L’Autorité palestinienne de Ramallah n’a que faire des prisonniers...
mercredi 27 juin 2012 - 06h:52
Charlotte Alfred - Ma’an News
Un mois après que les prisonniers aient conclu un accord pour
terminer leur massive grève de la faim dans les prisons israéliennes,
les organisations de prisonniers avertissent que les autorités
israéliennes ne respectent pas leurs engagements.
Fresque de Marwan Barghouti, sur le mur d’Apartheid
Mourad Jadallah, chercheur en Droit pour Addameer, le
groupe de défense des droits de prisonniers, a indiqué à Ma’an que le
problème touche aussi au rôle de l’Autorité Palestinienne dans l’accord
et à son attitude en général à l’égard aux prisonniers.
Après que près de 2000 détenus palestiniens aient
rejoints le 17 avril les détenus administratifs déjà en grève de la
faim, Israël s’était engagé à procéder à des « assouplissements » dans
le sens des exigences des grévistes de la faim, à savoir mettre fin à
l’isolement cellulaire, permettre les visites de famille et améliorer
les conditions de vie en prison.
Un représentant des prisonniers dit alors qu’Israël
s’était engagé à ne pas renouveler de détention sans prévoir un procès
et en prouvant qu’une nouvelle information exigeait leur maintien en
prison.
Jouer sur les mots
Jadallah estime que l’accord avait deux défaut majeurs :
le langage utilisé et le fait que la question de la détention
administrative n’y soit pas consignée par écrit.
Disposant de toute latitude, Israël a pu évacuer
immédiatement les changements espérés concernant la situation des
prisonniers. Le 11 juin, les prisonniers rencontrèrent les autorités
israéliennes pénitentiaires dans la prison de Nafha, comme première
étape de « l’assouplissement », explique Jadallah.
L’Israël accepta tout d’abord de former une délégation
formée de responsables des services pénitentiaires et du Shabak, le
service de sécurité intérieure, pour entrer en pourparlers avec le
comité des prisonniers. Maintenant, ils disent aux prisonniers que seuls
des agents des services pénitentiaires les rencontreront pour discuter
de leurs revendications, continue Jadallah.
« Mais les prisonniers ne font aucune confiance au
service des prisons. Ce n’est pas le service de prison qui prend
réellement de telles décisions, comme ils le disent eux-mêmes, ils font
ce qui est demandé par le Shabak. »
Selon Jadallah, dès la première réunion, les
représentants israéliens sont revenus sur leur engagement de remettre le
dernier prisonnier encore en isolement cellulaire, Dirar Abu Sisi, dans
une cellule normale, disant qu’ils voulaient le garder en isolement
tandis qu’ils étaient en train de préparer l’accusation contre lui. Il
est emprisonné sans jugement ni accusation depuis février 2011.
Concernant des conditions de vie des prisonniers « ils
ont dit qu’ils feront de leur mieux mais sans faire aucune promesse, »
dit encore Jadallah.
Sur les autres revendications, les délégués israéliens
ont dit qu’ils attendront une décision de la Haute Cour avant de
permettre un accès à l’enseignement, et tout en reconnaissant avoir
renouvelé des ordres de détention administrative, ils assurèrent que les
prisonniers verraient bientôt des « progrès » sur la question.
Mais Israël a aussi renouvelé la semaine dernière la
détention administrative de Hasan Safadi, qui avait interrompu sa grève
de la faim de 71 jours sur la base de l’engagement pris par Israël de ne
pas le maintenir en détention sans procès. Jadallah révèle qu’il y a eu
plus de 35 cas de renouvellements de détention administrative depuis
que l’accord a été signé.
Précipité et ambigu « comme les accords d’Oslo »
« Un prisonnier a expliqué que l’Autorité Palestinienne a
procédé comme pour les accord d’Oslo. L’AP recherchait n’importe quelle
victoire ou n’importe quel rôle dans l’accord, et elle a conclu
rapidement et a accepté sans discuter les termes employés. Les
prisonniers disent que c’est la responsabilité de l’AP. »
« Israël ne voulait surtout pas que les Palestiniens
aient l’impression d’avoir gagné quelque chose grâce à la grève de la
faim ou que le mouvement des prisonniers aient le sentiment d’avoir
imposer leurs revendications. Ils veulent dire : Nous pouvons tout
contrôler. »
Les accords d’Oslo signés en 1993 et qui ont abouti à la
mise en place de l’AP sont largement considérés comme un échec dans les
négociations, aboutissant au découpage du territoire palestinien en
zones sous contrôle israélien et palestinien comme mesure intérimaire
pour cinq ans, et deux décennies plus tard à une occupation et à une
colonisation israéliennes qui n’ont fait que se consolider et s’étendre
dans les terres palestiniennes, face à une AP totalement impuissante.
Selon Jadallah, l’indifférence officielle vis-à-vis des
prisonniers remonte à cette époque-là. Les premiers accords d’Oslo ne
mentionnaient même pas les prisonniers, et ce n’est qu’après de fermes
protestations écrites, que les deuxièmes accords incluèrent quelques
cinq pages sur la question.
Aujourd’hui, avec beaucoup de groupes militants pour
soutenir les prisonniers, il y a une certaine coordination mais sans
véritable organisation, dit-il. C’est une situation particulière, parce
que les autorités (palestiniennes) n’ont pas de stratégie cohérente pour
imposer la libération des prisonniers, poursuit Jadallah.
