08 novembre 2010

LES « CAPRICES » DE BENJAMIN NETANYAHU

4 novembre 2010 par Bibeau Robert  oulala
Shlomo Sand, cet historien israélien qui a déconstruit le mythe de l’exode et de la dispersion des judéens, des cananéens et des pharisiens (les peuples de religion juive selon la Bible) et exposé le mythe du « retour des juifs en Palestine », une terre qu’ils n’ont jamais quitté (1), n’a, semble-t-il, rien compris aux « pourparlers directs »en cours entre le Président Mahmoud Abbas de l’Autorité palestinienne dont le mandat est échu depuis dix huit mois, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Nous reproduisons ici un extrait de sa dernière allocution : « Dans les négociations qui semblent se dérouler entre Israël et les Palestiniens, Benyamin Netanyahu exige de son partenaire de négociation qu’il reconnaisse Israël comme État juif. On peut comprendre que notre Premier ministre, un homme qui se montre si peu pratiquant, n’est peut-être pas sûr de son identité juive, d’où son incertitude quant à l’identité de son État et son besoin de chercher une reconnaissance de la part de ses voisins. » (2).
Shlomo Sand n’a rien compris, pas plus que Gidéon Lévy d’ailleurs qui, dans un article du journal Haaretz, écrivait récemment : « Un destin qui va dépendre d’une prestation de serment à un État juif... Cela peut transformer le pays en une théocratie, comme l’est l’Arabie Saoudite. Rappelez-vous de ce jour. C’est le jour où Israël peut changer de nature. Il peut aussi par conséquent changer son nom au profit de « République juive d’Israël », comparable à la République islamique d’Iran. » (3). La démocratie est en danger en Israël conclut Gidéon Lévy.
Que ces intellectuels se rassurent, Israël ne changera pas de nature, par contre, il changerait de statut s’il n’en tenait qu’à Netanyahu, mais ce « caprice » du Premier ministre ne risque pas de se réaliser. Il ne fait aucun doute que les intégristes judaïques au pouvoir à Tel-Aviv souhaitent officialiser dans les textes et par des proclamations publiques la création, il y a 62 ans suite à la Nakba, de la « République juive d’Israël » sur les terres arabes de Palestine. Mais ce n’est pas pour l’heure l’objectif premier de Netanyahu.
Pour comprendre quel est l’objectif véritable de Netanyahu par cette exigence d’une reconnaissance d’Israël en tant qu’État juif, d’abord par les israéliens eux-mêmes et ensuite par les Palestiniens, il faut se reporter aux négociations de Taba en janvier 2001 dont les présents « pourparlers directs » ne sont que la continuation comme celles-là avaient été le prolongement des Accords d’Oslo.
On constate en effet une grande cohérence dans la démarche des divers gouvernements sionistes en terre palestinienne, quelque soit le parti au pouvoir à Tel-Aviv. « La rédemption de la terre » que les intégristes religieux juifs recherchent ouvertement a toujours été la politique officieuse de l’État colonial israélien. Ariel Sharon ne disait-il pas :« Prenez toute la terre que vous pourrez. Ce que nous prendrons sera à nous. Ce qu’ils conserveront sera à eux ». Moshe Dayan proclamait quant à lui : « Tous ceux qui voudront partir de cette terre, nous les aiderons à partir ; ceux (les Palestiniens) qui resteront vivront comme des chiens. ». Bref, le plus de terre possible avec le moins d’arabes possible, telle est la devise de l’entité sioniste depuis sa création en tant que colonie occidentale au Proche-Orient (4).
Benjamin Netanyahu ne fait que poursuivre par ces « pourparlers directs » les objectifs que Sharon poursuivait par sa répression sanguinaire de l’Intifada, ou qu’Ehud Barak poursuivait dans les négociations de Taba.
Aux négociations de Taba (2001), Barak avait mandaté les leaders de la « gauche » israélienne pour négocier l’aval des Palestiniens pour sa réélection comme Premier ministre contre Ariel Sharon alors en campagne sous la bannière du Likoud. Mais Barak avait fait sévèrement encadrer sa « gauche » par son chef de cabinet Gilad Sher qui présenta aux négociateurs palestiniens la revendication ultime de Barak soit que les Palestiniens reconnaissent « La fin des hostilités, la fin du conflit entre Juifs et Palestiniens ». Selon Ehud Barak une telle reconnaissance de la fin du conflit par l’ensemble des Palestiniens revenait à reconnaître internationalement l’entité sioniste – l’État d’Israël – dans ses limites de 2001 et, pour les Palestiniens, à renoncer à leurs revendications sur les terres déjà conquises, annexées et occupées ainsi qu’à renoncer à leur droit de retour, bref, à renoncer aux différentes résolutions adoptées à l’ONU en leur faveur (la 194, la 242 et les autres) (5).
