08 juillet 2012

Gidéon Levy témoigne  :


Israël assoiffe les Palestiniens pour les chasser de la vallée du Jourdain

Dernière mise à jour :

Tous les jours, les Palestiniens font l'objet d'exactions sans que des millions d'Israéliens n'élèvent la moindre protestation. Gidéon Levy mène un combat depuis plusieurs années pour soulever la chape de silence qui recouvre les agissements d’Israël dans les territoires occupés et donner un visage humain aux victimes de sa politique d'apartheid et d'évacuation forcée. Voici ce qu'il écrit dans le journal "Haaretz".

Le chroniqueur du Haaretz, Gideon Levy, est considéré par les autorités israéliennes comme un "risque sécuritaire important" qui doit être contrôlé de près. /DR
Le chroniqueur du Haaretz, Gideon Levy, est considéré par les autorités israéliennes comme un "risque sécuritaire important" qui doit être contrôlé de près. /DR
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Avi est un inspecteur de l’administration civile, en d’autres termes du “régime d’occupation des territoires palestiniens”. Il aime son travail et il doit en être fier. Il ne craint pas d’apposer son nom et sa signature qui imposent de façon inhumaine son diktat. Car Avi confisque à sa guise les centaines de réservoirs d’eau des populations palestiniennes et bédouines, vivant dans la vallée du Jourdain.
Ces réservoirs sont leur seule source d’eau, et leur confiscation laisse des douzaines de familles avec leurs enfants, livrés à la soif et la chaleur torride de  cette saison.
Israël opère une discrimination diabolique
Dans les documents qu’Avi remplit, il prend le soin de mentionner qu’il “suspecte la possibilité que ces marchandises constituent une agression pour Israël”. Ses chefs justifient cette attitude en expliquant que l’agression réside dans le fait que l'eau stockée dans les réservoirs a été volée depuis les canalisations. Ce qui justifie que les réservoirs sont saisis sans autre forme de procès...
Bienvenue dans les territoires sans loi, bienvenue dans l’apartheid. Car dans les faits, Israël ne donne pas aux familles palestiniennes l'accès à l’eau dans les canalisations: cette eau est réservée exclusivement aux juifs.
Même les plus actifs des défenseurs d’Israël ne pourraient pas nier la discrimination diabolique en cours dans cette zone si proche de leurs domiciles. Mais émotionnellement, cette zone est à plusieurs lieux de leurs cœurs et ce qui s'y passe ne leur inspire absolument aucune révolte. Pourtant, c’est l’une des plus grandes injustices menées par Israël et sa bureaucratie banalisée employant des inspecteurs apparemment non violents: aucune goutte de sang n'est versée mais pas une seule goutte d’eau ne leur échappe.
Objectif: obliger les Palestiniens à quitter la vallée du Jourdain
L’administration civile des territoires supposée prendre soin des populations, n’hésite jamais à les priver d’eau ainsi que leur bétail, dans ces mois d’intenses chaleurs, afin de poursuivre l’objectif stratégique d’Israël: obliger les Palestiniens à abandonner la vallée du Jourdain, en laissant leurs terres aux résidents juifs. L’accusation de vol d’eau, réelle ou imaginaire, n’est utilisée que comme alibi pour justifier les confiscations. Même si c’était le cas, quels choix ont ces populations? Les autorités israéliennes ne les laissent pas se brancher sur les canalisations d’eau qui traversent leurs terres et qui vont abreuver jusqu’à saturation, les terrains des colons.
La semaine dernière j’ai vu une famille dont le réservoir d’eau a été confisqué. Deux nouveaux nés, une petite fille handicapée, un enfant malade, les parents et quelques brebis, unique source de revenu de cette famille. Tous sont livrés à la soif et cela se passe en Israël, où l’eau n’est réservée qu’à une partie de la population.
Mais les exactions ne s’arrêtent pas à cette seule question de gestion de l’eau. Dernièrement, l’armée israélienne a décidé d'effectuer des exercices dans la vallée du Jourdain, et pour cela, elle n'a pas hésité à chasser les populations de leurs maisons pour une durée de 24 heures. Pas toutes les populations non; seulement les Palestiniens. Cela aussi les autorités israéliennes refusent de l’appeler  apartheid. Pendant toute la période de leur expulsion les Palestiniens, femmes, vieillards, enfants, nouveau-nés, bétail, devaient s'arranger pour dormir au bord des routes, ou dans des abris de fortunes, sans aucune protection.
Des millions d’Israéliens pas concernés
Avi, cet inspecteur de l’administration civile, ainsi que beaucoup d’autres, font le même travail méprisable. Mais ils ne sont pas les seuls fautifs, derrière eux se tiennent des millions d’Israéliens qui ne se sentent pas le moins du monde concernés par ces exactions. Ils se promènent dans leur voitures sur les routes de la vallée, sans être indignés par ces murailles qui emprisonnent les Palestiniens, pas plus que ne les indignent les barrages qui empêchent ces populations d’accéder à ces mêmes routes.
“Israël est un pays de droit... L’occupation est juste... L’armée israélienne est la plus morale du monde... L’apartheid n’est qu’une invention des ennemis d’Israël”... Pour vous en rendre compte par vous-même, faites donc un tour dans la vallée du Jourdain.
Gidéon Levy / Haaretz

nous remercions chaleureusement Patrice Di-leta, de Marseille, qui nous a signalé cet article

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