13 février 2010

la controverse à propos d'un portrait de Pétain dans une mairie

Marc Thibodeau
La Presse

(Paris) Le portrait du maréchal Philippe Pétain, qui a dirigé le gouvernement collaborationniste de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale, peut-il orner les murs d'une mairie française?


C'est l'épineuse question que devra trancher sous peu un tribunal administratif du nord du pays pour régler un conflit entre une petite commune normande, Gonneville-sur- Mer, et le préfet de la région du Calvados, Christian Leyrit.

Le 21 janvier, ce dernier a demandé «fermement» par lettre au maire de la commune, Bernard Hoyé, de retirer le portrait du général de la salle des cérémonies, où il se trouve depuis des décennies parmi une série de portraits officiels de chefs d'État français.

Le préfet, alerté à l'automne de la situation par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), a relevé que Philippe Pétain «n'a jamais été président de la République» et qu'il a été condamné à mort après la guerre pour «haute trahison». Cette peine a finalement été commuée en prison à perpétuité par Charles de Gaulle.

Déportés par la France

«Ensuite, il n'est point besoin d'insister sur les agissements de cette autorité de fait (...) qui ont permis ou facilité la déportation à partir de la France de personnes victimes de persécutions antisémites», a précisé le préfet en référence aux milliers de Juifs français déportés vers les camps de concentration durant la guerre, avec l'aide de la police nationale.

Loin de se montrer intimidé, le maire de la commune a convoqué une réunion des conseillers pour décider de la marche à suivre face à la sommation préfectorale. Il a ensuite fait savoir que le portrait demeurerait «en l'état» jusqu'à ce qu'une action juridique soit entreprise pour amener un tribunal à trancher le litige.

Il ne s'agit aucunement de chercher à réhabiliter Philippe Pétain, affirme l'élu municipal, qui refuse d'accorder d'autres entrevues au sujet de la polémique. «Qu'on le veuille ou non, Pétain appartient à notre passé. Avec le genre de raisonnement de la LICRA, pourquoi ne pas le supprimer des encyclopédies et des manuels d'histoire?» a-t-il dit à la mi-janvier dans un entretien au site web du Monde.

L'organisation antiraciste croit pour sa part que le portrait du chef du régime de Vichy «porte atteinte au respect de la mémoire des victimes et de leurs familles qui ont eu à souffrir des décisions» de ce régime.

Déshonneur de la collaboration

L'avocat de la LICRA, Daniel-Charles Badache, est d'avis que la commune contrevient au droit constitutionnel en affichant un portrait du maréchal Pétain dans un établissement symbolisant la République de France.

L'avocat de la LICRA est doublement concerné par l'affaire puisque son père, juif lituanien arrivé en France dans les années 30, a été déporté vers les camps de concentration après avoir participé à un attentat contre un convoi ferroviaire allemand. «Il a été arrêté par la police française», souligne-t-il.

Cyberpresse

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