« Par exemple certains des avocats refusent de boycotter
les tribunaux militaires. Mais pourquoi devrions-nous payer les
tribunaux militaires avec des honoraires et des amendes ? »
Jadallah estime que ces paiements au profit du système
des tribunaux militaires s’élèvent à environ 15 millions de dollars par
an, sans compter l’aide financière de l’AP et des partis politiques
versée directement aux prisonniers.
« Nous payons des millions pour notre occupation. À Oslo
nous avons accepté de jouer à l’intérieur du système, mais c’est une
manière de corrompre le mouvement des prisonniers. »
Une autre source de confusion est que les prisonniers
ont leurs propres avocats, alors que pendant la grève de la faim, Jawad
Bolous, l’avocate engagée par l’influente Société des Prisonniers, a été
envoyée pour négocier et parler au nom des grévistes.
« Certains prisonniers ont leurs propres avocats mais
d’autres négocient en leur nom. Ce n’est pas professionnel, » dit
Jadallah.
« Vous pouvez entendre des prisonniers remettre en cause
son rôle (de Bolous). Ils ont dit que leur avocat devrait être un
défenseur de droits de l’homme et pas un négociateur, » ajoute-t-il,
tout en refusant d’aller plus loin dans ses observations sur la
question.
« L’AP exploite les prisonniers pour gagner en
crédibilité, mais ils ne sont pas vraiment intéressés. Ils utilisent
cette question comme manière d’acheter des allégeances et pas pour faire
libérer les prisonniers. »
« Ils disent qu’ils ont confiance dans le mouvement de
prisonniers alors que les forces de sécurité [de l’AP] menacent des
prisonniers en grève de la faim et arrêtent leurs défenseurs dans
Ramallah, Jénine et encore ailleurs. Il y a deux programmes : celui dans
le discours politique et celui des services de sécurité. »
La bataille pour l’unité
Mais Jadallah affirme que les grévistes de la faim ont
pu surmonter de sérieux obstacles pour unir pour la première fois le
mouvement des prisonniers dans une action non violente.
« Certains prisonniers du Fatah se sont joints au
mouvement dès le début, alors que d’autres étaient très critiques ,
disant que la grève était une tentative de dissimuler des problèmes
internes à l’intérieur du Hamas. Ce n’était pas vrai, le Hamas n’était
pas l’initiateur de la grève. »
« Des prisonniers du Fatah se sont entendus dire que
s’ils participaient à la grève de la faim, ils perdraient leurs salaires
des forces de sécurité. Quelques prisonniers ont alors agi en
contre-révolutionnaires. »
Un groupe de prisonniers du Fatah a déclaré début mai
qu’il avait obtenu la moitié de ses revendications suite à des
négociations avec les autorités pénitentiaires. Jadallah explique que ce
groupe a lancé un appel pour retarder la grève de la faim pendant
qu’ils négociaient. « C’était également la position de l’AP, »
note-t-il.
Mais Marwan Barghouthi, le dirigeant emprisonné du
Fatah, a désavoué ce comité comme peu représentatif, dénonçant de fait
ces contre-révolutionnaires, explique Jadallah. « Il a replacé la balle
sur le terrain de jeu des prisonniers. »
Le printemps arabe, les attaques sur Gaza et les actuelles grèves de la faim
Avec des espoirs s’amenuisant à propos de l’accord qui a
mis un terme aux grèves de la faim, Jadallah insiste sur le fait que le
mouvement de prisonniers permet aux détenus de continuer à prendre la
tête du mouvement.
Les manifestations populaires en Cisjordanie, à Gaza et
autour du monde pour soutenir les grévistes de la faim, ont aidé les
prisonniers à persévérer dans leur grève historique, dit-il.
« Les forces spéciales israéliennes avaient réussi
jusque là à humilier les prisonniers sans avoir le moindre compte à
rendre. Mais le printemps arabe et les manifestations palestiniennes
pour soutenir les prisonniers ont beaucoup compté dans leur première
victoire. »
« En dehors de la prison (les gens) veulent des héros,
mais en prison ils deviennent les véritables héros, luttant de façon non
violente pour leurs droits. »
Mais il y a des craintes que l’attention ne faiblisse
sur trois détenus qui sont actuellement en grève de la faim, dont le
prisonnier malade Akram Al-Rekhawi qui a dépassé ce llundi son
soixante-quinzième jour sans nourriture. Les groupes de défense des
prisonniers disent qu’en raison de son mauvais état de santé,
Al-Rekhawi’s - qui est détenu dans une clinique en prison depuis son
arrestation [kidnapping] en 2004 - et qui est en grève de la faim depuis
deux mois, risque de mourir à tout moment.
Al-Rekhawi « n’a de loin pas toute l’attention qu’il
mérite. C’est triste, il est en prison et en grève de la faim, mais rien
ne se passe dans la rue, » dit Jadallah.
« Mais nous savons que les gens ont du mal à se
mobiliser sur les cas individuels, et tous ont leurs propres raisons,
les jeunes organisations de défense des prisonniers, l’autorité
palestinienne... »
Les attaques israéliennes contre Gaza la semaine
dernière, qui se sont soldées par l’assassinat de 12 Palestiniens, ont
aussi fixé l’attention.
« Peut-être n’avons-nous pas su faire le lien entre Gaza et al-Rakhawi, » dit encore Jadallah.
« C’est à dire : Si vous n’êtes pas tué sur le terrain,
vous êtes tué en prison. Al-Rekhawi se défend contre la peine de mort en
prison, tandis que le peuple se défend contre la peine de mort [sous
les bombardements] dans la bande de Gaza. »
25 juin 2012 - Ma’an News - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach
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Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach
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