Dreyfus, les Protocoles et Goldstone
mercredi 17 février 2010 - 06h:53
Gilad Atzmon
Le rabbin Shmully Hecht, de l’association juive de l’Université de Yale, donne à tous ceux qui ne sont pas encore convaincus du nationalisme juif et de l’abus violent fait de la culture universitaire américaine (faite de tolérance, de franchises universitaires, de pluralisme, etc.) par les sionistes une opportunité rare de voir le problème dans toute son ampleur.
La semaine dernière, le rabbin Hecht s’est en effet affronté au Juge Goldstone tandis que celui-ci donnait une conférence à l’Université Yale. Le rabbin Hecht et ses séides ont déroulé au fond de la salle de conférence un calicot établissant un signe d’égalité entre le rapport Goldstone, d’un côté, et les Protocoles des Sages de Sion et l’affaire Dreyfus, de l’autre.
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Pendant quelque temps, l’affaire Dreyfus et les Protocoles ont été des outils de propagande sioniste particulièrement efficaces, utilisés principalement pour étouffer toute critique à l’encontre du pouvoir juif, du lobbying juif et d’Israël. Toutefois, le temps est venu de regarder la vérité en face.
L’affaire Dreyfus fut un scandale politique qui divisa la France dans les années 1880 et ce, jusqu’au début des années 1900. Ce scandale impliquait la condamnation pour trahison, en 1894, du capitaine Alfred Dreyfus, un officier d’artillerie français d’origine juive. L’affaire Dreyfus eut un impact énorme sur Herzl, le père du sionisme, qui fut chargé par un quotidien autrichien de couvrir le procès. Peu après (en 1896), Herzl écrivit son Der Judenstaat [L’Etat des juifs] et il fonda l’Organisation sioniste mondiale.
Tout au long du vingtième siècle, les sionistes virent dans l’affaire Dreyfus un cas exemplaire d’antisémitisme motivé par une discrimination raciale. De fait, les sionistes se trompaient. Durant un siècle, ils se sont trompés eux-mêmes, et ils ont trompé autrui. La société française de l’époque était divisée, à propos du procès Dreyfus. La gauche et l’intelligentsia se précipitèrent au soutien du jeune officier, ce qui entraîna, finalement, un deuxième procès. Dreyfus fut innocenté, et il fut réintégré dans l’armée française, dans son grade (de major) en 1906.
Toutefois, le cas de Goldstone est totalement différent. Les images des bombes au phosphore de l’armée israélienne explosant au-dessus des abris de réfugiés de l’Onu sont gravées dans nos mémoires. Et au cas où cela ne suffirait pas, le déni initial par les Israéliens du fait qu’ils avaient utilisé des bombes au phosphore blanc est, lui aussi, stocké dans nos mémoires. La conscience qu’Israël a perpétré un massacre en pleine lumière n’est pas près d’être gommée, elle non plus.
Contrairement à une France divisée qui n’est pas parvenue à trancher au sujet de l’innocence ou de la culpabilité de Dreyfus, nous ne sommes pas divisés du tout : nous savons qu’Israël est un Etat criminel et qu’il représente la plus grande menace pour la paix mondiale. La répulsion à l’égard d’Israël et de sa brutalité est, de fait, un facteur d’unification croissante chez les humanistes, les amoureux de la paix et les citoyens du vaste monde, de manière générale.
Israël ne sera pas amnistié et, étant donné qu’il se définit lui-même comme l’Etat juif, ses crimes se reflètent de manière désastreuse sur les juifs en tant que collectivité, et c’est là quelque chose auquel même la poignée de militants antisionistes juifs que compte le monde ne pourra rien changer. D’un point de vue historique, il est évident qu’Israël a réussi d’une manière éclatante à épuiser les dernières gouttes de sympathie qui subsistaient à l’égard de l’idée d’un nationalisme juif. Comme de juste, pas un seul humaniste ne s’oppose au juge Goldstone, ni, encore moins, à son rapport particulièrement équilibré.
Mais il faut que la vérité soit dite. Autant les humanistes sont unis à soutenir le rapport Goldstone, autant nos dirigeants démocratiquement élus refusent de se confronter à Israël et à ses lobbies juifs. Ils se précipitent pour rechercher l’apaisement avec l’AIPAC et ils empochent le fric que leur refilent les seigneurs du sionisme et les lobbies israéliens.
De manière frappante, les conditions politiques morbides que nous connaissons actuellement avaient été décrites par un texte fictionnel sortant de l’ordinaire, qui avait été publié en 1903, j’ai nommé Les Protocoles des Sages de Sion.
