façon significative, dans leurs actions militaires, au respect du DIH n’est acceptable pour les décideurs israéliens, politiques et militaires. Ils cherchent donc à modifier le droit international dans un sens qui leur permette - et par extension, également aux autres Etats impliqués dans les « guerres contre le terrorisme » - de poursuivre efficacement leur guerre au milieu de la population, tout en supprimant la légitimité et les protections dont jouissent leurs ennemis non-Etats.
Pour mener la campagne contre le droit : un professeur d’éthique
Cette campagne est conduite par deux personnalités israéliennes : Asa Kasher, professeur de philosophie et d’ « éthique pratique » à l’université de Tel Aviv, auteur du Code de conduite de l’armée israélienne, et le général Amos Yadlin, ancien directeur du Collège de la Défense nationale des FDI - sous les auspices duquel Kasher et son « équipe » élaborèrent ce Code de conduite - et aujourd’hui chef des Renseignements militaires. Et, Kasher l’affirme avec force, il est tout à fait opportun et compréhensible que les Israéliens suivent ce code.
« La question décisive, dit-il, est la façon dont les pays évolués se conduisent. Nous, en Israël, nous avons une position clé pour faire évoluer le droit dans ce domaine parce que nous sommes en premières lignes dans le combat contre le terrorisme. Cela est reconnu petit à petit, tant dans le système juridique israélien qu’à l’étranger. Après le débat devant la Haute Cour de justice sur la question des exécutions ciblées, il n’y eut nul besoin de revoir le document (sur l’étique du combat contre le terrorisme) que Yadlin et moi-même avions élaboré, pas même une virgule. Ce à quoi nous oeuvrons actuellement, c’est à une ébauche du droit. Il y a des idées qui ne sont seulement juridiques mais qui comportent aussi de forts éléments d’éthique...
« Les Conventions de Genève se fondent sur des centaines d’années de traditions en matières de règles justes de combat. Ces règles sont adaptées aux guerres classiques, où une armée combat une autre armée. Mais à notre époque, tout ce qui a trait aux règles pour un combat juste se trouve mis de côté. Des efforts sont en cours au niveau international pour revoir les règles afin de les adapter à la guerre contre le terrorisme. Avec ces nouvelles dispositions, on fait toujours la distinction entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas être atteints, mais pas dans l’approche directe qui existait dans le passé. Le concept de proportionnalité a également été changé » (cité dans Ha’aretz du 6 février 2009)...
« Le droit international coutumier s’est construit à travers tout un processus historique. Si ce sont des Etats qui sont impliqués dans un certain type d’activités militaires contre d’autres Etats, milices, et autres, et si tous agissent d’une façon relativement similaire les uns envers les autres, alors il y a une chance pour que cela devienne du droit international coutumier... Je ne suis pas optimiste au point de croire que le monde va bientôt choisir la voie ouverte par Israël pour l’évolution du droit international coutumier. Mon espoir est que notre doctrine, à quelque modification près, soit intégrée dans le droit international coutumier afin de réglementer la guerre et d’en limiter les victimes » (Kashe’r, 2009 : 7)...
Principe de distinction et principe de proportionnalité
Dans leur offensive contre les protections accordées par le DIH aux acteurs non étatiques et aux populations qui les soutiennent, Kasher et Yadlin s’attaquent à deux grands principes fondamentaux du DIH : le principe de distinction et le principe de proportionnalité.
Le principe de distinction, inclus dans la Quatrième Convention de Genève de 1949 et ses deux Protocoles additionnels de 1977, fixe des règles absolues : les civils ne peuvent être pris pour cibles par des armées et, au contraire, ils doivent être protégés. L’article 3 de la Quatrième Convention de Genève stipule que : « Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités... seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité... A cet effet, sont et demeurent prohibées, en tout temps et en tout lieu, à l’égard des personnes mentionnées ci-dessus : les atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle... les atteintes à la dignité des personnes. »
Le principe de proportionnalité, inclus dans les protocoles de 1977 de la Quatrième Convention de Genève (dont ni les Etats-Unis ni Israël sont signataires mais qui, néanmoins et vu le droit coutumier, les engage), considère comme un crime de guerre le fait d’attaquer intentionnellement un objectif militaire tout en sachant que les victimes civiles collatérales seront manifestement excessives par rapport à l’avantage militaire attendu. « La présence au sein de la population civile de personnes isolées ne répondant pas à la définition de personne civile, » stipule le Protocole 1 en son article 50-3, « ne prive pas cette population de sa qualité. »
Ebranler ces principes est par conséquent une clé pour ce que Kasher et Yadllin (2005) poussent en avant comme une « nouvelle doctrine de l’éthique militaire ». Celle-ci se fonde sur un privilège des Etats en conflit avec des acteurs autres que des Etats et leur donne autorité pour juger qui est un adversaire « terroriste », terme dépourvu de toute définition consensuelle dans le DIH et qui ôte évidemment toute légitimité aux acteurs non étatiques ainsi qualifiés. Effectivement, la « juste doctrine de guerre contre le terrorisme » de Kasher et Yadlin repose sur une définition tendancieuse du « terrorisme », taillée sur mesure pour légitimer la politique et les actions d’un Etat. Nous définissons « l’acte de terrorisme » écrivent-ils (2005:2) « comme un acte perpétré par des individus ou des organisations, mais pas au nom d’un Etat, dans le but de tuer ou blesser d’autres personnes, dans la mesure où celles-ci sont membres d’une population particulière, pour insuffler la peur parmi les membres de cette population - de la terroriser - afin de l’amener à modifier la nature de son régime, ou de son gouvernement, ou de la politique suivie par ses institutions, pour des motifs politiques ou idéologiques - et notamment religieux ».
En définissant le terrorisme comme « un acte » exécuté par un individu ou une organisation, Kasher et Yadlin sortent les luttes prolongées des acteurs non-Etats de leur contexte et les dépolitise, notamment celles de tous les peuples opprimés par des régimes d’Etat (et d’entreprise). Même s’ils admettent une certaine légitimité à une « guerre de guérilla », en ramenant le combat populaire à une série d’actes distincts, ils donnent la possibilité de qualifier un mouvement de résistance dans son ensemble de « terroriste » uniquement sur la base d’un acte en particulier, ou plus, sans égard à la situation ou à la justesse de la cause de ce mouvement. Une fois acquis, il est facile de criminaliser la résistance d’un non-Etat, puisque le terrorisme, selon les termes de Kasher, est « complètement immoral ». Quand, par exemple, les Palestiniens ou le Hezbollah attaquent des soldats israéliens en service actif, Kasher considère ces actes comme un « enlèvement » et non comme une « capture ».
Ce langage et cette approche ont également pour effet de privilégier les acteurs Etats, car ils laissent entendre que les actions d’un Etat sont par définition légitimes et pas « totalement immorales ». Même quand un pays est accusé de crimes de guerre, il est souvent en mesure de justifier ses actes par une « nécessité militaire ». Il est extrêmement difficile de vraiment sanctionner ou punir un pays pour crimes de guerre même quand ceux-ci sont considérés avoir été commis, et même quand ils ont vraiment été commis, la signification de « crime de guerre » étant différente de celle appliquée au type de criminalisation pour les acteurs non-Etats. Les Etats peuvent être sanctionnés mais leur légitimité existentielle ne leur est pas retirée. L’Allemagne a été jugée coupable de crimes de guerre épouvantables pendant la période nazie, et elle en a subi certaines conséquences, mais cela ne l’a pas empêchée de rejoindre la communauté internationale aussitôt après la guerre. Ainsi Kasher et Yadlin qualifient un acte, d’acte de terrorisme, à partir de son « objectif » de terroriser une population précise, sans le moins du monde penser à appliquer ce même principe à la politique d’Israël lui-même et à ses actions au cours de son occupation de 42 ans, et ce, malgré une documentation complète sur cette mise en place du terrorisme.