Le présent « caprice » de Netanyahu d’obtenir des négociateurs palestiniens la reconnaissance de l’État hébreu comme « État juif » vise exactement les mêmes objectifs. C’est que tous les premiers ministres israéliens, de Ben Gourion, en passant par Golda Meir, Shamir, Rabin, Sharon, Barak, jusqu’à Netanyahu, ont compris que les droits des Palestiniens sur la terre arabe de Palestine aussi bien que le droit de retour des Palestiniens sur leur terre usurpée et spoliée sont des droits inaliénables reconnus par toutes les conventions internationales, droits qui ne peuvent être aliénés par une tierce partie telle l’ONU, les États-Unis ou la « communauté internationale », du moins tant que les Palestiniens continuent de les revendiquer, de résister et de vivre sur la terre ou à proximité de la terre dans des camps de réfugiés en attente de rentrer chez eux. Seul le renoncement des Palestiniens eux-mêmes à leurs propres droits légitimes pourrait permettre aux Israéliens et à la soi-disant « communauté internationale » de répudier ces droits inaliénables, de les enterrer dans une mer de paperasse et de résolutions d’où ils ne ressurgiraient plus jamais.
Netanyahu n’est pas un pauvre hère nostalgique qui rechercherait son identité juive démocratique. Il n’est pas non plus un tenant d’une théocratie judaïque pour diriger l’entité sioniste coloniale. Netanyahu n’a rien à faire de la foi juive - si ce n’est pour utiliser ses adeptes intégristes comme chair à canon dans ses plans coloniaux en Palestine occupée – toute la Palestine occupée – dans les limites du mandat britannique telles que définies lors de la Conférence de San Reno en avril 1920 (6).
Par cette reconnaissance de l’État juif de la part des Palestiniens eux-mêmes, Netanyahu voudrait amener les Palestiniensà renoncer définitivement à leurs droits fondamentauxsur 90 % de leur terrede même qu’aux Résolutions de l’ONU qui les garantissent. C’est la raison pour laquelle Netanyahu n‘est pas chaud à l’idée de « louer la Vallée du Jourdain » comme le propose les américains (7). Ce n’est pas de location dont rêve Netanyahu mais d’annexion définitive, consacrée par le droit international et acceptée par les négociateurs palestiniens en contre partie du privilège pour eux de gérer le bagne-bantoustan-État palestinien sous mandat israélien dont il détiendrait la clé.
Le Président échu Mahmoud Abbas de l’Autorité sans autorité voudrait bien signer tous les renoncements et toutes les reconnaissances que les israélites voudront bien lui faire signer mais il sait que le Peuple palestinien rejetteraces « accords », cette auto répudiation de ses droits et de sa terre. C’est le dilemme d’Abbas et de ses acolytes, comment faire accepter l’inacceptable à son propre peuple ? Alors, par avance, il tente d’écraser toute voix dissidente, toute résistance, en préparation de cette grande répudiation. On assiste en ce moment à la « moubarakisation » du pouvoir de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie comme il en fut en Égypte suite aux accords de Camp David et à l’assassinat de Sadate (8).
Nous le disions déjà dans un récent écrit « La bataille pour la Cisjordanie fait rage » sachant que la bataille de Gaza est déjà gagnée par la Résistance et que celle des camps de réfugiés au Liban, en Syrie et en Jordanie aura lieu plus tard si jamais Abbas s’avisait de parapher quoi que ce soit qui ressemble à l’acceptation de la création d’un bantoustan palestinien sous protectorat israélien (9). Finalement, il se pourrait bien que les capricieux pourparlers de « paix » Netanyahu - Abbas aient déjà échoué (10).
(1) Shlomo Sand. Comment le peuple juif fut inventé. http://www.dailymotion.com/video/x7okoe_peuple-juif-invent-shlomo-sand_news
(2) Article du Courrier international. http://www.courrierinternational.com/article/2010/10/07/l-etat-juif-peut-nuire-a-la-democratie
(3) La république juive d’Israël. lundi 11 octobre 2010 - Gidéon Lévy – Haaretz. Voir l’article en annexe 1.
(4) Les Palestiniens dans le siècle. Élias Sanbar. Gallimard. 1994.
(5) Détruire la Palestine ou comment terminer la guerre de 1948. Tanya Reinhart. La Fabrique. 2002.
(6) Les Palestiniens dans le siècle. Élias Sanbar. Gallimard. 1994.
(7) Les États-Unis proposent à Israël de louer la vallée du Jourdain ( AFP radio). Voir l’article en annexe 2.
