01 février 2010
Oslo et la fin de l'indépendance palestinienne
Oslo et la fin de l’indépendance palestinienne
lundi 1er février 2010
Joseph Massad - The Electronic Intifada
L’Accord d’Oslo n’a pas seulement inauguré une nouvelle ère des relations palestino-israéliennes, mais il a eu un effet beaucoup plus durable dans la transformation du langage même par lequel ces relations ont été régies au niveau international, et dans la façon dont les dirigeants palestiniens les ont vues.
Non seulement le vocabulaire de libération, fin du colonialisme, résistance, combat contre le racisme, fin de la violence israélienne et vol de la terre, indépendance, droit au retour, justice et droit international a été supplanté par de nouveaux termes comme négociations, accords, compromis, pragmatisme, assurances sécuritaires, modération et reconnaissance, qui ont tous fait partie du vocabulaire d’Israël avant Oslo et continuent de l’être, mais encore Oslo s’est auto-institué comme le langage de la paix qui ipso facto délégitime toute tentative de lui résister comme étant un soutien à la guerre, et stigmatise tous les opposants à l’abandon des droits palestiniens comme étant des opposants à la paix.
Faire du langage du renoncement aux droits le langage de la paix a fait aussi partie de la stratégie d’Israël avant et après Oslo : et c’est aussi le langage de la puissance impériale états-unienne qui a été enseigné aux Arabes et aux musulmans par le Président Barack Obama dans son discours du Caire en juin dernier. Ainsi la transformation qu’a apporté Oslo n’était pas seulement une transformation du vocabulaire en tant que tel, mais aussi du vocabulaire palestinien et de la perspective à travers laquelle la direction palestinienne voyait la nature des relations palestino-israéliennes, et qui institutionnalisait la perspective israélienne et le vocabulaire d’Israël comme neutres et objectifs. Ce qu’Oslo visait à faire était donc de changer l’objectif même de la politique palestinienne d’indépendance nationale se libérant du colonialisme et de l’occupation israéliens vers un objectif où les Palestiniens deviendraient totalement dépendants d’Israël et de ses sponsors pour leur survie politique et nationale, dans l’intérêt de la paix et de la sécurité pour leurs occupants.
La formule clé de transformation de l’Accord d’Oslo consacrée dans la Déclaration de Principe du 13 septembre 1993 est « La Terre contre la Paix ». Cette formule préjudiciable aux droits palestiniens internationalement reconnus reste l’approche directrice et déterminante de tous les accords - et désaccords - ultérieurs entre l’Autorité Palestinienne (PA) et les gouvernements israéliens successifs. Cette formule à elle seule porte préjudice au processus entier en présupposant qu’Israël a « la terre », qu’il pourrait être disposé à donner aux « Arabes », et que les « Arabes » - considérés comme responsables de l’état de guerre avec Israël - peuvent accorder à Israël la paix qu’il désire depuis des décennies. Faire porter la responsabilité des guerres arabo-israéliennes aux « Arabes » est un standard que les médias ou les gouvernements occidentaux ne remettent jamais en question. La concession de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), cependant, a finalement garanti que les dirigeants palestiniens et autres dirigeants arabes ne le remettraient pas en question, eux non plus. Malgré son apparence superficielle de compromis politique, cette formule est en fait le reflet des vues racistes caractérisant les Israéliens (juifs européens) sur les Palestiniens et autres Arabes.
Tandis que les Israéliens sont priés et sont ostensiblement (présentés comme) disposés à négocier sur la propriété, droit bourgeois (occidental) par excellence, les Palestiniens et autres Arabes sont priés de renoncer à la violence - ou plus précisément à « leurs » moyens violents - comme illégitimes et seulement imputables à des barbares non civilisés. Le fait que les Palestiniens aient déjà abandonné leur revendication légitime à 77% de la Palestine et négociaient pour leur future souveraineté sur à peine 23% de leur patrie ne les habilitaient pas à une formule de « la terre contre la terre », sur laquelle baser le « processus de paix ». En fait, la formule objective pour toutes négociations serait la formule « la terre pour la paix » par laquelle ce sont les Palestiniens qui abandonnent leurs droits à leur patrie historique en échange de la fin de l’oppression israélienne de - et la violence coloniale contre - leur peuple.
