21 février 2010

Georges Frêche a bien sûr trouvé de zélés avocats dans les (fournis) maquis de la Résistance au bien-pensisme, après avoir déclaré que Laurent Fabius avait « une tête pas très catholique ».

Ivan Rioufol, du Figaro et de l’ASAPU [1], s’est par exemple fait un long et goûteux bain de bouche de « la popularité que semble récolter Georges Frêche depuis qu’il a été accusé par le clergé de l’antiracisme d’avoir tenu un propos antisémite contre Laurent Fabius ».

(Personnellement : j’ai de l’admiration, pour cet Ivan qui a le courage un peu fou de fustiger dans Le Figaro, sous le règne d’Éric Besson, le clergé de l’antiracisme.

De même que j’ai de l’admiration (rétrospective) pour qui eut naguère la témérité de fustiger, dans la feue Правда, et sous le règne du grand Сталин, le clergé de l’anticommunisme.

Le mec a des yeuks dont le volume égale au moins celui de celles des toros du marquis d’Albaserrada.)

Jean-François Kahn (connu dans l’ASAPU sous le nom de guerre de JFK) est du même avis que Rioufol, et voudrait, lui aussi, qu’on cesse de faire des procès d’intention à Georges Frêche, bordel, ça commence à bien faire, la tyrannie de la bien-pensance.

Ainsi, quand Georges Frêche observe qu’« il y a neuf Blacks sur onze » joueurs dans l’équipe de France de football, alors que « la normalité serait qu’il y en ait trois ou quatre » (là, oui, d’accord, « ce serait le reflet de la société », mâme Dupont) - précisant que « s’il y en a autant », de ces nègres, « c’est parce que les Blancs sont nuls » au foot ?

C’est pas (du tout) raciste, assure JFK - ou alors si, mais, à bien y réfléchir, c’est du racisme anti-Whites, puisque, mâme Dupont, Georges Frêche nous dit là que les Blancs sont nuls, au foot.

Dans la vraie vie, manifestement : Georges Frêche a de la difficulté à envisager que les Noirs puissent être, en certains endroits sociaux, plus de trois ou quatre sur onze.

De son point de vue : c’est pas normal.

(Un Reunoi, je dis pas.

Deux, ou trois, ou même quatre ?

Passe encore.

Mais cinq Noirs ?

Dans un même groupe de onze individus ?

C’est anormalement trop.

En vérité, je vous le dis : trop de Noirs tuent la normalité.)

Georges Frêche, d’autre part, ne s’émeut jamais, quand les Noirs sont, en certains autres endroits, moins de trois (ou quatre) sur onze - et quand par conséquent la normali-de-mes-deux-té qu’il prétend défendre est quelque peu malmenée, voire franchement fucked up, mais au détriment des Keublas.

Georges Frêche, pour autant qu’on le sache, ne s’est jamais lancé dans une déclamation du style, merde alors, il y a trop de Blancs au Parlement, la normalité serait qu’il y ait quand même des Blackos, dans ces blanches travées nationales.

Quand les sentinelles de la normalité statistique (je pense notamment au fameux commentateur sportif Alain Finkielkraut) font dans le comptage, t’auras noté ?

Ça tombe toujours sur les Noirs.

Jamais sur les Blancs.

Et à mon avis, ça veut confusément dire quelque chose - mais ce minuscule détail, et quelques autres, échappent complètement à JFK.

Le gars n’en démord pas : « Si » la « phrase » de Georges Frêche « sur les footballeurs noirs majoritaires dans les équipes est raciste, alors elle était anti-blancs puisqu’en vérité il déplorait que ceux-ci fussent footballistiquement si médiocres ».

(De même Raymond : si tu excrètes publiquement que les Noirs sont quand même terriblement nombreux sur les trottoirs des boulevards de Ménilmontant et de Belleville ?

C’est pas (du tout) que t’es raciste, mon Raymond.

Only stupid bastards soutiendraient que tu l’es quand même peut-être un peu.

C’est juste que tu déplores, et comme tu as raison, Raymond, que les Blancs soient très nuls, dans l’occupation des sols.

Oublie pas de bien le préciser, la prochaine fois que tu compteras des Noirs : on pourrait, sans quoi, se méprendre.)