Désigner les « terroristes »
Combien est évidente cette utilisation tendancieuse et intéressée de l’idée de « terrorisme » quand Israël déclare que les Gardes de la révolution iranienne est une « organisation terroriste », alors que, en tant qu’agents de l’Etat, ils n’entrent pas dans la dichotomie Etat/non-Etat de Kasher et Yadlin.
Comment alors empêcher la communauté internationale de qualifier les Forces de défenses israéliennes et les diverses agences clandestines, comme le Mossad ou le Shin Beit (Services généraux de sécurité), d’ « organisations terroristes » ? Le rapport Goldstone lui-même conclut que l’offensive d’Israël contre la bande de Gaza durant l’opération Plomb durci est une « attaque sciemment disproportionnée conçue pour punir, humilier et terroriser une population civile. » Conscients de cette contradiction, Kasher et Yadlin prennent soin d’ajouter cette mise en garde : ils définissent un acte de terrorisme comme un acte qui « n’est pas commis au nom d’un Etat ».
Après avoir délégitimé les « actes de terrorisme non commis par des Etats », Kasher et Yadlin poursuivent alors par la légitimation des actions des Etats, telles que celles engagées par Israël contre le Hezbollah, le Hamas, c’est-à-dire en réalité contre toute la résistance palestinienne, en invoquant encore une fois la « légitime défense », revendication que, selon la théorie de la Juste Guerre et l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, seul un Etat peut opposer.
Cela faisant, ils commencent le récit des faits qui ont conduit à l’attaque contre Gaza par les actes de l’organisation « terroriste », et d’elle seule : lancer des roquettes sur la ville de Sderot et ses environs. Rien sur le fait que la vaste majorité des Gazaouis sont des réfugiés de 1948, privés de leur droit au retour et spoliés de leurs biens et actifs. Rien sur l’occupation depuis 1967 et sur le sous-développement recherché de l’économie de Gaza ; rien sur l’exclusion depuis 1989 des travailleurs gazaouis du marché du travail en Israël jusqu’à ce qu’ils soient devenus dépendants et ainsi conduits à l’appauvrissement ; rien sur les années de colonisation où 7 000 Israéliens toisaient un million et demi de Palestiniens qui le payèrent cher en vies humaines et en moyens de subsistance ; rien sur le siège illégalement imposé depuis 2006 ni sur la façon dont la bande de Gaza est devenue la plus grande prison à ciel ouvert du monde ; rien sur le fait que, jusqu’à aujourd’hui, la plus grande partie du territoire de Gaza - et de sa mer - est interdite aux agriculteurs et aux pêcheurs palestiniens ; rien sur cette réalité que les Gazouis vivent au milieu de la boue et des eaux usées parce qu’Israël a détruit massivement leur infrastructure ; rien sur la vie gâchée des jeunes ; rien sur le respect par le Hamas, pendant 18 mois, du cessez-le-feu qu’il était même prêt à prolonger, jusqu’à ce qu’Israël le rompe le 4 novembre 2008, provoquant les attaques de roquettes. Rien, en somme, sur ce qui pourrait amener à se poser cette question : l’agression contre Gaza était-elle véritablement un acte de légitime défense ?
De fait, le processus de dé-contextualisation est un préalable à l’éthique que propose Kasher au niveau international comme base de moralité, du droit, de la pratique politique et de la guerre. Plutôt que de prendre en compte les quatre décennies et plus d’occupation de Gaza et de la Cisjordanie, où l’on pourrait considérer que la puissance occupante a au moins un minimum de responsabilité dans ce qui s’y passe, Kasher préfère baser toute sa justification morale sur ce qu’Israël a fait au fil des années selon un principe désincarné de « double effet » selon lequel, « lorsque nous visons un objectif en lui-même moralement justifié, il est tout autant moralement justifié de l’atteindre, même si cela peut conduire à des conséquences non souhaitées - à la condition que ces conséquences soient inévitables et involontaires et qu’un effort ait été fait pour minimiser leurs effets négatifs. » Comme si maintenir une occupation belligérante pendant près d’un demi-siècle était inévitable et involontaire, et qu’Israël ait pris effectivement des mesures pour en minimiser ses effets négatifs !
De nouvelles règles pour le contre-terrorisme
Ceci, en fait, instaure une hiérarchie dans les priorités - les « obligations » pour les Etats - qui inverse complètement le droit international humanitaire. Le principe de distinction ne peut être respecté, soutiennent Kasher et Yadlin, parce que « les terroristes ne respectent pas les règles ». Il faut au minimum une « mise à jour fondamentale du concept de guerre ». « Alors que nous en étions à rechercher comment formuler la façon de combattre le terrorisme, » écrit Yadlin (2004), « nous avons compris que nous nous trouvions devant un genre différent de guerre, où les lois et l’éthique de la guerre conventionnelle ne s’appliquaient pas. Cela n’entraîne pas seulement une asymétrie avec les chars... la principale asymétrie se trouve dans les valeurs des deux sociétés impliquées dans le conflit, dans les règles auxquelles elles obéissent...
« Un nouveau modèle de guerre - le contre-terrorisme - requiert un nouvel ensemble de règles sur la façon de se battre. L’autre côté se bat en dehors des règles et il nous faut donc instaurer de nouvelles règles dans le droit international pour les conflits armés. Le devoir de l’Etat est de défendre ses citoyens. A chaque instant, un terroriste s’échappe parce qu’on se préoccupe des dommages collatéraux, nous pourrions en arriver à faillir à notre devoir de protéger nos citoyens. Nous cherchons des alternatives pour ne pas provoquer de dommages collatéraux, ou le moins possible, mais notre obligation première est de défendre nos citoyens... »
Ainsi, selon Kasher, dans une zone telle que la bande de Gaza sur laquelle les FDI n’ont aucun contrôle effectif, l’obligation de faire la distinction entre terroristes et non-combattants ne reposerait pas sur les épaules (d’Israël) puisqu’il n’y est pas le véritable décideur. Donc, les chefs militaires doivent donner la première importance à la réalisation de leurs objectifs militaires, puisque c’est de ceux-ci que dépend leur « légitime défense ».
Puis, vient en priorité la protection de la vie des soldats - en effet, Kasher et Yadlin définissent les soldats comme « des civils en uniforme », passant sous silence le principe que le devoir d’un Etat est de protéger ses citoyens en déployant des combattants entraînés et armés, ayant juré de poursuivre les objectifs militaires de l’Etat. Ce n’est qu’alors que l’armée doit se soucier d’éviter de blesser des non-combattants civils. « Envoyer un soldat (à Gaza) se battre contre le terrorisme est justifié, » écrit Kasher, « mais pourquoi devrais-je l’obliger à prendre de risques supplémentaires pour épargner celui qui se trouve à côté du terroriste ? » demande Kasher. « Du point de vue de l’Etat d’Israël, cette personne est beaucoup moins importante. J’ai plus de devoir à l’égard du soldat. S’il faut choisir entre le soldat et celui qui est près du terroriste, la priorité va au soldat. N’importe quel pays en ferait autant. »
A suivre
Jeff Halper est directeur du Comité israélien contre les démolitions de maisons (ICAHD) et auteur de An Israeli in Palestine : Resisting Dispossession, Redeeming Israel (Pluto Press, 2008). Son adresse mel : jeff@icahd.org.
