07 juillet 2010

Le « plan de paix » de Lieberman : priver les Palestiniens de leur citoyenneté !

samedi 3 juillet 2010

Jonathan Cook


Avigor Lieberman milite pour que soit retirée la nationalité israélienne à l’importante minorité palestinienne du pays, qu’il veut voir expulsée hors des frontières d’Israël, écrit Jonathan Cook.

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8 mai 2008 : 5 000 Palestiniens participent à une manifestation à Saffouri, dans le nord d’Israël, pour commémorer le 60e anniversaire de la Nakba - Photo : Activestill.org

Avigdor Lieberman, le ministre israélien des affaires étrangères issu de l’extrême droite, a exposé la semaine dernière ce qu’il appelle « le projet pour la résolution du conflit » avec les Palestiniens, qui implique la perte de nationalité de la vaste minorité palestinienne du pays et son expulsion hors des futures frontières d’Israël.

Avertissant qu’Israël est soumis à une pression diplomatique croissante pour un retrait complet des territoires occupés, jusqu’aux frontières de 1967, Lieberman a estimé que si une telle partition avait lieu, « le conflit passera inévitablement les frontières et entrera dans Israël ».

Il accuse la plupart des 1,3 millions de citoyens palestiniens vivant en Israël d’agir contre Israël pendant que leurs leaders « soutiennent activement ceux qui veulent la destruction de l’Etat hébreu ». Lieberman, du parti de Yisrrael Bejteinu, a fait campagne lors des élections l’année dernière pour une formule « Pas de loyauté, pas de citoyenneté » et a proposé l’année dernière un tas de lois de « fidélité » visant la minorité palestinienne.

Une vraie paix, déclare le ministre des affaires étrangères, ne viendrait qu’avec des échanges de terres, ou « un échange de territoires habités pour créer deux Etats homogènes, un juif israélien et l’autre arabo-palestinien ». Il ajoute que dans ce projet « les Arabes qui vivaient en Israël recevraient la nationalité palestinienne ».

Exceptionnellement, Lieberman qui est aussi vice premier ministre, a présenté son projet dans une chronique au quotidien anglophone Jérusalem Post, apparemment pour provoquer un impact maximal dans la communauté internationale.

Il a souvent parlé dans le passé de dessiner les frontières dans le but de forcer la communauté palestinienne d’Israël à rejoindre les implantations juives de Cisjordanie.

Mais sous les ordres du premier ministre Benjamin Netanyahu, il a continué à faire profil bas sur les grandes questions du conflit depuis sa nomination controversée à la tête du ministère des affaires étrangères il y a plus d’un an.

Début 2009, Lieberman qui vit à Nokdim, territoire occupé de Cisjordanie, a contrarié ses propres partisans en défendant la création d’ « un Etat palestinien viable », même s’ il s’est bien gardé d’évoquer ce qu’il exigerait en pratique.

Le retour du projet de « transfert de population » de Lieberman - une idée qu’il a dévoilée il y a six ans - survient alors que les dirigeants israéliens ont réalisés qu’ils souffraient d’un « isolement sans précédent », selon l’analyste israélien Michael Warschawski.

Le gouvernement de Netanyahu ne manifeste pratiquement plus d’intérêt pour que les Etats-Unis mènent des « négociations de proximité » avec les Palestiniens, après l’hostilité de l’opinion publique suite à l’attaque sur Gaza il y a un an et demi et l’attaque de la flottille pour Gaza qui a causé la mort de neuf personnes le mois dernier.

Les relations qu’entretient Israël avec la communauté internationale risquent de se détériorer encore plus à la fin de l’été lorsque le [soit-disant - N.d.T] gel de 10 mois de la colonisation en Cisjordanie va s’arrêter. La semaine dernière, Netanyahu a refusé de répondre aux questions sur le gel, après un vote par le comité central du parti Likoud qui soutient un renouvellement des constructions d’habitations dans les territoires occupés fin septembre.

D’autres soucis diplomatiques s’ajoutent pour Israël avec le retour du rapport Goldstone - qui établit qu’Israël a commis des crimes de guerre durant l’opération Plomb Durci - à l’assemblée générale des Nations Unies fin juillet, et l’attribution à la Turquie de la présidence tournante du Conseil de Sécurité en septembre.

Warschawski, chercheur pour le Centre d’Informations Alternatives, une organisation israélo-palestinienne, dit que, devant ces crises, l’élite politique d’Israël s’est divisée en deux camps.

La majorité, Lieberman inclus, croyait qu’Israël devait « frapper un grand coup » avec ses politiques unilatérales à l’encontre des Palestiniens et refuser d’engager le processus de paix, le tout sans tenir compte des probables répercussions internationales.