Les Protocoles sont largement considérés être un faux. Il s’agit d’un manuel s’adressant à un éventuel nouveau membre des « Sages », qui décrit la manière dont ceux-ci entendent gouverner le monde via le contrôle des médias et de la finance, en substituant à l’ordre social traditionnel un nouvel ordre social, fondé sur la manipulation des masses. Bien que cet ouvrage soit considéré être un faux par la plupart des experts, et considéré comme un vil pamphlet antisémite, il est impossible d’en ignorer les qualités prophétiques et sa capacité à décrire à la fois le siècle dans son déroulement et la réalité politique dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Je fais ici allusion à l’Aipac, à la crise financière, à Lehman Brothers, aux guerres des néocons, à l’idéologie interventionniste, à ce ministre britannique des Affaires étrangère répertorié en tant qu’auteur de propagande israélienne (Hasbara) et tentant de modifier les prises de position étiques de la Grande-Bretagne, à ce sioniste déclaré désigné à la tête d’un panel d’investigation chargé de découvrir les raisons pour lesquelles la Grande-Bretagne a mené une guerre sioniste par procuration, etc.
Comme par hasard, des sionistes invétérés tels que David Aaronovitch, Nick Cohen et Alan Dershowitz recourent à une propagande tout à fait banale pour détourner l’attention de la réalité prophétique dévastatrice que décrivent les Protocoles. Une réalité dans laquelle ils se font eux-mêmes les promoteurs de guerres interventionnistes, dans nos pays. Inlassablement, ils soulignent le fait que les Protocoles sont inauthentiques. Ils insistent pour que nous en étudiions la source antisémite tout en faisant l’impasse la plus totale sur leur contenu et leur signification.
Toutefois, que les Protocoles soient ou non un texte fictionnel ou un faux ne change strictement au fait que ce document jette une lumière révélatrice sur notre désastreuse réalité contemporaine. Une réalité dans laquelle nous sommes en train de tuer en masse les ennemis d’Israël « au nom de la démocratie », une réalité dans laquelle Dershowitz déploie en personne des efforts énormes pour nettoyer le milieu universitaire de toutes les voix critiquant Israël, le sionisme et le pouvoir juif en Amérique et, plus généralement, en Occident.
C’est précisément là le point où Goldstone entre en scène. Durant le siècle passé, nous avons assisté à un mouvement nationaliste juif meurtrier en pleine évolution. Un mouvement né en partie d’une mauvaise interprétation délibérée de l’affaire Dreyfus. Durant un siècle, le mouvement sioniste a réussi à réduire au silence ses détracteurs en recourant à diverses tactiques qui, toutes, ont été explorées, dans ce texte de fiction remontant à 1903.
Le sionisme a eu un succès éclatant : il a réussi à mûrir jusqu’au point de produire un Etat, aux dépens du peuple palestinien. Ce n’est qu’au travers de méthodes expansionnistes violentes, incluant des massacres et une épuration ethnique estampillée au coin du racisme que les sionistes et Israël ont réussi à satisfaire ce qu’ils qualifient d’aspiration nationale juive. Mais comme le révèle Goldstone, cette aspiration a donné naissance à un Etat criminel qui ne cesse de terroriser sa population indigène et de menacer ses voisins.
Si nous voulons, un jour, amender la réalité dans laquelle nous vivons, nous devons mettre un coup d’arrêt aux menées des agents sionistes parmi nous, au gouvernement, dans le monde politique, dans les médias, dans les universités, dans la finance et dans le système juridique. Je ne parle pas ici des juifs, mais bien des sionistes, c’est-à-dire de gens voués à un intérêt tribal spécifique et aliène, qui est contraire à l’universalisme, à l’éthique et à l’humanisme. Si nous ne le faisons pas, nous risquons fort d’être confrontés très vite à un autre rapport Goldstone chargé d’investiguer sur un crime sioniste contre l’humanité encore plus horrible.
Si nous voulons aider les Israéliens et les nationalistes juifs à sortir de leur rêve nationaliste fanatique et raciste, nous devons les convaincre que le rapport Goldstone est leur nouvelle Bible, s’agissant d’un catalogue up-to-date de leur scission d’avec l’humanité.
* Gilad Atzmon est écrivain et musicien de jazz, il vit à Londres. Son dernier CD : In Loving Memory of America.
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13 février 2010 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.gilad.co.uk/writings/dre...
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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