Du même auteur :
Aucun partenaire pour la paix : c’est notre problème avec l’Amérique
Jeff Halper : « Alors, un Etat commun »
Cible : l’Université islamique (avec Neve Gordon)
La Palestine est un os en travers de la gorge d’Obama
Palestiniens : le stockage d’un "peuple en trop"
Un entretien avec Jeff Halper :
Un Israélien dans Gaza : tour d’horizon avec Jeff Halper avec Frank Barat
Jérusalem, le 22 février 2010 - The Palestine Telegraph - Sous-titrage et traduction : JPP
La justice européenne épingle les colonies israéliennes
dimanche 28 février 2010
Cour de Justice - Tdg/AFP
Non seulement les colonies et l’occupation par Israël des Territoires palestiniens sont illégales au regard du droit international, mais Israël veut tromper ses Etats partenaires commerciaux et les consommateurs sur l’origine des produits qu’il exporte.
Voir aussi sur ce site la rubrique : BOYCOTT ISRAEL
Commerce : la justice européenne épingle les colonies israéliennes
Des marchandises originaires des colonies israéliennes en Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel accordé par l’Union européenne à Israël, a estimé jeudi la Cour européenne de justice dans un arrêt très attendu.
Des marchandises originaires des colonies israéliennes en Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel accordé par l’Union européenne à Israël, a estimé jeudi la Cour européenne de justice dans un arrêt très attendu.
La société allemande Brita voulait importer en Allemagne des gazéificateurs d’eau ainsi que des accessoires et des sirops fabriqués par un fournisseur israélien, Soda-Club, dont le site de production est implanté à la colonie de Mishor Adumin, en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem.
Elle contestait devant la Cour le refus des autorités douanières allemandes d’appliquer le régime préférentiel accordé aux marchandises israéliennes - hors Cisjordanie - au motif qu’elles étaient produites en territoires occupés.
"Les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial de l’accord" entre l’UE et Israël "et ne sauraient donc bénéficier du régime préférentiel instauré", a jugé jeudi la Cour de Luxembourg.
"Il s’ensuit que les autorités douanières allemandes pouvaient refuser d’accorder le traitement préférentiel prévu par cet accord aux marchandises concernées au motif que celles-ci étaient originaires de Cisjordanie", a-t-elle ajouté.
La juridiction rejette également l’argument selon lequel ces produits auraient pu bénéficier d’un autre régime douanier préférentiel, celui prévu par l’accord conclu par l’UE avec l’Autorité palestinienne qui s’applique aux marchandises palestiniennes produites en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
En effet, "des marchandises certifiées par les autorités israéliennes comme étant originaires d’Israël peuvent bénéficier d’un traitement préférentiel uniquement en vertu de l’accord avec Israël, pourvu qu’elles aient été fabriquées en Israël", juge la Cour.
Dans le cadre de cette affaire qui dure depuis déjà plusieurs années, les douanes allemandes avaient interrogé leurs homologues israéliennes sur l’origine des produits.
Les autorités israéliennes s’étaient bornées à leur confirmer que les marchandises en question étaient originaires d’une zone sous leur responsabilité. Mais elles n’avaient pas répondu à la question de savoir si elles avaient été fabriquées en territoires occupés.
LUXEMBOURG, 25 fév 2010 |
Cour de justice de l’Union européenne
COMMUNIQUÉ DE PRESSE n° 14/10
Luxembourg, le 25 février 2010
Presse et Information
Arrêt dans l’affaire C-386/08
Firma Brita GmbH / Hauptzollamt Hamburg-Hafen
Des produits originaires de Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier préférentiel de l’accord CE-Israël L’affirmation des autorités israéliennes selon laquelle des produits fabriqués en territoires occupés bénéficient du traitement préférentiel accordé aux marchandises israéliennes ne lie pas les autorités douanières de l’Union.
La Communauté européenne a successivement conclu deux accords d’association euro-méditerranéens, le premier avec Israël (accord CE-Israël (1)) et le second avec l’Organisation de libération de la Palestine (accord CE-OLP (2)), cette dernière agissant pour l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces accords prévoient notamment que les produits industriels originaires d’Israël et des territoires palestiniens peuvent être importés dans l’Union européenne en exemption des droits de douane et que les autorités compétentes des parties coopèrent en vue de déterminer l’origine exacte des produits bénéficiant du régime préférentiel.
Brita est une société allemande qui importe des gazéificateurs d’eau ainsi que des accessoires et des sirops, fabriqués par un fournisseur israélien, Soda-Club, dont le site de production est implanté à Mishor Adumin, en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem.
Brita a voulu importer en Allemagne des marchandises fournies par Soda-Club. La société a communiqué aux autorités douanières allemandes que les marchandises étaient originaires d’Israël et a donc souhaité bénéficier du régime préférentiel de l’accord CE-Israël. Soupçonnant que les produits étaient originaires des territoires occupés, les autorités allemandes ont demandé aux autorités douanières israéliennes de confirmer que ceux-ci n’avaient pas été fabriqués dans ces territoires.
Alors que les autorités israéliennes ont confirmé que les marchandises en question étaient originaires d’une zone sous leur responsabilité, elles n’ont toutefois pas répondu à la question de savoir si elles avaient été fabriquées en territoires occupés. Pour cette raison, les autorités allemandes ont finalement refusé d’accorder à Brita le bénéfice du régime préférentiel, au motif qu’il ne pouvait pas être vérifié avec certitude que les marchandises importées relevaient du champ d’application de l’accord CE-Israël.
Brita a attaqué en justice cette décision et le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg, Allemagne) demande à la Cour de justice si les marchandises fabriquées en territoires palestiniens occupés, dont l’origine israélienne est confirmée par les autorités israéliennes, peuvent bénéficier du régime préférentiel instauré par l’accord CE-Israël.
Dans son arrêt de ce jour, la Cour constate que chacun des deux accords d’association a un champ d’application territorial propre : l’accord CE-Israël s’applique au territoire de l’État d’Israël tandis que l’accord CE-OLP s’applique au territoire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
La Cour relève que le droit international général interdit de créer une obligation pour un sujet tiers, tel que l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, sans son consentement (44). L’accord CE-Israël ne peut donc pas être interprété de telle sorte que les autorités palestiniennes soient contraintes de renoncer à pouvoir vérifier l’origine des marchandises produites en territoires relevant de leurs compétences douanières.
Dans ces conditions, la Cour statue que les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial de l’accord CE-Israël et ne sauraient donc bénéficier du régime préférentiel instauré par celui-ci. Il s’ensuit que les autorités douanières allemandes pouvaient refuser d’accorder le traitement préférentiel prévu par cet accord aux marchandises concernées au motif que celles-ci étaient originaires de Cisjordanie.
La Cour rejette également l’hypothèse selon laquelle le bénéfice du régime préférentiel devrait être, en tout état de cause, octroyé aux producteurs israéliens installés en territoires occupés soit en vertu de l’accord CE-Israël soit sur la base de l’accord CE-OLP. La Cour relève que des marchandises certifiées par les autorités israéliennes comme étant originaires d’Israël peuvent bénéficier d’un traitement préférentiel uniquement en vertu de l’accord CE-Israël, pourvu qu’elles aient été fabriquées en Israël.
En ce qui concerne l’affirmation des autorités israéliennes selon laquelle les marchandises en question sont originaires d’Israël, la Cour rappelle que la détermination de l’origine des produits est établie par les autorités de l’État d’exportation. En effet, ces dernières sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l’origine.
Dès lors, en cas de contrôle effectué a posteriori par les autorités douanières de l’État d’exportation, celles de l’État d’importation sont, en principe, liées par les résultats d’un tel contrôle.