(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Anouar_el-Sadate
(9) La bataille pour la Cisjordanie fait rage. Robert Bibeau. 12.10.2010. http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito12102010.html
(10) http://www.ism-france.org/news/article.php?id=14340type=analyselesujet=Initiatives%20de%20Paix

ANNEXE 1
La république juive d’Israël. lundi 11 octobre 2010 - Gidéon Lévy – Haaretz. Voir l’article en annexe 1.
Un destin qui va dépendre d’une prestation de serment à un état juif... Cela peut transformer le pays en une théocratie, comme l’est l’Arabie Saoudite. Rappelez-vous de ce jour. C’est le jour où Israël peut changer de nature. Il peut aussi par conséquent changer son nom au profit de « République juive d’Israël », comparable à la République islamique d’Iran.
Des lois racistes qui finissent par créer des clivages dans la population israélienne. Certes, le projet de loi de serment de fidélité que le Premier ministre Benjamin Netanyahu tente de faire passer ne concerne soi-disant que les nouveaux arrivants qui ne sont pas juifs, mais il affecte le sort de chacun d’entre nous. A partir de maintenant, nous allons vivre dans un nouveau pays, uniformisé, ethnocratique, théocratique, nationaliste et raciste. Quiconque imagine que cela ne l’affecte pas se trompe. Il y a une majorité silencieuse qui accepte cela avec une apathie inquiétante, comme pour dire : « Je me fiche de ce pays où je vis ». Aussi toute personne qui pense que le monde continuera à se référer à Israël comme à une démocratie après cette loi, ne comprend pas de quoi il s’agit. C’est une nouvelle étape de franchie qui nuit gravement à l’image d’Israël.
Le premier ministre Netanyahu va prouver aujourd’hui qu’il est en fait un leader d’Yisrael Beinteinu. Les dirigeants Avigdor Lieberman, ministre de la Justice et Yaakov Neeman, vont certifier qu’il est vraiment un membre loyal du parti Israël Beitenou. Le parti travailliste va prouver qu’il n’est rien de plus qu’un paillasson. Et aujourd’hui, Israël va prouver qu’il se fiche de tout. A présent un projet de loi sur le serment de fidélité, et demain une la loi sur un serment de loyauté. Le barrage va maintenant craquer, menaçant de noyer les restes de la démocratie, jusqu’à nous laisser peut-être avec un État juif d’un genre que personne ne comprend vraiment mais qui ne sera certainement pas une démocratie. Ceux qui exigent ce serment de fidélité sont ceux qui détournent le sens de la loyauté envers l’État.
Lors de sa prochaine session, la Knesset doit débattre de près de 20 autres projets de loi anti-démocratiques. Au cours du week-end, l’Association pour les droits civils en Israël a publié une liste noire dans l’actuelle législation :
une loi de fidélité pour les membres de la Knesset,
une loi de fidélité pour la production cinématographique -une loi de fidélité pour les organismes sans but lucratif
une loi plaçant la catastrophe palestinienne, la Nakba, hors-la-loi
une loi interdisant les appels au boycott,
et un projet de loi pour la révocation de la citoyenneté.
C’est une tournure maccarthyste dangereuse de la part de législateurs ignorants qui n’ont même pas commencé à comprendre ce qu’est la démocratie. C’est dangereux, même si seulement une partie de ces projets se transforme en lois, parce que notre destin et notre nature vont changer.
Ce n’est pas difficile de comprendre le duo Netanyahu-Lieberman. Comme nationalistes forcenés, on ne s’attend pas à ce qu’ils comprennent que la démocratie ne signifie pas seulement la loi de la majorité, mais d’abord et avant tout des droits pour les minorités. C’est beaucoup plus difficile de comprendre la complaisance de la foule. Les places des villes auraient dû être aujourd’hui remplies de citoyens qui ne souhaitent pas vivre dans un pays où la minorité est opprimée par des lois draconiennes, telles que celle qui les obligent à prêter un faux serment à un État juif. Mais étonnamment, presque personne ne semble se sentent concerné.
Pendant des décennies, nous avons futilement discuté de savoir qui est juif. A présent la question de qui est juif ne va pas disparaître. Qu’est-ce que « l’État de la nation juive » ? Appartient-il plus aux Juifs de la Diaspora qu’à ses citoyens arabes ? Vont-ils décider de son sort, et l’appeler une démocratie ? Est-ce que les ultra-orthodoxes de la secte Neturei Karta, qui s’opposent à l’existence de l’État, ainsi que des centaines de milliers de Juifs qui ont évité de venir y faire ce qu’ils veulent ? Qu’est-ce qui est juif ? Des fêtes juives ? Un régime casher ? Le poids accru de l’establishment religieux, comme s’il n’y avait pas assez de lui pour fausser la démocratie ? Prêter serment à un État juif va décider du sort de chacun. Il est susceptible de transformer le pays en une théocratie, comme l’est l’Arabie Saoudite.