L’OLP, Israël et les médias occidentaux ont salué l’Accord d’Oslo comme « une reconnaissance mutuelle ». Ceci contredit toutefois les paroles prononcées par les deux parties, et les actions prévues basées sur ces paroles. Alors que l’OLP (qui a écrit la première lettre) reconnaissait « le droit de l’Etat d’Israël à exister en paix et en sécurité », le gouvernement israélien, « en réponse » à la lettre de Yasser Arafat, « a décidé de reconnaître l’OLP comme représentant du peuple palestinien et d’entamer des négociations avec l’OLP dans le cadre du processus de paix au Moyen Orient. » Mais ceci n’est pas une reconnaissance mutuelle, puisque les Israéliens n’ont pas reconnu le droit du peuple palestinien à exister dans leur propre Etat dans la paix et la sécurité, comme l’a fait l’OLP vis-à-vis d’Israël. Si l’OLP avait seulement reconnu le gouvernement Rabin comme représentant du peuple israélien, sans octroyer nécessairement un quelconque « droit » à l’Etat israélien d’exister en paix et en sécurité, alors la reconnaissance de l’OLP aurait été sur un pied d’égalité avec celle d’Israël. L’accord réel, par conséquent, ne revient pas à une reconnaissance mutuelle ; il revient plutôt à une légitimation de l’Etat juif par le peuple même contre lequel sa politique coloniale raciste a été - et continue d’être - pratiquée, les Israéliens n’étant engagés à rien de substantiellement nouveau.
Reconnaître l’OLP comme représentant des Palestiniens (ce que la majorité du monde - sauf les Etats-Unis - avait reconnu depuis la moitié des années 1970) n’engageait Israël à aucune concession envers le peuple palestinien. Cela n’engageait Israël qu’à un scénario par lequel, puisque le gouvernement israélien était enclin à parler aux « représentants » des Palestiniens, il parlerait à l’OLP, puisqu’il reconnaissait maintenant ce parti comme leur représentant, alors qu’il ne le faisait pas avant. C’est précisément pour cette raison que les gouvernements et les dirigeants israéliens successifs ont hésité à accorder ou non aux Palestiniens le droit d’établir un Etat indépendant, et en ont toujours référé à Oslo et aux accords ultérieurs, dans lesquels ils n’avaient rien promis de la sorte.
Après avoir extorqué une reconnaissance précieuse de leur légitimité de la part de leurs victimes, les Israéliens sont allés de l’avant grâce au mécanisme du processus de paix d’Oslo pour diviser les Palestiniens en différents groupes, dont la majorité serait expulsée du processus de paix. En transformant l’OLP, qui représentait tous les Palestiniens de la Diaspora - en Israël et dans les territoires occupés, y compris Jérusalem Est - en une Autorité palestinienne (AP) qui ne pouvait qu’espérer représenter les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, constituant un tiers du peuple palestinien, les accords d’Oslo ont manigancé une réduction démographique majeure du peuple palestinien : ils les ont divisé par trois, tout en favorisant une expansion démographique majeure de la population juive d’Israël, en la multipliant par trois. La partie insidieuse de ce processus est la suivante : comment l’AP, consciente de cette transformation, continue-t-elle de parler du “peuple palestinien”, qui a été réduit par les Accords d’Oslo aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qu’elle affirme maintenant représenter ? Les Palestiniens de la Diaspora sont qualifiés, selon le vocable états-unien et israélien, de « réfugiés », et les Palestiniens en Israël, selon le diktat israélien, de « Arabes israéliens ». Ce faisant, non seulement la portée de la direction palestinienne et du statut de représentant du peuple palestinien dans son ensemble a été substantiellement réduit, mais le peuple palestinien lui-même a été substantiellement réduit d’un point de vue démographique par l’appropriation par l’AP de la désignation « peuple palestinien » pour faire référence à un simple tiers des Palestiniens.