Toutefois, en l’espèce, le contrôle a posteriori ne portait pas sur le point de savoir si les produits importés avaient été entièrement obtenus dans une certaine localité ou y avaient subi une transformation suffisante pour pouvoir être considérés comme étant originaires de cette localité. L’objet de ce contrôle concernait le lieu de fabrication même des produits importés aux fins d’apprécier si ces produits relevaient du champ d’application territorial de l’accord CE-Israël. L’Union considère, en effet, que les produits obtenus dans des localités qui sont placées sous administration israélienne depuis 1967 ne bénéficient pas du traitement préférentiel défini dans cet accord.
Or, malgré la demande expresse des autorités allemandes, les autorités israéliennes n’ont pas répondu à la question de savoir si les produits avaient été fabriqués dans les colonies de peuplement israéliennes en territoire palestinien. La Cour note à cet égard que les autorités israéliennes sont tenues, sur la base de l’accord CE-Israël, de fournir des renseignements suffisants pour déterminer l’origine réelle des produits.
Les autorités israéliennes ayant manqué à cette obligation, leur affirmation selon laquelle les produits en cause bénéficient du traitement préférentiel réservé aux marchandises israéliennes ne lie pas les autorités douanières allemandes.
RAPPEL : Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.
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Le texte intégral de l’arrêt est publié sur le site CURIA le jour du prononcé. (voir ci-dessous)
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1 - Accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995 (JO 2000, L 147, p. 3).
2 - Accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997 (JO 1997, L 187, p. 3).
Arrêt intégral de la Cour européenne
Source : CURIA
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ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
25 février 2010 (*)
« Accord d’association CE-Israël - Champ d’application territorial - Accord d’association CE-OLP - Refus d’application du régime tarifaire préférentiel accordé en faveur des produits originaires d’Israël aux produits originaires de Cisjordanie - Doutes quant à l’origine des produits - Exportateur agréé - Contrôle a posteriori des déclarations sur facture par les autorités douanières de l’État d’importation - Convention de Vienne sur le droit des traités - Principe de l’effet relatif des traités »
Dans l’affaire C‑386/08,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne), par décision du 30 juillet 2008, parvenue à la Cour le 1er septembre 2008, dans la procédure
Firma Brita GmbH
contre
Hauptzollamt Hamburg-Hafen,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász, J. Malenovský (rapporteur) et T. von Danwitz, juges, avocat général : M. Y. Bot, greffier : M. B. Fülöp, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 septembre 2009,
considérant les observations présentées :
pour Firma Brita GmbH, par Me D. Ehle, Rechtsanwalt,
pour la Commission européenne, par Mme C. Tufvesson, M. F. Hoffmeister et Mme L. Bouyon, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 octobre 2009,
rend le présent
Arrêt
1 - La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995 (JO 2000, L 147, p. 3, ci-après l’« accord d’association CE-Israël »), en tenant compte de l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997 (JO 1997, L 187, p. 3, ci-après l’« accord d’association CE-OLP »).
2 - Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige douanier opposant Firma Brita GmbH, société de droit allemand, au Hauptzollamt Hamburg-Hafen (administration douanière du port de Hambourg), au sujet de la décision de celui-ci de refuser d’accorder à la requérante au principal l’importation en traitement préférentiel de biens fabriqués en Cisjordanie.
Le cadre juridique
La convention de Vienne
3 - Aux termes de l’article 1er de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331, ci-après la « convention de Vienne »), intitulé « Portée de la présente convention », celle-ci s’applique aux traités entre États.
4 - L’article 3 de la convention de Vienne, intitulé « Accords internationaux n’entrant pas dans le cadre de la présente convention », dispose :
« Le fait que la présente Convention ne s’applique ni aux accords internationaux conclus entre des États et d’autres sujets du droit international ou entre ces autres sujets du droit international ni aux accords internationaux qui n’ont pas été conclus par écrit ne porte pas atteinte :
[...]
b) À l’application à ces accords de toutes règles énoncées dans la présente convention auxquelles ils seraient soumis en vertu du droit international indépendamment de ladite convention ;
[...] »
5 - Aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, intitulé « Règle générale d’interprétation » :
« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, [...]
3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :
[...]
c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
[...] »
6 - L’article 34 de cette convention, intitulé « Règle générale concernant les États tiers », énonce :
« Un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement. »
L’accord d’association CE-Israël
7 - L’accord d’association CE-Israël, approuvé par la décision 2000/384/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 19 avril 2000 (JO L 147, p. 1), est entré en vigueur le 1er juin 2000.
8 - Inséré dans le titre II de cet accord, relatif à la libre circulation des marchandises, l’article 6, paragraphe 1, de ce dernier dispose :
« La Communauté et Israël renforcent la zone de libre-échange selon les modalités énoncées dans le présent accord et en conformité avec les dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [...] »
9 - Aux termes de l’article 8 dudit accord, en ce qui concerne les produits industriels au sens de cet accord et sous réserve des dérogations qui y sont prévues, « [l]es droits de douane à l’importation et à l’exportation ainsi que les taxes d’effet équivalent sont interdits entre la Communauté et Israël. [...] »
10 - L’article 75, paragraphe 1, de l’accord d’association CE-Israël dispose :
« Chacune des parties peut saisir le Conseil d’association de tout différend relatif à l’application ou à l’interprétation du présent accord. »
11 - Le champ d’application territorial de l’accord d’association CE-Israël est défini à l’article 83 de ce dernier comme suit :
« Le présent accord s’applique, d’une part, aux territoires où les traités instituant la Communauté européenne et la Communauté européenne du charbon et de l’acier sont d’application et dans les conditions prévues par lesdits traités et, d’autre part, au territoire de l’État d’Israël. »
12 - Le protocole n° 4 annexé à l’accord d’association CE-Israël (ci-après le « protocole CE-Israël ») établit les règles relatives à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative.
13 - Conformément à l’article 2, paragraphe 2, de ce protocole, sont considérés comme produits originaires d’Israël les produits entièrement obtenus en Israël, au sens de l’article 4 de ce protocole, ainsi que ceux qui y sont obtenus et contenant des matières qui n’y ont pas été entièrement obtenues, à condition que ces matières aient fait l’objet, en Israël, d’ouvraisons ou de transformations suffisantes au sens de l’article 5 de ce protocole.
14 - Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de ce protocole :
« À l’importation dans une des parties, les produits originaires au sens du présent protocole bénéficient des dispositions de l’accord sur présentation :
a) soit d’un certificat de circulation des marchandises EUR.1 [...] ;
b) soit, dans les cas visés à l’article 22, paragraphe 1, d’une déclaration [...] mentionnée par l’exportateur sur une facture, un bon de livraison ou tout autre document commercial décrivant les produits concernés d’une manière suffisamment détaillée pour pouvoir les identifier (ci-après dénommée ‘déclaration sur facture’). »
15 - Selon le paragraphe 1, sous a), de l’article 22 dudit protocole, intitulé « Conditions d’établissement d’une déclaration sur facture », la déclaration sur facture visée à l’article 17, paragraphe 1, sous b), de ce dernier peut être établie par un exportateur agréé au sens de l’article 23 de ce même protocole.
16 - En vertu dudit article 23, les autorités douanières de l’État d’exportation peuvent autoriser tout exportateur, dénommé « exportateur agréé », effectuant fréquemment des exportations de produits couverts par l’accord d’association CE-Israël et offrant, à la satisfaction des autorités douanières, toutes les garanties nécessaires pour contrôler le caractère originaire des produits ainsi que le respect de toutes les autres conditions du présent protocole, à établir des déclarations sur facture. Une telle déclaration atteste du caractère originaire des produits concernés et permet ainsi à l’importateur de bénéficier du régime préférentiel prévu par ledit accord.