« L’élite dirigeante d’Israël sait que la seule solution pour arriver à un conflit acceptable pour la communauté internationale est la fin de l’occupation en dehors des paramètres établis par Clinton », a-t-il dit, faisant référence à une solution à deux Etats évoquée fin 2000 par l’ancien président américain Bill Clinton.

« Pas un d’entre eux, ni même Ehud Barak (ministre de la défense et leader du parti travailliste au centre), n’est prêt à accepter cela comme base de négociations. » D’un autre coté, Tzipi Livni, présidente du parti d’opposition Kadima au centre-droit, selon Warschawski, voulait calmer au possible l’impact international en engageant des négociations directes avec le leader palestinien Mahmoud Abbas en Cisjordanie.

Le commentaire de Lieberman a été fait un jour après qu’il a déclaré à Livni qu’elle ne pourrait rejoindre le gouvernement que si elle acceptait « le principe de transfert de population comme la seule solution à la question palestinienne, et si elle renonçait à céder des terres pour la paix. »

Lieberman est conscient du fait que Netanyahu puisse utiliser Livni pour un gouvernement d’unité nationale pour calmer les Etats-Unis et légitimer sa coalition. Le parti travailliste a menacé de quitter le gouvernement si Kadima (Cf. le parti de Livni) ne le rejoignait pas courant fin septembre, et on annonce que Livni veut le ministère des affaires étrangères.

Le poste de Lieberman est en plus grandement menacé par des affaires de corruption.

Cependant, il souhaite visiblement prendre des initiatives vis-à-vis de Washington et de Livni avec son « plan de paix ». Un conseiller anonyme de Lieberman a dit au Jérusalem Post que, avec un vide dans le processus diplomatique, le ministre des affaires étrangères « pense qu’il peut convaincre le gouvernement d’adopter son plan. » Toutefois, Warschawski estime qu’il y avait quelques indices que Netanyahu voulait être impliqué dans n’importe quel processus de paix, même celui de Lieberman.

La semaine dernière, Uzi Arad, qui est, dans l’ombre, conseiller de sécurité nationale du gouvernement et un confident de longue date de Netanyahu, a fait une rare apparition publique à un meeting de l’Agence Juive à Jérusalem pour accuser Livni « d’aventurisme politique » et de croire à une « magique » solution à deux Etats. Faisant apparemment référence à la propre opinion de Netanyahu, il a déclaré : « Plus vous parlez de légitimité palestinienne, plus vous vous attaquez à la légitimité qu’Israël a sur certains domaines. [Les Palestiniens] gagnent en légitimité, et nous, nous sommes en train de nous délégitimer. »

Warschawski doute que Lieberman puisse croire que son plan de transfert de population pourrait être mis en place, mais il l’évoquerait quand même principalement dans le but d’égratigner la situation des citoyens palestiniens d’Israël tout en faisant la promotion de ses propres ambitions politiques.

Dans son discours, Lieberman a déclaré que le plan de paix de la communauté internationale mènerait à « la solution d’une seule nation divisée en deux moitiés » : « Un Etat palestinien pur et homogène, » dont les colons juifs seraient expulsés, et « un Etat binational en Israël, » qui inclue la présence de citoyens palestiniens.

Des Palestiniens, dans leurs territoires et dans celui d’Israël, selon lui, pourraient « continuer à inciter à la haine d’Israël, encourager les assassinats, stigmatiser Israël pendant les conseils internationaux, boycotter les produits israéliens et organiser des offensives légales contre les officiels israéliens. »

Il ajoute que le droit international sanctionne la partition de territoire dans lequel les communautés ethniques étaient séparées en différents Etats, en référence au cas de l’ex-Yougoslavie. « Dans la plupart des cas, il n’y a pas de transfert physique de population ou de démolition d’habitations, mais la création d’une frontière où personne ne vit, selon les démographes, » a-t-il écrit.

Les études ont révélé que les citoyens palestiniens sont farouchement opposés aux suggestions de « transfert de population » comme celle de Lieberman.

Les réfractaires remarquent que Lieberman n’a pas réussi à démontrer combien de membres de la communauté palestinienne d’Israël vivant loin des frontières pourraient être incorporés à un Etat palestinien sans expulsions.

Les experts en droit indiquent également que, même si Israël organise le partage des territoires sous l’égide d’un accord de paix, la suppression de la citoyenneté israélienne aux résidents palestiniens serait le résultat d’un accord qui violerait le droit international.

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Jonathan Cook est écrivain et journaliste, basé à Nazareth, Israël. Il est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont été présentés le 4 mars 2009.

Son site : http://www.jkcook.net
Son courriel : jcook@thenational.ae


29 juin 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Yazid Slaim

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