Dans l’intervalle, le processus d’Oslo, qui a produit des accords fantômes comme les Accords de Genève, entre autres, a propulsé la revendication israélienne que les Palestiniens devaient reconnaître le droit d’Israël à exister, non seulement en paix et en sécurité, mais aussi en tant qu’Etat juif, ce qui signifie un Etat qui est raciste par la loi, et fait une distinction discriminatoire par la loi et la gouvernance contre les citoyens non juifs, et un Etat qui englobe non seulement ses citoyens juifs, mais les Juifs de partout. Les administrations Clinton, Bush, et plus récemment Obama ont poussé en ce sens. En effet Obama ne manque aucune occasion de réaffirmer l’engagement de son administration à forcer les Palestiniens à reconnaître le droit d’Israël à être un « Etat juif ». Alors qu’Israël n’a aucune légitimité et n’est reconnu par aucun organisme international comme étant le « représentant » des Juifs du monde entier, mais plutôt comme l’Etat du peuple israélien dont ils sont les citoyens, l’OLP et l’AP sont sommées de reconnaître l’autorité d’Israël sur les Juifs du monde entier. A ce titre, le statut internationalement reconnu de l’OLP comme représentant du peuple palestinien a été réduit d’un tiers des Palestiniens depuis Oslo, alors que le statut représentatif du gouvernement israélien a été augmenté du triple, comme reconnu par les représentants officieux de l’AP à Genève. Benjamin Netanyahu réaffirme qu’aucun progrès ne sera réalisé dans l’ainsi nommé processus de paix tant que les Palestiniens ne reconnaîtront pas officiellement le droit d’Israël à être un Etat juif racial. Le Président Obama a aussi exhorté tous les Arabes à ratifier officiellement cette reconnaissance. Ceci a été fait en dépit du fait que la majorité des Juifs vivant en dehors d’Israël ne sont pas des citoyens israéliens, et qu’aucun organe les représentant n’a jamais donné à l’Etat israélien les pouvoirs représentatifs en leur nom.
Diviser et réduire le peuple palestinien d’un point de vue démographique est allé de pair avec la réduction territoriale de la Palestine, ou de ses parties qu’Israël souhaite négocier après redéploiement de son armée d’occupation coloniale tout autour. En plus de la suppression de Jérusalem Est illégalement étendue, occupée et colonisée (étendue maintenant de plusieurs fois sa taille originelle aux dépens de terres de Cisjordanie) des territoires sur lesquels Israël négocierait son redéploiement, la Cisjordanie elle-même a été subdivisée en cantons qui excluent les colonies de peuplement juives et les autoroutes à utilisation exclusivement juive qui les relient, ainsi que des réserves naturelles, des bases militaires et des zones fermées imposées. Mais ce n’est pas tout. Israël a aussi construit le mur d’apartheid à l’intérieur des terres palestiniennes, retirant de fait 10% de plus de la Cisjordanie de la table de négociation et le redéploiement de son armée. Une autre des mesures plus importantes que les architectes israéliens et palestiniens de l’accord d’Oslo ont prises pour garantir la survie structurelle du « processus de paix » d’Oslo fut la création de structures, institutions et classes qui lui seraient directement reliées, et qui peuvent survivre à l’effondrement de l’accord d’Oslo lui-même tout en préservant le « processus » que l’accord a généré. Cette garantie était inscrite dans la loi et confirmée par le financement international fondé sur la continuation du « processus d’Oslo », tant que ce dernier continuerait à servir les intérêts israéliens et états-uniens, ainsi que les intérêts de l’élite palestinienne corrompue qui l’avait agréé.