17 - L’article 32 du protocole CE-Israël régit la procédure de contrôle de la preuve de l’origine dans les termes suivants :
« 1. Le contrôle a posteriori des certificats EUR.1 et des déclarations sur factures est effectué par sondage ou chaque fois que les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes fondés en ce qui concerne l’authenticité de tels documents, le caractère originaire des produits concernés ou le respect des autres conditions prévues par le présent protocole.
2. Pour l’application des dispositions du paragraphe 1, les autorités douanières [de l’État] d’importation renvoient le certificat EUR.1 et la facture, si elle a été produite, ou la déclaration sur facture ou une copie de ces documents aux autorités douanières de l’État d’exportation en indiquant, le cas échéant, les motifs de fond ou de forme qui justifient une enquête.
À l’appui de leur demande de contrôle a posteriori, elles fournissent tous les documents et tous les renseignements obtenus qui font penser que les mentions portées sur le certificat EUR.1 ou la déclaration sur facture sont inexactes.
3. Le contrôle est effectué par les autorités douanières [de l’État] d’exportation. À cet effet, elles sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tout contrôle des comptes de l’exportateur ou tout autre contrôle qu’elles estiment utile.
4. [...]
5. Les autorités douanières sollicitant le contrôle sont informées de ses résultats au plus tard dans les dix mois. Ceux-ci doivent indiquer clairement si les documents sont authentiques et si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires et remplissent les autres conditions prévues par le présent protocole.
[...]
6. En cas de doutes fondés et en l’absence de réponse à l’expiration du délai de dix mois ou si la réponse ne comporte pas de renseignements suffisants pour déterminer l’authenticité du document en cause ou l’origine réelle des produits, les autorités douanières de contrôle refusent le bénéfice du traitement préférentiel, sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles. »
18 - Concernant le règlement des litiges, l’article 33 du protocole CE-Israël dispose :
« Lorsque des litiges naissent à l’occasion des contrôles visés à l’article 32 qui ne peuvent être réglés entre les autorités douanières ayant sollicité le contrôle et les autorités douanières responsables de sa réalisation ou soulèvent une question d’interprétation du présent protocole, ces litiges sont soumis au comité de coopération douanière.
[...] »
19 - Aux termes de l’article 39 de ce protocole, intitulé « Comité de coopération douanière » :
« 1. Il est institué un comité de coopération douanière chargé d’assurer la coopération administrative en vue de l’application correcte et uniforme du présent protocole et d’exécuter toute autre tâche dans le domaine douanier qui pourrait lui être confiée.
2. Le comité est composé, d’une part, d’experts douaniers des États membres et de fonctionnaires des services de la Commission des Communautés européennes qui ont les questions douanières dans leurs attributions et, d’autre part, d’experts désignés par Israël. »
L’accord d’association CE-OLP
20 - L’accord d’association CE-OLP, approuvé par la décision 97/430/CE du Conseil, du 2 juin 1997 (JO L 187, p. 1), est entré en vigueur le 1er juillet 1997.
21 - L’article 3 de cet accord énonce :
« La Communauté et l’autorité palestinienne établissent progressivement une zone de libre-échange [...] conformément aux dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et des autres accords multilatéraux sur le commerce de marchandises annexés à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) [...] »
22 - Les articles 5 et 6 dudit accord disposent :
« Article 5
Aucun nouveau droit de douane à l’importation ni aucune taxe d’effet équivalent n’est introduit dans les échanges commerciaux entre la Communauté et la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Article 6
Les produits originaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption des droits de douane et taxes d’effet équivalent et sans restrictions quantitatives ni mesures d’effet équivalent. »
23 - Concernant le champ d’application territorial de ce même accord, l’article 73 prévoit :
« Le présent accord s’applique, d’une part, aux territoires où les traités instituant la Communauté européenne et la Communauté européenne du charbon et de l’acier sont d’application et dans les conditions prévues par lesdits traités et, d’autre part, au territoire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. »
24 - Le protocole n° 3 annexé à l’accord d’association CE-OLP (ci-après le « protocole CE-OLP ») établit les règles relatives à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative.
25 - Conformément à l’article 2, paragraphe 2, de ce protocole, sont considérés comme produits originaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza les produits entièrement obtenus en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ainsi que ceux qui y sont obtenus et contenant des matières qui n’y ont pas été entièrement obtenues, à condition que ces matières aient fait l’objet, sur ces territoires, d’ouvraisons ou de transformations suffisantes.
26 - L’article 15, paragraphe 1, du protocole CE-OLP énonce que les produits originaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza bénéficient des dispositions de l’accord d’association CE-OLP à l’importation dans la Communauté sur présentation soit d’un certificat de circulation des marchandises EUR.1, soit, dans les cas visés à l’article 20, paragraphe 1, de ce protocole, d’une déclaration établie par l’exportateur sur une facture, un bon de livraison ou tout autre document commercial décrivant les produits concernés d’une manière suffisamment détaillée pour pouvoir les identifier. Cette déclaration est dénommée « déclaration sur facture ».
27 - L’article 16, paragraphe 1, du protocole CE-OLP dispose que le certificat de circulation des marchandises EUR.1 est délivré par les autorités douanières de l’État d’exportation. Selon le paragraphe 4 de ce même article, un tel certificat est délivré par les autorités douanières de Cisjordanie et de la bande de Gaza si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza, et remplissent les autres conditions prévues par ledit protocole.
28 - Conformément à l’article 20, paragraphe 1, sous a), du protocole CE-OLP, relatif aux conditions d’établissement d’une déclaration sur facture, une telle déclaration peut être établie par un exportateur agréé au sens de l’article 21 de ce protocole. Selon le paragraphe 2 dudit article 20, une déclaration sur facture peut être établie si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires de la Communauté, de Cisjordanie et de la bande de Gaza, et remplissent les autres conditions prévues par ledit protocole.
29 - L’article 21 du protocole CE-OLP, relatif aux exportateurs agréés, dispose à son paragraphe 1 que les autorités douanières de l’État d’exportation peuvent autoriser tout exportateur effectuant fréquemment des exportations de produits couverts par l’accord d’association CE‑OLP et offrant, à la satisfaction des autorités douanières, toutes les garanties pour contrôler le caractère originaire des produits ainsi que le respect de toutes les autres conditions de ce protocole à établir des déclarations sur facture.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
30 - La requérante au principal, Firma Brita GmbH, est établie en Allemagne. Elle importe des gazéificateurs d’eau ainsi que des accessoires et des sirops, fabriqués par un fournisseur israélien, Soda-Club Ltd, dont le site de production est implanté à Mishor Adumin, en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem. Soda-Club Ltd est un exportateur agréé au sens de l’article 23 du protocole CE-Israël.
31 - Au cours du premier semestre de l’année 2002, la requérante au principal a demandé la mise en libre pratique de marchandises importées, présentant au total plus d’une soixantaine de déclarations en douane. Elle a indiqué « Israël » comme pays d’origine de ces marchandises et sollicité l’application de la préférence tarifaire prévue par l’accord d’association CE-Israël sur la base de déclarations sur facture établies par le fournisseur et affirmant qu’il s’agissait de produits originaires d’Israël.
32 - L’administration douanière allemande a provisoirement accordé la préférence tarifaire demandée, mais a engagé une procédure de contrôle a posteriori. Interrogée par les autorités douanières allemandes, l’administration douanière israélienne a répondu qu’« il résulte de la vérification [qu’elle a] faite que les marchandises en question sont originaires d’une zone sous la responsabilité des douanes israéliennes. En tant que telles, ces marchandises sont des produits originaires conformément à l’accord d’association CE-Israël et elles bénéficient du traitement préférentiel en vertu de cet accord ».
