06 juillet 2012

Le début de la fin pour Abbas ?

vendredi 6 juillet 2012 - 07h:17
Maath Musleh - Al-Akhbar




L’Autorité palestinienne - un sous-produit d’Oslo - commence à perdre la tête. 
 
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Des manifestants palestiniens crient des slogans dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, le 30 juin 2012, lors d’une manifestation contre une rencontre prévue entre l’ex-président palestinien Mahmoud Abbas et le vice-Premier ministre israélien Shaul Mofaz - Photo : AFP/Abbas Momani
 
La leçon que nous avons apprise des soulèvements arabes, c’est que lorsqu’un gouvernement perd le sens commun, il commence à commettre des erreurs. Il écrit finalement la fin de sa propre histoire par une série d’erreurs commandées par l’équilibre de la peur imposée sur le terrain depuis si longtemps.
L’Autorité palestinienne (AP) a réussi à contenir le mouvement de la jeunesse contestataire descendue dans les rues le 15 mars 2011. Depuis, l’Autorité palestinienne est restée prudente sur les questions susceptibles de déclencher un soulèvement de masse. Ces craintes se sont aggravées depuis le début de l’année, face à une opposition croissante à l’égard des pourparlers avec l’occupation israélienne et face aux scandales permanents au sein des ministères de l’AP. Malgré les limites imposées au mouvement de la jeunesse, des manifestations sans précédent ont eu lieu face au quartier-général présidentiel (al-Muqata) à Ramallah et ont eu valeur d’avertissement pour la police d’Abbas.
Le mois dernier avait été annoncée une rencontre officielle entre Abbas et Shaul Mofaz, le criminel de guerre et sous-ministre israélien, suscitant la colère du public. C’était une occasion pour le mouvement de la jeunesse de relancer une mobilisation de masse. L’AP a officieusement annoncé que la réunion serait reportée « à la demande populaire. » Cette tentative de calmer la colère soulevée n’a pas annulé la manifestation prévue contre la réunion avec Mofaz et contre tout le système de négociation et de collaboration de sécurité [avec l’occupant]. Et les manifestants ont marginalisé la participation des factions - en particulier les jeunes du Fatah - aux manifestations.
Environ 200 à 250 manifestants sont descendus dans la rue ce samedi. Les forces de sécurité palestiniennes formées par Dayton ont perdu leur calme et tenté d’intimider les manifestants. Elles ont brutalement réprimé et dispersé la manifestation. Ce n’est pas la première fois que les forces de sécurité ont recours à une force excessive contre des manifestants, mais en de précédentes occasions, cette répression brutale n’était pas suivie d’effet.
Les forces de sécurité de l’AP estimaient que les choses se passeraient encore de la même façon. La répression illustre l’absence de liberté d’expression et de liberté de la presse en Cisjordanie. Les brutalités ont été dissimulées en de précédentes occasions en intimidant les médias et en confisquant des caméras et des films-vidéo. Mais cette fois-ci, ils ont échoué. Alors que les caméras ont été confisquées et que les journalistes ont été agressés, les téléphones mobiles ont réussi à franchir l’obstacle et à transmettre des vues en direct aux médias sociaux.
Le lendemain, environ 500 manifestants se sont rassemblés pour protester contre la brutalité des forces de sécurité. Le scénario de la première journée s’est alors répété. Le porte-parole des services de sécurité palestiniens, Adnane al-Dumairi, a eu recours aux méthodes déjà expérimentées par les ex ou actuelles dictatures arabes. Il a pointé du doigt les « agendas de mouvements non-identifiés. »
Les deux premiers jours des manifestations, l’Autorité palestinienne a utilisé les forces de sécurité officielles et de policiers en civil pour attaquer les protestataires. Si cela ne suffit pas pour stopper les rassemblements, l’AP pourrait recourir à des loyalistes du Fatah, un moyen similaire à celui déjà utilisé par les militaires au pouvoir en Égypte. Mais le mouvement a parcouru un trop long chemin pour s’arrêter maintenant, malgré les défis auxquels il fait face : une occupation israélienne et un gouvernement palestinien de collaboration.
