Pour Carlos, Canal+ est « pilotée » par ses ennemis
La chaîne présente lundi un « biopic » d'Assayas sur Ilitch Ramírez Sánchez, qui voulait un droit de regard. Il a été débouté.
Attention, ceci n'est pas l'épilogue d'un roman d'espionnage, mais le résumé d'une controverse judiciaire bien réelle : depuis la cellule de Clairvaux où il est enfermé depuis seize ans, le terroriste vénézuélien Ilitch Ramírez Sánchez, dit Carlos ou « le Chacal », tente en vain d'obtenir un droit de regard sur un film que Canal+ a tourné sur sa vie.
Même s'il a été débouté la semaine dernière de sa demande, l'ex-« plus grand terroriste du monde » (détrôné dans l'imaginaire collectif par Oussama Ben Laden) continue d'accuser, par le biais de son avocate et épouse, la chaîne d'être « pilotée » par ses ennemis, mais aussi de « faire du fric » sur son dos.
Lundi, mercredi et jeudi prochains, Canal+ organise des projections presse de ce film en trois volets réalisé par Olivier Assayas et coécrit avec Dan Franck. Soit un peu plus de sept heures, avec pause-déjeuner. Hors de question d'envoyer des DVD aux journalistes, de peur des fuites. La chaîne tient à ce qu'il soit diffusé en mai, comme prévu.
Pour Canal+, Carlos est « un véritable mythe »
Carlos, 60 ans, est un « véritable mythe », selon ce qu'écrit Canal+ dans sa plaquette promotionnelle. Avant Assayas, Robert Ludlum, Tom Clancy ou Barbet Schroeder, notamment, l'ont évoqué dans des fictions.
Terroriste le plus emblématique de la fin du XXe siècle, Carlos a organisé des opérations pour différents groupes d'inspiration marxiste, avec une dominante anti-sioniste et pro-palestinienne. Il est notamment tenu pour responsable de la prise d'otage des ministres de l'Opep à Vienne en 1975 et de l'attentat de la rue Marbeuf à Paris en 1982 (un mort, 63 blessés).
En 1994, ce mercenaire de la terreur connu pour ses talents de caméléon est capturé au Soudan par la DST française, alors qu'il est endormi avant une opération de chirurgie esthétique. Il purge depuis une condamnation à perpétuité pour le meurtre de deux agents de la DST et de leur informateur, en 1975.
Canal+ « fait son procès, mais sans les droits de la défense »
Il a depuis épousé Me Isabelle Coutant-Peyre, son avocate (avec Jacques Vergès). « Canal+ veut faire le procès de Carlos en le privant des droits de la défense », accuse Me Coutant-Peyre, qui considère aussi que « depuis son enlèvement en 1994, la loi française ne s'applique jamais pour lui » :
« Pour lui, ce film est piloté par les intérêts de ses adversaires, les Etats-Unis, certains services israéliens, mais pas la France qui n'est qu'une affidée.
Il est destiné aux opinions publiques, la dimension politique de son engagement est enlevée. »
Pas plus que Carlos, son épouse n'a vu le film, et pour cause. Mais au vu de documents fournis par la partie adverse lors des précédentes audiences, elle affirme que « le conseiller historique du film a eu accès au dossier d'instruction » sur des attentats pour lesquels le terroriste sera jugé en 2011.
Joint par Rue89 aux Etats-Unis, le conseiller en question, Stephen Smith (ex-journaliste à Libération et au Monde, aujourd'hui professeur à Duke University), s'est refusé à tout commentaire.
Pour l'avocat du producteur, « ils sont paranoïaques »
L'avocate de Carlos affirme aussi que Canal+ a prévendu le film « entre 15 et 18 millions d'euros » aux Etats-Unis, ce que la chaîne se refuse à confirmer. « Ce sont des boutiquiers qui se font du fric sur le dos de Carlos pour se le mettre dans les poches », assène-t-elle.
Me Richard Malka, l'avocat de la société productrice du film, Films en Stock, balaie les arguments de Carlos :
« C'est délirant, ils sont paranoïaques, mais ce n'est pas une surprise. C'est un film sur un personnage qui a marqué l'histoire contemporaine, qui a tout inventé ou presque du terrorisme moderne, sa médiatisation, les détournements d'avions…
Carlos est donc un sujet on ne peut plus légitime et, qui plus est, romanesque. »
L'avocat ajoute que « Carlos a lui-même revendiqué des attentats ».
Ilitch Ramírez Sánchez, dont le personnage est campé par son compatriote Edgar Ramírez, donne aussi cette surprenante définition du terrorisme, dans son autobiographie publiée en 2004 :
« Le terrorisme, cela va vous surprendre, est une sorte d'hymne à l'humain parce qu'il replace l'homme de chair et de sang au centre de la bataille. »
Photo : Ilitch Ramírez Sánchez au procès de son complice Hans-Joachim Klein à Paris, en novembre 2000 (Reuters TV/Reuters)
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