Il est vrai : JFK est d’une constance qui force l’admiration, dans sa déploration des ravages que fait dans nos âmes l’immonde pensée unique.

De sorte que si des bien-pensistes, mais que ces gens sont chiants, s’étonnent qu’on fasse tenir le rôle d’Alexandre Dumas père, « qui avait du sang noir dans les veines, comme on dit », par Gérard Depardieu, qui a plutôt les globules blancs ?

JFK s’emporte : c’est une réaction idiote, car « quand une femme noire américaine joua Carmen dans l’opéra de Bizet, la cause de la ségrégation raciale recula - et cela joue dans les deux sens ».

Depardieu, jouant Dumas, fait donc reculer, ne l’a-t-on pas trop tu, la pénible cause de la ségrégation des Blancs, qui en ont un peu marre, et comme on les comprend, d’être esclavagisés.

Quel dommage, hein, que Blondin Eastwood n’ait pas confié à Brice Hortefeux le rôle de Mandela.

Naturellement - et suivant la même logique : Georges Frêche n’est pas (du tout) antisémite, nonobstant qu’il juge que Laurent Fabius a « une tête pas très catholique ».

Allons, allons, qu’allez-vous imaginer là.

En guise de preuve, JFK produit cet argument décisif : « Compte tenu de ses positions systématiquement pro-israéliennes, pro-sionistes, jusqu’à l’excès – la communauté juive locale votant massivement pour lui, contrairement à la communauté musulmane qui a contribué à son échec à la députation -, il est difficile, et même dérisoire, d’utiliser sa lourde saillie anti-Fabius afin de le faire passer pour un antisémite ».

François Rebsamen, qui serait me dit-on quelque chose rue de Solférino (où le Parti « socialiste » a le siège), est du même avis que JFK : « Georges Frêche est tout sauf un antisémite », jure-t-il, et d’ailleurs, « certains lui reprochent » même« ses prises de position pro-Israël et sionistes », alors, hein, faut quand même pas déconner.

Surprise : Georges Frêche, quant à lui, est complètement d’accord avec JFK et François Rebsamen.

Je suis pas antisémite, voyons, assure-t-il (dans un livre dont Marianne publie ce matin (et fort gentiment) les bonnes feuilles), « c’est impossible, voyons », mâme Dupont : « Je suis un des rares au PS à défendre Israël », et d’ailleurs, « les gens connaissent mon attachement à l’État d’Israël ».

Mâme Dupont.

(Si tu veux faire une pose dans ta lecture, c’est maintenant, parce que, j’aime autant que tu le saches : on n’est pas du tout au bout de ce billet.)

Si tu veux bien, laissons temporairement de côté Georges Frêche, que nous retrouverons bientôt, et penchons-nous sur le cas de l’écrivain Renaud Camus.

Le gars, tu sais, qui a dressé naguère, dans un bouquin paru en 1997, sa « petite liste de juifs » que « vraiment » il n’aimait « pas ».

(Je sais pas ton avis, là-dessus, mais pour ce qui me concerne, je dirais que c’est pas tout le monde, qui répertorie des Juifs.

Genre, tiens, et si je comptais combien ils sont, que j’aime pas ?

De mon point de vue : ça témoigne quand même d’une tournure d’esprit assez particulière.)

Trois ans plus tard, dans un autre bouquin paru (donc) en 2000, grosse récidive : le gars juge que les Juifs sont quand même trop nombreux, à certaines heures, à l’antenne de France Culture.

Il trouve ça pénible, tous ces Juifs.

Renaud Camus est avec les Juifs de France Culture exactement comme Georges Frêche est avec les Noirs de l’équipe de France de football (ou comme Brice Hortefeux est avec les Arabo-musulmans) : il trouve que tant qu’il y en a quelques-uns, tout va bien, mais que point trop n’en faut, tout de même - sinon ça devient anormal.