33 - Par lettre du 6 février 2003, les autorités douanières allemandes ont demandé à l’administration douanière israélienne, à titre complémentaire, si les marchandises concernées avaient été fabriquées dans les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, à Jérusalem-Est ou sur les hauteurs du Golan. Cette lettre est restée sans réponse.
34 - Par décision du 25 septembre 2003, les autorités douanières allemandes ont alors refusé le bénéfice du traitement préférentiel précédemment accordé, au motif qu’il ne pouvait être établi avec certitude que les marchandises importées relevaient de l’accord d’association CE-Israël. En conséquence, il a été décidé de procéder au recouvrement a posteriori des droits de douane, d’un montant total de 19 155,46 euros.
35 - La réclamation introduite par la requérante au principal ayant été rejetée, celle-ci a saisi le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) d’un recours tendant à l’annulation de cette décision. La juridiction de renvoi estime que la résolution du litige dépend de l’interprétation de l’accord d’association CE-Israël, du protocole CE-Israël et de l’accord d’association CE-OLP.
36 - Dans ces conditions, le Finanzgericht Hamburg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Compte tenu du fait que le traitement préférentiel est prévu dans deux accords qui entrent en ligne de compte - à savoir [l’accord d’association CE-Israël et l’accord d’association CE-OLP] - pour les marchandises originaires, respectivement, du territoire de l’État d’Israël et de Cisjordanie, le bénéfice du régime préférentiel sollicité doit-il, en tout cas, être accordé à l’importateur d’une marchandise originaire de Cisjordanie bien que seul un certificat formel de l’origine israélienne de la marchandise soit produit ?
En cas de réponse négative à la première question :
2) Par rapport à un importateur qui sollicite le bénéfice du traitement préférentiel pour une marchandise importée sur le territoire de la Communauté, les autorités douanières d’un État membre sont-elles liées, en vertu de l’accord d’association CE-Israël, par la preuve d’origine délivrée par les autorités israéliennes - et la procédure de contrôle au sens de l’article 32 du protocole [CE-Israël] n’est-elle pas ouverte - tant que les autorités douanières de cet État membre n’ont pas, quant au caractère originaire du produit, d’autres doutes que celui sur le point de savoir si la marchandise ne provient pas d’un territoire qui est simplement sous contrôle israélien - à savoir en vertu de l’accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 - et aussi longtemps qu’aucune procédure au titre de l’article 33 du protocole [CE-Israël] n’a été effectuée ?
En cas de réponse négative à la deuxième question :
3) Lorsque, saisies d’une demande de contrôle au titre de l’article 32, paragraphe 2, du protocole [CE- Israël] par les autorités douanières de l’État membre d’importation, les autorités israéliennes confirment (seulement) que les produits concernés ont été obtenus dans un territoire sous juridiction douanière israélienne et sont dès lors des produits d’origine israélienne, et en l’absence de réponse des autorités israéliennes à la demande de précisions formulée ultérieurement par les autorités douanières de l’État membre d’importation, ces dernières autorités sont-elles, de ce seul fait, en droit de refuser, sans plus, le bénéfice du traitement préférentiel, et notamment sans qu’importe encore à cet égard l’origine réelle des marchandises ?
En cas de réponse négative à la troisième question :
4) Les autorités douanières [de l’État membre d’importation] sont-elles habilitées à refuser, sans plus, le bénéfice du traitement préférentiel en vertu de l’accord d’association CE-Israël au motif que - ainsi qu’il est désormais établi - les marchandises sont originaires de Cisjordanie, ou convient-il d’octroyer le traitement préférentiel en vertu de cet accord également aux marchandises ayant cette origine, à tout le moins aussi longtemps que n’a pas été effectuée une procédure de règlement des litiges au sens de l’article 33 du protocole [CE-Israël], portant sur l’interprétation de la notion de ‘territoire de l’État d’Israël’ figurant dans cet accord ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et quatrième questions
37 - Par ses première et quatrième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les autorités douanières de l’État membre d’importation peuvent refuser d’accorder le bénéfice du traitement préférentiel instauré par l’accord d’association CE-Israël dès lors que les marchandises concernées sont originaires de Cisjordanie.
38 - À titre liminaire, il y a lieu de constater que la réponse à ces questions dépend étroitement de l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 83 de l’accord d’association CE-Israël, définissant le champ d’application territorial de ce dernier.
39 - À cet égard, il importe de rappeler qu’un accord avec un État tiers conclu par le Conseil de l’Union européenne, conformément aux articles 217 TFUE et 218 TFUE, constitue, en ce qui concerne l’Union européenne, un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE, que, à compter de l’entrée en vigueur d’un pareil accord, les dispositions de celui-ci font partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union et que, dans le cadre de cet ordre juridique, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation de cet accord (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, Rec. p. 3719, point 7, et du 16 juin 1998, Racke, C‑162/96, Rec. p. I‑3655, point 41). En outre, conclu entre deux sujets de droit international public, l’accord d’association CE-Israël est régi par le droit international, et plus particulièrement, du point de vue de son interprétation, par le droit international des traités.
40 - Le droit international des traités a été codifié, en substance, dans la convention de Vienne. Selon l’article 1er de cette convention, celle-ci s’applique aux traités entre États. Toutefois, conformément à l’article 3, sous b), de cette convention, le fait qu’elle ne s’applique pas aux accords internationaux conclus entre des États et d’autres sujets du droit international ne porte pas atteinte à l’application à ces accords de toutes règles énoncées dans ladite convention auxquelles ils seraient soumis en vertu du droit international indépendamment de cette même convention.
41 - Il s’ensuit que les règles contenues dans la convention de Vienne s’appliquent à un accord conclu entre un État et une organisation internationale, tel que l’accord d’association CE-Israël, dans la mesure où ces règles sont l’expression du droit international général de nature coutumière. L’accord d’association CE-Israël doit, par conséquent, être interprété suivant ces règles.
42 - En outre, la Cour a déjà jugé que, bien qu’elle ne lie ni la Communauté ni tous les États membres, une série de dispositions de la convention de Vienne reflète les règles du droit coutumier international, qui, en tant que telles, lient les institutions de la Communauté et font partie de l’ordre juridique communautaire (voir, en ce sens, arrêt Racke, précité, points 24, 45 et 46 ; voir également, s’agissant de la référence à la convention de Vienne dans le cadre de l’interprétation d’accords d’association conclus par les Communautés européennes, arrêts du 2 mars 1999, El-Yassini, C‑416/96, Rec. p. I‑1209, point 47, ainsi que du 20 novembre 2001, Jany e.a., C‑268/99, Rec. p. I‑8615, point 35 et jurisprudence citée).
43 - Aux termes de l’article 31 de la convention de Vienne, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. À cet égard, il doit être tenu compte, en même temps que du contexte, de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.
44 - Parmi ces règles pertinentes susceptibles d’être invoquées dans le cadre des relations entre les parties à l’accord d’association CE-Israël figure le principe de droit international général de l’effet relatif des traités, selon lequel les traités ne doivent ni nuire ni profiter à des sujets tiers (« pacta tertiis nec nocent nec prosunt »). Ce principe de droit international général trouve une expression particulière dans l’article 34 de la convention de Vienne, en vertu duquel un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement.
45 - Il résulte de ces considérations liminaires que l’article 83 de l’accord d’association CE-Israël, définissant le champ d’application territorial de cet accord, doit être interprété de telle sorte qu’il soit conforme au principe « pacta tertiis nec nocent nec prosunt ».
46 - À cet égard, il est constant que les Communautés européennes ont successivement conclu deux accords d’association euro-méditerranéens, le premier avec l’État d’Israël, le second avec l’OLP, agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
47 - Chacun de ces deux accords d’association a un champ d’application territorial propre. L’article 83 de l’accord d’association CE-Israël dispose que celui-ci s’applique au « territoire de l’État d’Israël ». L’article 73 de l’accord d’association CE-OLP énonce que celui-ci s’applique au « territoire de la Cisjordanie et de la bande de Gaza ».