Par ironie du sort, les forces de sécurité accusent les manifestants de liens avec les gouvernements américain et israélien. Cette accusation vient de ces mêmes forces de sécurité qui ont été formées par le général américain Keith Dayton et qui refusent absolument de mettre fin à leur collaboration avec les Forces d’Occupation Israéliennes. La prochaine étape pourrait être l’accusation contre les manifestants de servir les intérêts d’un complot irano-Hamas contre le Fatah. Il est étonnant de constater à quel point ils ont réussi à vendre cette salade à de nombreuses personnes.
L’AP est maintenant dans une position critique, non seulement en raison des manifestations qui se poursuivent, mais aussi en raison des conflits internes au sein du Fatah. La tête de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a pris la décision d’éliminer ses rivaux internes. Mais Abbas, ses alliés au sein du Fatah et ses rivaux partagent tous une même caractéristique : la corruption. Bien qu’Abbas ait réussi à chasser l’homme fort Mohammed Dahlan, il n’a pas réussi à éliminer ses partisans au sein des forces de sécurité.
De nouveaux rivaux continuent d’émerger au sein de la direction du Fatah. Malheureusement pour Abbas, ces rivaux sont en train de former un front uni contre lui. Ces rivaux, en utilisant leur argent, se sont construits une base de supporters. Au cours des années de corruption en Cisjordanie, Dahlan et Mohammad Rashid ont fait leur beurre en concentrant leur soutien dans le nord de la Cisjordanie. L’Autorité palestinienne, centralisée à Ramallah, a donc ignoré et marginalisé des villes et villages au nord de la Cisjordanie.
Abbas a été mis en alerte par plusieurs incidents dans le gouvernorat de Jénine, dont un incident qui a entraîné la mort du gouverneur de la ville. Abbas a décidé de frapper les partisans de ses rivaux au sein des forces de sécurité dans le nord, annonçant ce dimanche qu’au moins 200 hommes avaient été arrêtés à Jénine, y compris des hommes du Fatah, pour un commerce illégal d’armements. Le succès de l’opération reste incertain.
Mais les problèmes d’Abbas ne sont pas confinés au nord, car l’Autorité palestinienne est également confrontée à une opposition croissante dans le sud marginalisé de la Cisjordanie. Les troubles à Hébron représentent une menace réelle pour le contrôle d’Abbas sur le Fatah. Les zones nord et sud de la Cisjordanie font face actuellement aux pires attaques des colons juifs et des forces d’occupation israéliennes, ce qui ajoute à la colère populaire.
Cette semaine, les Palestiniens de toute la Palestine vont poursuivre leurs manifestations à Ramallah pour protester contre la brutalité des forces de sécurité. C’est un moment critique pour l’Autorité palestinienne. Bien que le mouvement de la jeunesse reste limité en nombre, il est composé d’hommes et de femmes pleins de courage et de détermination. La brutalité des forces de sécurité n’a réussi jusqu’ici qu’à renforcer les liens entre les jeunes. Comme l’ont fait les actions menées lors de la grève de la faim des prisonniers, l’agitation actuelle a renforcé les liens entre les militants dans les territoires occupés en 1948 et en 1967, et ceux en exil. A en juger par les soulèvements arabes, nous savons à quoi nous attendre d’un État policier, mais nous avons aussi appris que la clé de la réussite, c’est la détermination et l’esprit de sacrifice.
Les manifestations de cette semaine pourraient ne pas encore déclencher une révolution populaire, mais c’est certainement la première étape de la liquidation des dirigeants palestiniens collaborateurs et corrompus, et du retour sur la voie de la libération.

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* Maath Musleh est un journaliste palestinien indépendant qui vit à Jérusalem (Al-Qods). Il est possible de le suivre sur Twitter @MaathMusleh
3 juillet 2012 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - al-Mukhtar




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