07 juillet 2010

La Cour suprême US : toute aide non violente à des groupes terroristes équivaut à du « terrorisme »

lundi 5 juillet 2010 - 16h:24

Chris McGreal - The Guardian


Cette décision signifie que les citoyens peuvent être poursuivis pour avoir offert une aide de quelque nature que ce soit à des organisations dites terroristes.

(JPG) La Cour suprême des Etats-Unis a confirmé les dispositions d’une loi de grande portée qui dispose que les citoyens états-uniens dispensant des conseils à des organisations interdites, notamment une assistance juridique et des informations sur la résolution d’un conflit, seront poursuivis en justice en tant que terroristes.

L’affaire jugée était celle de conseils relatifs aux droits humains dispensés par un groupe californien à des organisations kurdes et tamoules qui sont sur la liste des groupes terroristes aux Etats-Unis.

La Cour suprême a confirmé l’argument de l’administration Obama qui soutenait que même les conseils destinés à servir des objectifs pacifiques équivalaient à un « soutien matériel » au terrorisme.

Cela inclut par exemple le cas d’un avocat qui soumet une argumentation d’Ami de la Cour [non partie à l’affaire mais intéressé par la question en jeu - ndt] au nom d’un groupe interdit ou qui aide une organisation proscrite à adresser des pétitions à des organismes internationaux afin de mettre fin à un conflit violent.

« La Cour suprême a jugé que les défenseurs des droits de l’homme qui apportent une formation et une assistance dans le but d’une résolution non violente à des conflits peuvent être poursuivis en justice en tant que terroristes » selon David Cole, professeur de droit à l’université de Georgetown, qui a plaidé le dossier des défendeurs devant la Cour [l’appelant étant le gouvernement US - ndt].

« Au nom de la lutte contre le terrorisme, la Cour a déclaré que le Premier amendement (sur la liberté d’expression) permettait au Congrès de dire qu’il y a crime quand on œuvre pour la paix et les droits humains. A tort. »

La décision va probablement compliquer encore plus la tâche des militants qui soutiennent des causes controversées et qui ont déjà connu des poursuites judiciaires extrêmement discutables pour d’autres formes de soutien, telle que la collecte de fonds.

Des militants palestiniens ont déjà été poursuivis et emprisonnés pour avoir collecté de l’argent destiné à des groupes sociaux qui s’occupent par exemple de logement, d’aide sociale, et qui ont des liens avec le Hamas qui gouverne Gaza.

Les personnes et les groupes qui apportent des conseils de spécialistes, juridiques ou autres, à de telles organisations sont désormais exposés ouvertement à des poursuites judiciaires.

La décision en question concernait le Projet juridique humanitaire, de Los Angeles, qui dispense une formation sur les droits de l’homme au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Il a fait valoir pour sa défense que l’assistance était de nature non violente et qu’elle ne servait pas les objectifs du PKK.

L’un des défendeurs, Ralph Fertig, est avocat retraité et avait voulu aider le PKK en attirant l’attention des instances internationales sur les droits des Kurdes.

Le gouvernement US a déclaré de son côté qu’il considérait cela comme un soutien au terrorisme. Il a soutenu que Fertig était libre de parler en faveur des objectifs du PKK, mais qu’il ne pouvait pas lui donner ses conseils.

Le Parti des travailleurs du Kurdistan est l’une des quelque 30 organisations listées comme organisations terroristes par le gouvernement US. Il y a encore le Hamas, le Hezbollah et les Khmers rouges.

Une première instance avait déclaré la loi non applicable car imprécise et ce, sans aucune réserve.

Mais, sur recours, par une majorité de 6 contre 3, la Cour suprême a jugé que le gouvernement avait le droit d’ « interdire tout apport de soutien matériel sous forme de formations, de conseils par des spécialistes, de personnels et de services à des groupes terroristes étrangers, même si les militants ne visaient qu’un soutien à des groupes ayant des "fins non violentes" ».

Le président de la Cour suprême, John Roberts, a déclaré : « Au fond, les défendeurs sont seulement en désaccord avec l’avis concerné du Congrès et de l’Exécutif selon lequel fournir un soutien matériel à une organisation étrangère désignée comme terroriste - même un soutien apparemment bénin - renforce les activités terroristes de ladite organisation. »

Pour les juges de première instance, cette décision « prive les personnes pour lesquelles nous sommes saisis de la protection assurée par le Premier amendement. »

A l’audience, les juges avaient discuté pour savoir ce qu’on entendait par conseils de spécialistes et si c’était un crime d’apprendre à un terroriste à jouer de l’harmonica.

Le dossier du gouvernement a été défendu devant la Cour en février par Elena Kagan, laquelle a été depuis désignée par l’administration Obama comme membre de la Cour suprême.

Son argument devant la Cour : « Le Hezbollah fabrique des bombes. Le Hezbollah construit aussi des maisons. Ce que le Congrès a décidé, c’est que lorsque vous aidez le Hezbollah à construire des maisons, vous aidez aussi le Hezbollah à construire des bombes. C’est toute la théorie que recouvre le texte de loi, ».


Du même auteur :

- Pourquoi Israël est allé faire la guerre dans Gaza - The Observer
- Racisme en Israël - The Guardian

Washington, le 21 juin 2010 - The Guardian - traduction : JPP

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