48 - Cela étant, ces deux accords d’association poursuivent un objectif identique - visé, respectivement, à l’article 6, paragraphe 1, de l’accord d’association CE-Israël et à l’article 3 de l’accord d’association CE-OLP -, à savoir l’instauration et/ou le renforcement d’une zone de libre-échange entre les parties, et ont le même objet - défini, pour les produits industriels, respectivement à l’article 8 de l’accord d’association CE-Israël et aux articles 5 et 6 de l’accord d’association CE-OLP -, à savoir la suppression des droits de douane, des restrictions quantitatives et des autres mesures d’effet équivalent dans les échanges commerciaux entre les parties à chacun de ces accords.
49 - S’agissant des méthodes de coopération administrative, en ce qui concerne, d’une part, l’accord d’association CE-Israël, il résulte des dispositions des articles 22, paragraphe 1, sous a), et 23, paragraphe 1, du protocole CE-Israël que la déclaration sur facture nécessaire à l’exportation en traitement préférentiel est établie par un exportateur agréé par les « autorités douanières [de l’État] d’exportation ».
50 - En ce qui concerne, d’autre part, l’accord d’association CE-OLP, il résulte des dispositions des articles 20, paragraphe 1, sous a), et 21, paragraphe 1, du protocole CE-OLP que la déclaration sur facture nécessaire à l’exportation en traitement préférentiel est établie par un exportateur agréé par les « autorités douanières de l’État d’exportation ». En outre, l’article 16, paragraphe 4, du protocole CE-OLP implique que seules les « autorités douanières de Cisjordanie et de la bande de Gaza » sont habilitées à délivrer un certificat de circulation des marchandises EUR.1 si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires de Cisjordanie et de la bande de Gaza.
51 - Il découle de ce qui précède que les « autorités douanières de l’État d’exportation », au sens des deux protocoles susmentionnés, disposent, les unes et les autres dans le cadre de leur champ d’intervention territorial respectif, d’une compétence exclusive pour délivrer les certificats de circulation des marchandises EUR.1 ou pour agréer les exportateurs implantés sur le territoire placé sous leur administration.
52 - Dès lors, interpréter l’article 83 de l’accord d’association CE-Israël de telle sorte que les autorités israéliennes seraient investies de compétences douanières à l’égard des produits originaires de Cisjordanie reviendrait à imposer aux autorités douanières palestiniennes l’obligation de ne pas exercer les compétences qui leur sont pourtant dévolues par les dispositions susmentionnées du protocole CE-OLP. Une telle interprétation, ayant pour effet de créer une obligation pour un sujet tiers sans son consentement, irait ainsi à l’encontre du principe de droit international général « pacta tertiis nec nocent nec prosunt », tel que codifié à l’article 34 de la convention de Vienne.
53 - Il s’ensuit que l’article 83 de l’accord d’association CE-Israël doit être interprété en ce sens que les produits originaires de Cisjordanie ne relèvent pas du champ d’application territorial de cet accord et ne sauraient donc bénéficier du régime préférentiel instauré par celui-ci.
54 - Dans ces conditions, les autorités douanières allemandes pouvaient refuser d’accorder le bénéfice du traitement préférentiel prévu par l’accord d’association CE-Israël aux marchandises concernées au motif que celles-ci étaient originaires de Cisjordanie.
55 - Également dans le cadre de sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les autorités douanières de l’État d’importation peuvent accorder le bénéfice d’un traitement préférentiel lorsqu’un tel traitement est prévu dans les deux accords entrant en ligne de compte, à savoir l’accord d’association CE-Israël et l’accord d’association CE-OLP, lorsqu’il est constant que les marchandises concernées sont originaires de Cisjordanie et que seul un certificat formel de l’origine israélienne est produit. Elle s’interroge plus précisément sur le point de savoir dans quelle mesure un concours de qualifications peut être admis en laissant ouverte la question de savoir lequel de ces deux accords est d’application et si la preuve de l’origine devrait émaner des autorités israéliennes ou palestiniennes.
56 - Admettre un tel concours de qualifications, fondé sur les seuls constats que les deux accords concernés prévoient un traitement préférentiel et que le lieu d’origine des marchandises est établi par d’autres moyens de preuve que ceux prévus par l’accord d’association effectivement applicable, reviendrait à nier, de manière générale, la nécessité, pour pouvoir bénéficier d’un traitement préférentiel, de disposer d’une preuve valable de l’origine émanant de l’autorité compétente de l’État d’exportation.
57 - Or, il résulte tant de l’article 17 du protocole CE-Israël que de l’article 15 du protocole CE-OLP que les produits originaires des parties contractantes nécessitent une preuve de leur origine afin de bénéficier du traitement préférentiel. Cette exigence d’une preuve valable de l’origine émanant de l’autorité compétente ne saurait être considérée comme une simple formalité pouvant rester inobservée pour autant que le lieu d’origine soit établi par d’autres moyens de preuve. À cet égard, la Cour a déjà jugé que ne saurait être acceptée la validité de certificats délivrés par des autorités autres que celles nommément désignées dans l’accord d’association concerné (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 1994, Anastasiou e.a., C‑432/92, Rec. p. I‑3087, points 37 à 41).
58 - Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et quatrième questions posées que les autorités douanières de l’État membre d’importation peuvent refuser d’accorder le bénéfice du traitement préférentiel instauré par l’accord d’association CE-Israël dès lors que les marchandises concernées sont originaires de Cisjordanie. En outre, les autorités douanières de l’État membre d’importation ne peuvent pas procéder à un concours de qualifications en laissant ouverte la question de savoir lequel, parmi les accords entrant en ligne de compte, à savoir l’accord d’association CE-Israël et l’accord d’association CE-OLP, est d’application en l’espèce et si la preuve de l’origine devrait émaner des autorités israéliennes ou des autorités palestiniennes.
Sur les deuxième et troisième questions
59 - Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 32 du protocole CE-Israël, les autorités douanières de l’État d’importation sont liées par la preuve d’origine présentée et par la réponse des autorités douanières de l’État d’exportation. Elle cherche également à savoir si, afin de régler un litige qui est né à l’occasion de contrôles de déclarations sur facture, les autorités douanières de l’État d’importation doivent, en vertu de l’article 33 de ce protocole, soumettre ce litige au comité de coopération douanière avant de prendre des mesures unilatérales.
Sur la question de savoir si les autorités douanières de l’État d’importation sont liées par la réponse des autorités douanières de l’État d’exportation
60 - Il résulte de l’article 32 du protocole CE-Israël que le contrôle a posteriori des déclarations sur facture est effectué chaque fois que les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes fondés en ce qui concerne l’authenticité de ces déclarations ou le caractère originaire des produits concernés. Le contrôle est effectué par les autorités douanières de l’État d’exportation. Les autorités douanières sollicitant le contrôle sont informées des résultats de ce contrôle au plus tard dans les dix mois. Ces résultats doivent indiquer clairement si lesdites déclarations sont authentiques et si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires. En cas de doutes fondés et en l’absence de réponse à l’expiration du délai de dix mois ou si la réponse ne comporte pas de renseignements suffisants pour déterminer l’authenticité de la déclaration en cause ou l’origine réelle des produits, les autorités douanières de l’État d’importation refusent le bénéfice du traitement préférentiel.