Renaud Camus écrit alors que « les collaborateurs juifs du « Panorama » de France Culture exagèrent un peu tout de même : d’une part ils sont à peu près quatre sur cinq à chaque émission, ou quatre sur six ou cinq sur sept, ce qui, sur un poste national ou presque officiel, constitue une nette surreprésentation d’un groupe ethnique ou religieux donné ; d’autre part, ils font en sorte qu’une émission par semaine au moins soit consacrée à la culture juive, à la religion juive, à des écrivains juifs, à l’État d’Israël et à sa politique, à la vie des juifs en France et de par le monde, aujourd’hui ou à travers les siècles » [2].

Ça pue, hein ?

Mais si j’ouvre maintenant la dernière livraison de la (burlesque) revue Médias, je tombe, aux pages 12 à 19, sur un looooong (et d’un fooooort taux de complaisance) entretien avec Renaud Camus, qui est ainsi présenté : « Il est à l’évidence l’inverse même d’un antisémite ».

Le gars trouve qu’il y a trop de Juifs, certains midis, sur « un poste national » (nul(le) ne sait, d’ailleurs, à quoi il reconnaît un collaborateur juif de France Culture), mais, bien évidemment : il n’est pas du tout antisémite.

Sur quoi se fonde cette affirmation de la revue Médias ?

Cette affirmation de la revue Médias se fonde sur cette affirmation de la revue Médias.

Renaud Camus n’est pas (du tout) antisémite, mâme Dupont : cela se vérifie à ce qu’il n’est pas (du tout) antisémite.

(J’aime, quand l’investigation monte vers de si hauts niveaux de moustachisme.)

Lui-même, d’ailleurs, est d’un avis assez voisin : le « parti de l’In-nocence », qu’il a « créé en 2002 », est, glisse-t-il, « plutôt judéophile et nettement pro-israélien ».

(Que de grâce, dans ces quelques mots...)

Et en réalité : il suffit de lire, d’affilée, trois ou quatre communiqués du parti en question, que ronge une obsession maladive de la « contre-colonisation » de l’Occident par des hordes mahométanes, pour bien assimiler que nous avons là un mec dont les phobies sont les mêmes que celles du Pen - alias « l’homme politique français des trente dernières années qui, globalement, a eu le plus souvent raison ».

(La revue Médias, pudiquement, résume ça comme ça : « Vous ne faites guère assaut de prudence, si l’on en juge ce que vous écrivez sur les Arabes, l’immigration, l’islam » - et prend le gentil soin de ne pas (du tout) livrer à son lectorat le moindre échantillon de la prose camusique.)

Mais en effet : le parti de l’In-nocence publie aussi, en sus de ces prêches, de vigoureux messages de soutien aux forces israéliennes, quand elles font du hachis d’Arabes - c’est toujours ça, n’est-ce pas, qui viendra plus nous contre-coloniser.

Si je résume, nous avons là, d’une part, un Georges Frêche qui trouve que Laurent Fabius a « une tête pas très catholique », mais dont les avocats médiatiques nous assurent qu’il n’est pas (du tout) antisémite, voyons, puisqu’il défend des positions « pro-israéliennes » et « sionistes ».

Puis nous avons un Renaud Camus qui trouve qu’il y a certaines fois trop de Juifs, à l’antenne d’un « poste national », mais dont les avocats médiatiques nous jurent qu’il est tout sauf antisémite, et tiens, d’ailleurs, il a fondé un parti « nettement pro-israélien ».

Puis enfin, nous avons, dans l’air du temps, depuis maintenant pas mal d’années, le fameux théorème de Philippe Val (et de Frédéric Lefebvre, et de bien d’autres hauts penseurs), qui édicte formellement que si tu t’émeus du sort des Palestinien(ne)s, ben t’es « antisioniste », forcément - et que si t’es antisioniste, ben c’est que t’es aussi antisémite, non moins forcément, vu que : « L’antisionisme est bel et bien le faux nez de l’antisémitisme » [3].

Et on savait la fonction d’intimidation d’un tel sophisme, mais plus nouveau est qu’il serve maintenant de justification aux Frêche & Camus de l’époque, et que, s’inversant, il autorise désormais à considérer que si t’es « pro-israélien », t’es forcément pas antisémite : c’est, pour les racistes, une excellente nouvelle.

Notes

[1] Armée secrète against pensée unique

[2] Tu veux une bassine, ou tu as ce qu’il faut ?

[3] Philippe Val, Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, Grasset, 2008.

sources : POLITIS

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