Certes, pour le moment, c’est un slogan ridicule et creux. Il n’y a pas trois Juifs qui pourraient se mettre d’accord sur ce à quoi ressemble un État juif, mais l’histoire nous a appris que des slogans vides peuvent ouvrir la voie vers l’enfer. En attendant, la nouvelle loi proposée ne fera qu’augmenter l’aliénation des Arabes israéliens et aboutira à l’aliénation de segments beaucoup plus larges de la population [aliénation est à prendre ici dans son sens de « perte de liens » - N.d.T].
C’est ce qui se passe quand le feu couve encore sous le tapis, le feu de l’absence de foi en la justice de ce que nous faisons. Seul un tel manque de confiance peut produire une loi aussi grotesque que celle proposée aujourd’hui et sans aucun doute approuvée demain. Le Canada n’a pas besoin que ses citoyens prêtent serment à l’État canadien, et aucun autre pays n’exige un acte similaire. Sauf Israël. Et cela est fait soit pour provoquer encore plus la minorité arabe et la pousser à un plus grand manque de loyauté, de façon à ce que vienne un jour pour finalement se débarrasser d’elle, soit pour faire échouer la perspective d’un accord de paix avec les Palestiniens. D’une façon ou d’une autre, à Bâle lors du premier congrès sioniste en 1897, l’État juif a été fondé comme l’a dit Théodore Herzl, et aujourd’hui, c’est la République juive d’Israël qui sera fondée.
ANNEXE 2
AFP | 01.11.10 | 18h04
Les États-Unis ont proposé à Israël de louer aux Palestiniens pour sept ans la vallée du Jourdain après la signature d’un accord de paix, a rapporté lundi la radio militaire israélienne.


Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas rejeté a priori cette idée, mais estimé que cette location "devrait durer plusieurs dizaines d’années", a indiqué la radio, citant des responsables sans les identifier. "Il est hors de question de discuter d’un bail inférieur à 99 ans", a estimé un ministre israélien cité sous condition d’anonymat par la radio. Interrogé par l’AFP, un officiel israélien s’est refusé à confirmer ou démentir la proposition américaine.


Il s’est borné à souligner que les "besoins sécuritaires d’Israël exigent le maintien d’une présence israélienne à l’est d’un futur Etat palestinien (dans la vallée du Jourdain, NDLR) pour garantir sa démilitarisation".
M. Netanyahu et son prédécesseur Ehud Olmert ont exigé qu’Israël garde le contrôle de la vallée du Jourdain pour empêcher l’entrée d’armes ou de troupes dans le territoire d’un État palestinien, sans préciser les modalités de ce contrôle. Les Palestiniens ont pour leur part rejeté l’idée du maintien d’une présence sécuritaire israélienne sur le territoire de leur futur État, mais se sont dits prêts à envisager le déploiement d’une force de paix étrangère.
"Nous n’avons pas été informés d’une éventuelle location de terres palestiniennes, et si ce projet nous est soumis, nous ne l’accepterons pas", a affirmé aux journalistes Mohammed Shatayeh, un des négociateurs palestiniens.
"Pour nous, il s’agit d’un ballon d’essai lancé par la voie des médias, et nous le rejetons catégoriquement", a-t-il insisté.
La vallée du Jourdain s’étend sur une centaine de kilomètres, dont 80 km en Cisjordanie, depuis le lac de Tibériade, au Nord, jusqu’à la mer Morte, au Sud. Elle est bordée à l’Est par la Jordanie et à l’Ouest par Israël et la Cisjordanie.
Relancées le 2 septembre à Washington sous l’égide des Etats-Unis, les négociations israélo-palestiniennes sont interrompues depuis l’expiration le 26 septembre d’un moratoire de dix mois sur les nouvelles constructions dans les colonies juives de Cisjordanie.
Pour les reprendre, les Palestiniens exigent un nouveau moratoire, auquel se refuse jusqu’à présent le gouvernement israélien.
M. Netanyahu doit se rendre dimanche aux Etats-Unis pour s’exprimer devant les représentants du judaïsme américain. Il rencontrera à cette occasion notamment le vice-président américain Joe Biden.
Le Premier ministre israélien a indiqué que ses discussions porteront "notamment sur la reprise du processus de paix" et que celui-ci visera à conclure "un accord de paix" et à instaurer "la sécurité de l’Etat d’Israël".
Au moment de la visite de M. Netanyahu aux Etats-Unis, le président américain Barack Obama se trouvera en Asie.
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