Déclarations historiques du Che Guevara pour Tribuna Popular après la victoire de la révolution cubaine
« Cette révolution (…) c'est l'exemple le plus clair qui soit pour l'Amérique Latine, qu'un peuple décidé à regagner sa liberté n'a aucun ennemi qui puisse s'y opposer. »
Traduction AC pour Solidarité-Internationale-PCF
Nous reproduisons ici, pour sa grande valeur historique, le communiqué de presse dans son intégralité, publiée dans Tribuna Popular le 10 janvier 1959, reproduisant l'interview accordée par le Commandant Ernesto Che Guevara à notre correspondant à la Havane.
Le médecin argentin, Dr.Enesto Che Guevara, leader de la révolution victorieuse à Cuba est aujourd'hui le chef de la caserne de la Cabaña, le deuxième campement militaire en importance après celui de Columbia. Peu de temps après s'être emparé de la Cabaña, il a livré au camarade Humberto Rojas, les déclarations suivantes pour « Tribuna Popular », qui constituent un document d'une importance fondamentale pour comprendre le contenu de la révolution cubaine.
10 janvier 1959, Tribuna Popular
TP: Comment analysez-vous le rôle joué par les paysans dans le Mouvement de Libération mené par l'armée révolutionnaire et quelles doivent être les premières mesures du gouvernement en faveur de la classe paysanne exploitée de Cuba?
Che Guevara: Je crois que le rôle joué par les paysans dans la révolution a été fondamental, pendant la première étape ils ont été son avant-garde, et ils ont été tout le temps un des piliers de la révolution cubaine.
C'est pour cela que nous jugeons comme une mesure de justice élémentaire de redonner aux paysans ce qui leur appartient: la terre.
A cette fin, nous sommes prêts à lutter pour l'application effective de la réforme agraire qui a été promulguée sous le nom de la loi numéro 3 dans la Sierra Maestra.
TP: La dynamique unitaire au sein de l'Armée Révolutionnaire a rendu possible la victoire populaire sur Batista et sa bande de traîtres. Vous croyez pouvoir maintenir cette unité entre tous les courants qui ont participé activement à la résistance?
Che Guevara: J'estime que l'unité est un élément essentiel dans notre lutte.
Je me sens obligé de rendre hommage au peuple vénézuelien qui a montré la voie, puisque c'est par son action unitaire qui l'a renversé Perez Jimenez.
Nous aussi, nous avons dû nous inscrire dans une démarche unitaire, bien qu'à certains moments il y en aient qui ont pensé, de manière erronnée, qu'un seul mouvement pouvait y arriver tout seul.
Nous avons toujours tenu dans notre mouvement du « 24 juillet », à ce que, aussi mince soit l'apport des autres forces, nous soyons tous unis dans la lutte, et que cette union ne soit pas limitée aux seules forces armées, ce qui est tout à fait logique – puisque les Forces Armées ne sont pas tout – mais soit effective également dans les autres secteurs de la société.
Et surtout, et c'est le plus important, la classe ouvrière, qui est un des piliers de base de cette révolution, doit être unie jusqu'à former un bloc sur lequel on peut s'appuyer dans la lutte, sans esprit partisan ni esprit de division.
Le mouvement de libération des peuples opprimés se nourrit des expériences des luttes nationales. Pour l'Amérique Latine, en particulier, le cas cubain est une mine de leçons qui peuvent contribuer à la cause de l'émancipation continentale. C'est pour cela que la réponse de Che Guevara à notre dernière question revêt une grande importance.
TP: Quelles leçons peut-on tirer, pour la lutte de libération des peuples d'Amérique Latine, de la participation directe des masses ouvrières et paysannes aux côtés des classes intellectuelles qui a rendu possible la victoire cubaine?
Che Guevara: Je crois qu'on peut dégager de cette expérience une leçon essentielle, d'une très grande importance pour le destin des autres dictatures qui existent encore en Amérique, c'est-à-dire, que l'on réfute ce mensonge qui est que l'on ne pourrait faire une révolution contre une armée régulière.
Cette révolution, où un groupe de jeunes enthousiastes a su rassembler ouvriers et paysans jusqu'à former une armée capable de vaincre militairement l'armée d'en face, de l'anéantir sur le champ de bataille et de conquérir le pouvoir au moyen d'une lutte armée victorieuse; c'est l'exemple le plus clair qui soit pour l'Amérique Latine, qu'un peuple décidé à regagner sa liberté n'a aucun ennemi qui puisse s'y opposer.
161ème numéro (24 avril-7 mai) du Tribuna Popular, journal du Parti Communiste Vénézuelien: http://www.tribuna-popular.org/
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