12 février 2010

Tunisie : dérives policières

Incompatibles avec un Etat de droit : Khémaïs CHAMMARI dénonce les dérives policières.



Le mercredi 10 et le jeudi 11 février, j’ai fait l’objet de mesures arbitraires d’ interdiction d’accès aux locaux de deux des trois partis de l’opposition légale non vassalisée. Le mercredi à 13h 45’ devant le local du parti « At-Tajdid » où je m’apprêtais à remettre un article qui doit, en principe, paraitre samedi prochain ; et le jeudi à 17h devant le local du « Parti Démocratique et Progressiste ».

Les protestations et les démarches des dirigeants de ces deux partis n’ont eu pour effet que d’accroitre le nombre de policiers affectés à cette mesure arbitraire qui constitue, une fois de plus, une atteinte intolérable à un de mes droits les plus élémentaires et une inqualifiable limitation aux droits des partis concernés.
Il est d’ailleurs probable que si je m’étais hasardé le mercredi à 16h30’ à me rendre, comme cela était initialement prévu ,au siège d’ « At- Tajdid » à 16h30’ et si un engagement antérieur ne m’avaitpas permis de me rendre le jeudi à 14h30’ au siège du « Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés » ; J’aurais été interdit empêché de me rendre à ces deux rendez- vous ,ainsi que celui du PDP ; des rendez-vous pris publiquement le plus normalement du monde par mon ami Maitre Ayachi Hammami dans le cadre de contacts bilatéraux d’échanges et d’information sur les intentions et les dispositions de ces trois partis légaux en vue des élections municipales du 9 Mai 2010 qui s’annoncent ainsi sous des augures préoccupantes.
Toujours est-il que de la délégation indépendante de quatre membres qui a pris l’initiative de ces contacts exploratoires, seul M° Ayachi Hammami a pu avoir des entretiens avec les trois partis légaux concernés sur leurs stratégies électorales et les possibilités d’initier ,à l’occasion de ces « élections » ( dont les résultats risquent par avance d’être pipés), une dynamique d’intervention unitaire susceptible de contribuer à l’émergence d’un mouvement citoyen pour un changement véritable.

La réponse arbitraire et policière à cette tentative de concertation avec les partis légaux confirme d’ores et déjà ,et malheureusement, les intentions du pouvoir de continuer à bâillonner et à marginaliser l’opposition réellement contestatrice afin de procéder, à nouveau, à un simulacre électoral au terme duquel il répartira la quasi totalité des 25% des sièges des conseillers municipaux « réservés » aux « opposants » entre les cinq listes de l’opposition vassalisée et quelques listes locales de faux indépendants !
Une nouvelle occasion d’en finir avec les faux semblants et les farces électorales risque , bel et bien, d’être manquée.

En attendant, les mesures arbitraires dont j’ai fait l’objet- et que je dénonce avec vigueur- reposent avec acuité la question essentielle du droit au libre accès à nos domiciles, à nos bureaux et aux sièges des associations et des partis légaux ainsi que notre droit élémentaire à la liberté de circulation dans notre pays et pour le quitter dans des conditions légales .
* Plusieurs dizaines d’ opposants et/ou d’animateurs associatifs subissent ainsi une quasi assignation à résidence aussi arbitraire que perverse qui se traduit par un contrôle policier systématique de leurs domiciles et/ou de leurs bureaux. Je fais l’objet, pour ma part, depuis le mois d’avril 2009 d’une « surveillance » de ce type avec l’impossibilité qui m’est faite de recevoir, hors des membres de ma famille , deux personnes à la fois ( !!) et l’interdiction faite à six personnes d’accéder à mon domicile ( M° Radhia Nasraoui, Mme Sihem Ben Sedrine aujourd’hui à l’étranger et objet d’une campagne de calomnies sans précédent, Omar Mestiri , son mari, Slim Boukhdhir, Ali Laaridh et Zyad Doulatli). Ma femme, avocate, en subit encore plus injustement les conséquences au niveau de notre vie familiale et sociale.
* Trois partis légaux et les locaux de quatre associations sont ainsi soumis à ce type de contrôle sélectif, arbitraire et illégal.
* Une quarantaine de militants font par ailleurs l’objet de filatures systématiques ostensibles voire « collantes » et une vingtaine de « politiques » sont confrontés , dans les aéroports et les ports, à la fameuse procédure « A 6 » de fouille systématique et poussée . J’y ai été, pour ma part, confronté depuis seize mois et j’ai accueilli avec soulagement le fait de ne pas y avoir été astreint lors de mon dernier retour du Maroc et d’Europe le « Février 2010.

De même ai-je pris acte positivement des conditions de renouvellement de mon passeport déposé le 4 Février à l’expiration de son délai de validité et renouvelé pour cinq ans le 9 Février. Aussi ai-je trouvé encore plus incompréhensible, extravagant et inadmissible les mesures policières prises à mon encontre le 10 et le 11 Février.

Ces manies répressives et cet arbitraire policier au quotidien, qui nous sont illégalement imposés entravant l’exercice de certains de nos droits les plus élémentaires, doivent cesser. J’ai, pour ma part, porté plainte à deux reprises – mais en vain- auprès du Procureur de la République dont le Premier substitut m’a convoqué, pour m’entendre, une seule fois sans qu’aucune suite ne soit donnée à mes plaintes. Je compte donc, pour épuiser toutes les voies de recours internes, me pourvoir auprès du Tribunal administratif pour abus de pouvoir du ministre de l’intérieur et j’appelle l’ensemble des associations non gouvernementales légales et des partis légaux de l’opposition démocratique à faire de la question du droit au libre accès à leurs locaux , à nos domiciles et à nos bureaux le thème d’une action unitaire la plus large possible pour les prochaines semaines .

Tunis le 11 Février 2010-02-11
Khémaïs CHAMMARI

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