France. Crise ouverte au sein du Conseil français du culte musulman
jeudi 12 juillet 2012
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris (à
gauche), en compagnie du représentant de la GMP et vice-président du
Conseil français du culte musulman, Chems Eddine Hafiz. AFP PHOTO /
Martin Bureau
C’est la crise ouverte entre la Mosquée de Paris (GMP) et le Conseil français du culte musulman (CFCM). Par la voix de son recteur, Dalil Boubakeur, la Mosquée de Paris a annoncé son retrait du CFCM, en raison notamment de « sa gouvernance autocratique ».
Les dissensions larvées éclatent au sein du CFCM
L’appel à la cohésion des musulmans de France de Manuel Valls semble
rester lettre morte. Lors de l'inauguration d'une mosquée à Cergy il y a
quelques jours, le ministre de l’Intérieur avait appelé à « l’unité »,
estimant que « les divisions, les égoïsmes, les concurrences ne peuvent
pas différer plus longtemps le dialogue indispensable qui doit s'ouvrir
sur les sujets cultuels ».
La dernière charge en date de la Mosquée de Paris contre le Conseil français du culte musulman est aussi la plus sévère. Dalil
Boubakeur a écrit au président du CFCM, Mohammed Moussaoui, pour
l'informer de la décision de « démissionner de cette instance » et de
retirer ses deux représentants de son bureau exécutif.
M. Boubakeur, qui fut le premier président désigné du CFCM, ne précise
pas dans son communiqué s'il démissionne lui-même de ses fonctions de
président d'honneur du CFCM.
Dans son communiqué, le recteur dénonce « les graves dysfonctionnements du CFCM et sa gouvernance autocratique qui
a tenté de minorer la surface et l'influence de la Grande Mosquée de
Paris ». En effet, le système de représentation au sein de l’instance
est au prorata des mètres carrés. Il favorise donc les grandes mosquées
ayant pignon sur rue, sans que celles-ci soient forcément plus
représentatives du quotidien des fidèles que des mosquées plus petites,
mais aussi plus fréquentées.
Des accusations infondées selon le CFCM
Cette décision de la GMP surprend, au sein-même de l'institution pour commencer. Une source contactée par l’AFP affirme que « ni le bureau national, ni le Conseil d'administration de la Grande Mosquée n'ont été informés en interne de cette décision ». Nul doute que cette décision sera au cœur des débats de la réunion du bureau exécutif du CFCM, le 19 juillet prochain.
De son côté le président du CFCM, Mohammed Moussaoui se dit « étonné de la décision brutale » et « choqué » par les accusations portées contre lui. Il les juge « en rien conformes à la réalité ».
Le recteur reproche entre autres à M. Moussaoui de trainer à mettre en
application la réforme annoncée en décembre 2011 par M. Claude Guéant et
prorogée sine die en raison de la campagne présidentielle. Ce à quoi le
concerné répond en indiquant que le Conseil d'administration du
24 juin « a pris l'orientation de finaliser la réforme dans la
concertation avec toutes les composantes de l'islam de France, y compris celles qui ne siègent pas à ses instances actuelles », comme l'Union des organisations islamiques de France (UOIF).
Des tensions déjà existantes avec d’autres courants de l’islam en France
L’UOIF, proche de la confrérie des Frères musulmans, avait déjà
boycotté au printemps 2011 les élections visant au renouvellement des
instances dirigeantes du CFCM. Un boycott révélateur des dissensions qui
tiraillaient déjà le CFCM à l'époque.
Trois points de divergence expliquent ces dissensions. Le premier est celui de la représentativité corrélée à la surface des mosquées.
Même s’il est en cours de réforme, ce système désavantage la Mosquée de
Paris, dont les lieux de culte sont plus petits, même si le nombre de
ses fidèles (en majorité algériens) est important.
Le second motif a été pointé par Maître Chems-eddine Hafiz, représentant la GMP au CFCM, lorsqu’il parle « d'hégémonie et de rapports de force » dans la gouvernance de l’instance. Le dernier problème est plus politique puisque chaque
courant, tel que la GMP et l’UOIF, ne veut pas d’un CFCM qui serait
l'organe de représentation de référence de l'islam de France, comme l’avait souhaité Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur de l’époque, lors de sa création en 2003.
Une instance qui continuera malgré tout à exister
Malgré ces défections de taille, M. Missaoui assure que cette instance de représentation de l'islam de France continuera à exister et à travailler.
Outre la GMP (réputée proche de l’Algérie), le CFCM compte d’autres
fédérations, comme le RMF (Rassemblement des musulmans de France,
pro-marocain), le CCMTF de sensibilité turque ou encore la FFAIACA
afro-antillaise.
Le vœu de faire du CFCM un interlocuteur de référence
indépendant des influences étrangères semble s’éloigner un peu plus avec
cette nouvelle crise. Ce souhait, qui était la raison de sa
création par Nicolas Sarkozy, a été repris par Claude Guéant et plus
récemment par Manuel Valls. Mais, les musulmans de France restent plus
que jamais divisés en raison des tiraillements entre les différents
courants et de l’influence étrangère encore très forte dans ces
instances.
Rached Cherif
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