Le Mossad sur la sellette
jeudi 18 février 2010 - 09h:34
Serge Dumont - Le Temps
« Il faut créer une commission d’enquête pour clarifier la situation et le plus rapidement possible. » A l’instar du député d’opposition Israël Hasson (un ancien numéro deux de la Sûreté générale passé à la politique), plusieurs éditorialistes de la presse israélienne exigent des explications circonstanciées sur la « liquidation » à Dubaï du responsable de la branche logistique du Hamas, Mahmoud al-Mahbouh, et sur l’implication alléguée du Mossad (les renseignements extérieurs) dans cette affaire.
L’assassinat d’Al-Mahbouh s’est produit le 20 janvier dans une chambre d’un palace de Dubaï, mais il a été découvert neuf jours plus tard. Grâce au réseau de caméras vidéo couvrant l’émirat ainsi qu’à la collaboration des services égyptiens, syriens et jordaniens, la police locale a pu déterminer que le commando de tueurs comptait 17 personnes dont une femme. Celles-ci détenaient des passeports trafiqués d’origine britannique, irlandaise, allemande et française.
L’aval de Netanyahou ?
Quelques heures après la diffusion des photos et de l’identité des tueurs présumés, Londres, Dublin et Paris ont confirmé que les passeports étaient vrais, mais que les photos y figurant ne correspondaient pas à celles des détenteurs authentiques des documents. En outre, six ressortissants israéliens disposant également de la nationalité britannique ont découvert que leur identité avait été utilisée à leur insu par les tueurs. Ce qui leur vaut désormais d’être recherchés dans le monde entier par Interpol à la demande de Dubaï.
Si l’assassinat de Mahmoud al-Mahbouh avait été salué par l’opinion israélienne, les méthodes opérationnelles du Mossad - et surtout le vol de certaines identités - le sont beaucoup moins. Au point que l’éditorialiste du quotidien Haaretz, Amos Oren, a réclamé la démission du patron du Mossad, Meïr Dagan (LT du 16.02.2010).
Dans la foulée, plusieurs chroniqueurs rappellent qu’une opération de l’ampleur de celle de Dubaï n’a pas pu être déclenchée sans l’accord du premier ministre Benyamin Netanyahou, qui devra lui aussi rendre des comptes si une commission d’enquête est constituée.
Méthodes « inadmissibles »
Pour l’heure, l’establishment fait corps avec Meïr Dagan. « Il n’y a pas de raison de penser que le Mossad ou un autre service de renseignement israélien s’est méconduit », a ainsi asséné le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. A l’en croire, son pays « ne s’attend pas » non plus à une crise diplomatique avec les pays émetteurs des passeports incriminés.
Contacté par téléphone, Paul Kelly, l’un des six Britanniques dont l’identité a été utilisée à Dubaï, dénonce en tout cas ces méthodes « inadmissibles ». Et d’ajouter : « J’ai peur pour ma famille et je n’oserai plus me rendre à l’étranger, car j’ai une étiquette d’espion collée dans le dos. Qui a transmis mes données biographiques à des inconnus ? J’exige des réponses. » Installé dans un kibboutz, ce petit entrepreneur a en tout cas engagé un avocat chargé de porter plainte contre X. Il s’est également rendu au consulat britannique afin d’y faire enregistrer une déclaration sur l’honneur.
Quant aux diplomates britanniques en poste en Israël, ils confirment que Gordon Brown a ordonné l’ouverture d’une enquête sur l’affaire. Ils rappellent qu’à la fin des années 1980, à l’occasion d’une autre affaire, les autorités israéliennes s’étaient déjà engagées à interdire l’usage de documents d’identité britanniques par leurs services de renseignement. Vingt-trois ans plus tard, la promesse semble avoir été oubliée.
Voir sur ce sujet :
La police de Dubaï communique les noms et les photos des criminels du Mossad - Kawther Salam
Israël lance ses escadrons de la mort sur tout le Moyen-Orient - Al-Manar
Hamas : interview de Mahmoud al-Mabhouh - Al Jazeera
Des assassins du Mossad munis de passeports allemands ? - Kawther Salam
L’Union Européenne aide-t-elle le Mossad à commettre ses crimes ? - Kawther Salam
18 février 2010 - Le Temps
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