61 - Dans un cadre juridique similaire, la Cour a déjà jugé qu’il résulte de telles dispositions que la détermination de l’origine des marchandises est fondée sur une répartition des compétences entre les autorités douanières des parties à l’accord de libre-échange concerné, en ce sens que l’origine est établie par les autorités de l’État d’exportation. Ce système se justifie par le fait que ces dernières sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l’origine (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 1984, Les Rapides Savoyards e.a., 218/83, Rec. p. 3105, point 26).
62 - Un tel mécanisme ne peut cependant fonctionner que si l’administration douanière de l’État d’importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l’État d’exportation (voir, en ce sens, arrêts Les Rapides Savoyards e.a., précité, point 27, ainsi que du 9 février 2006, Sfakianakis, C‑23/04 à C‑25/04, Rec. p. I‑1265, point 23).
63 - Il s’ensuit que, dans le cadre de ce système de reconnaissance mutuelle, les autorités douanières de l’État d’importation ne peuvent pas, de manière unilatérale, déclarer invalide une déclaration sur facture établie par un exportateur régulièrement agréé par les autorités douanières de l’État d’exportation. De même, en cas de contrôle effectué a posteriori, les autorités douanières de l’État d’importation sont, en principe, liées par les résultats d’un tel contrôle (voir, en ce sens, arrêt Sfakianakis, précité, point 49).
64 - Toutefois, dans l’affaire au principal, le contrôle a posteriori au titre de l’article 32 du protocole CE-Israël ne portait pas sur le point de savoir si les produits importés ont été entièrement obtenus dans une certaine localité ou y ont subi une ouvraison ou une transformation suffisante pour pouvoir être considérés comme originaires de cette localité conformément aux dispositions du protocole CE-Israël. L’objet du contrôle a posteriori concernait le lieu de fabrication même des produits importés aux fins d’apprécier si ces produits relevaient du champ d’application territorial de l’accord d’association CE-Israël. L’Union considère en effet que les produits obtenus dans des localités qui sont placées sous administration israélienne depuis 1967 ne bénéficient pas du traitement préférentiel défini dans cet accord.
65 - Conformément à l’article 32, paragraphe 6, du protocole CE-Israël, si la réponse des autorités douanières du pays d’exportation ne comporte pas de renseignements suffisants pour déterminer l’origine réelle des produits, les autorités douanières de contrôle doivent refuser le bénéfice du traitement préférentiel relatif auxdits produits.
66 - Or, il ressort des éléments de la cause au principal que, dans le cadre du contrôle a posteriori, les autorités douanières israéliennes n’ont fourni aucune réponse précise aux lettres des autorités douanières allemandes visant à vérifier si les produits concernés avaient été fabriqués dans les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, à Jérusalem-Est ou sur les hauteurs du Golan. La lettre du 6 février 2003 des autorités douanières allemandes est même restée sans réponse.
67 - Dans de telles conditions, il doit être considéré qu’une réponse telle que celle des autorités douanières de l’État d’exportation ne comporte pas de renseignements suffisants au sens de l’article 32, paragraphe 6, du protocole CE-Israël pour déterminer l’origine réelle des produits, de sorte que, dans un tel contexte, l’affirmation desdites autorités selon laquelle les produits concernés bénéficient du traitement préférentiel de l’accord d’association CE-Israël ne lie pas les autorités douanières de l’État membre d’importation.
Sur l’obligation de saisir le comité de coopération douanière
68 - L’article 33, premier alinéa, du protocole CE-Israël prévoit que, lorsque des litiges naissent à l’occasion des contrôles visés à l’article 32 dudit protocole ou soulèvent une question d’interprétation de ce dernier, ces litiges sont soumis au comité de coopération douanière.
69 - Selon l’article 39 du protocole CE-Israël, le comité de coopération douanière est un organisme administratif composé d’experts douaniers et de fonctionnaires des services de la Commission, des États membres et de l’État d’Israël. Il est chargé, dans le cadre des dispositions de ce protocole, d’exécuter toute tâche de nature technique dans le domaine douanier. En conséquence, il ne saurait être considéré comme compétent pour résoudre les litiges portant sur des questions de droit tels que ceux relatifs à l’interprétation de l’accord d’association CE-Israël lui-même. De tels litiges peuvent, en revanche, conformément à l’article 75, paragraphe 1, de cet accord, être soumis au Conseil d’association.
70 - Dans un cas tel que celui de l’affaire au principal, la réponse fournie par les autorités douanières de l’État d’exportation dans le cadre de la procédure de contrôle a posteriori prévue à l’article 32 du protocole CE-Israël ne saurait être considérée comme étant à l’origine d’un litige entre les parties contractantes concernant l’interprétation de ce protocole. En effet, d’une part, cette réponse omet de fournir les renseignements demandés. D’autre part, si, dans l’affaire au principal, un litige est né lors de la procédure de contrôle a posteriori engagée par les autorités douanières de l’État d’importation, celui-ci concerne non pas l’interprétation dudit protocole, mais la détermination du champ d’application territorial de l’accord d’association CE-Israël.
71 - Il s’ensuit que, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, chacune des parties contractantes dispose de la faculté de soumettre la question d’interprétation relative au champ d’application territorial de l’accord d’association CE-Israël au Conseil d’association. En revanche, aucune saisine du comité de coopération douanière ne s’impose dès lors que cette question d’interprétation ne relève pas de la compétence de celui-ci.
72 - En tout état de cause, même si la saisine du Conseil d’association eût été envisageable, s’agissant d’un différend portant sur l’interprétation de l’accord d’association en tant que tel, il convient de rappeler que, comme la Cour l’a déjà jugé, l’absence de saisine du comité d’association, émanation du Conseil d’association, ne peut pas être utilisée comme justification pour déroger au système de coopération et au respect des compétences qui ressortent de l’accord d’association (voir, par analogie, arrêt Sfakianakis, précité, point 52).
73 - Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions posées que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 32 du protocole CE-Israël, les autorités douanières de l’État d’importation ne sont pas liées par la preuve d’origine présentée et par la réponse des autorités douanières de l’État d’exportation lorsque ladite réponse ne comporte pas de renseignements suffisants au sens de l’article 32, paragraphe 6, de ce protocole pour déterminer l’origine réelle des produits. En outre, les autorités douanières de l’État d’importation ne sont pas dans l’obligation de soumettre au comité de coopération douanière instauré par l’article 39 dudit protocole un différend portant sur l’interprétation du champ d’application territorial de l’accord d’association CE-Israël.
Sur les dépens
74 - La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
1) Les autorités douanières de l’État membre d’importation peuvent refuser d’accorder le bénéfice du traitement préférentiel instauré par l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, signé à Bruxelles le 20 novembre 1995, dès lors que les marchandises concernées sont originaires de Cisjordanie. En outre, les autorités douanières de l’État membre d’importation ne peuvent pas procéder à un concours de qualifications en laissant ouverte la question de savoir lequel, parmi les accords entrant en ligne de compte, à savoir l’accord d’association euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, et l’accord d’association euro-méditerranéen intérimaire relatif aux échanges commerciaux et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agissant pour le compte de l’Autorité palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, d’autre part, signé à Bruxelles le 24 février 1997, est d’application en l’espèce et si la preuve de l’origine devrait émaner des autorités israéliennes ou des autorités palestiniennes.
2) Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 32 du protocole n° 4 annexé à l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, les autorités douanières de l’État d’importation ne sont pas liées par la preuve d’origine présentée et par la réponse des autorités douanières de l’État d’exportation lorsque ladite réponse ne comporte pas de renseignements suffisants au sens de l’article 32, paragraphe 6, de ce protocole pour déterminer l’origine réelle des produits. En outre, les autorités douanières de l’État d’importation ne sont pas dans l’obligation de soumettre au comité de coopération douanière instauré par l’article 39 dudit protocole un différend portant sur l’interprétation du champ d’application territorial dudit accord.
Signatures
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