Les cinq classes principales que les architectes d’Oslo ont créées pour assurer que le « processus » survive sont :
- une classe politique, divisée entre ceux qui ont été élus pour servir le processus d’Oslo, soit au Conseil Législatif ou (la) branche exécutive (essentiellement la position du président de l’AP) et ceux qui ont été nommés pour servir ceux qui sont élus, soit dans les ministères ou au bureau présidentiel ;
- une classe du maintien de l’ordre, au nombre de dizaines de milliers d’individus, dont la fonction est de défendre le processus d’Oslo contre tous les Palestiniens qui tentent de le torpiller. Elle est divisée en plusieurs organes de sécurité et de renseignement en concurrence les uns avec les autres, tous en lice pour prouver qu’ils sont les plus aptes à neutraliser toute menace au processus d’Oslo. Sous l’autorité d’Arafat, des membres de cette classe ont inauguré leurs services en tirant et en tuant 14 Palestiniens qu’ils considéraient comme des ennemis du « processus » à Gaza en 1994 - un exploit qui leur a valu le respect de l’administration étas-unienne et des Israéliens, qui ont insisté pour que la classe policière use de plus de répression pour être plus efficace. Leur performance de l’été dernier à Jénine, où ils ont assassiné des membres du Hamas et des passants non affiliés pour impressionner le Président Obama, qui avait demandé à la direction palestinienne de maintenir la sécurité comme partie de l’accord est l’exemple le plus récent de cette fonction ;
- une classe bureaucratique attachée à la classe politique et à la classe policière, et qui constitue un organe administratif de dizaines de milliers de personnes qui exécutent les ordres de ceux qui sont élus et nommés pour servir le « processus » ;
- une classe des ONG : une autre classe bureaucratique et technique dont les finances dépendent entièrement de son dévouement au processus d’Oslo et qui assure son succès par la planification et des services ;
- et une classe des affaires composée des hommes d’affaires palestiniens expatriés ainsi que des hommes d’affaires locaux - dont des membres des classes politique, policière et bureaucratique en particulier - dont le revenu est dérivé d’un investissement financier dans le processus d’Oslo et des transactions rentables que l’AP rend possibles. Alors que la classe des ONG ne reçoit globalement pas d’argent de l’AP, bénéficiant des largesses de gouvernements étrangers et non-gouvernementales structurellement connectées au processus d’Oslo, les classes politique, policière et bureaucratique reçoivent toutes leurs revenus légitimes et illégitimes directement de l’AP.
En liant les moyens de subsistance de centaines de milliers de Palestiniens au processus d’Oslo, ces architectes leur ont donné un intérêt crucial dans sa survie, même et surtout s’il ne produit aucun résultat politique. Pour l’élite palestinienne qui a pris en charge l’AP, la tâche principale a toujours été d’assurer que le processus d’Oslo se poursuive et que l’élite garde le contrôle de toutes les institutions qui garantissent la survie du « processus ».
Ce que les élites n’avaient pas anticipé, c’est qu’elles puissent perdre le contrôle du Hamas, opposant déclaré au processus d’Oslo qui, en accord avec ses prévisions, avait boycotté les élections de 1994 contrôlées par le Fatah à la suite d’un charcutage électoral. Les élections de 2006, que le Fatah était convaincu de remporter, ont constitué un tremblement de terre qui pouvait détruire toutes ces garanties structurelles et, avec elles, le « processus » pour la protection duquel elles étaient conçues. D’où la panique de l’administration états-unienne , qui a manigancé le coup d’Etat avec l’aide d’Israël et de la sécurité de l’AP dirigée par Mohamed Dahlan pour renverser le gouvernement Hamas : ceci a compris l’enlèvement de ses membres au parlement, des ministres du gouvernement et des hommes politiques, et leur maintien en otage dans les prisons israéliennes, et finalement l’organisation d’une prise de pouvoir violente de Gaza qui a s’est soldée par l’effet inverse. Depuis que le coup d’Etat états-unien à Gaza a échoué, tous les efforts se sont centrés sur la perpétuation du processus de paix par le maintien de ses structures sous le contrôle de l’AP, et à l’écart du Hamas démocratiquement élu.
Bien sûr, la destruction de la démocratie palestinienne était le prix à payer, ont insisté Israël et les Etats-Unis, poussés par les efforts militaires du Général Keith Dayton. Cette situation est devenue possible à cause de la stratégie de financement des Etats Unis, d’Israël et des Etats arabes producteurs de pétrole vis-à-vis de la lutte palestinienne. L’histoire du mouvement national palestinien ne peut être racontée que par les voies et les moyens avec lesquels les différents gouvernements arabes et non arabes ont essayé de le contrôler. Alors que l’OLP était créée et contrôlée principalement par le régime de Gamal Abdel-Nasser, la défaite de 1967 a affaibli cet arrangement, conduisant à la prise de pouvoir de l’organisation par les guérillas révolutionnaires en 1969. Avec le Fatah et les guérillas palestiniennes de gauche à la barre, le potentiel révolutionnaire de l’OLP constituait une telle menace qu’il a précipité une guerre totale en Jordanie en 1970, situation que les régimes arabes puissants et répressifs ne voulaient pas voir se répéter. C‘est dans ce contexte que l’argent du pétrole arabe (de l’Arabie Saoudite, du Koweït, de Lybie, des Emirats arabes unis et d’Irak) a commencé à affluer dans les caisses de l’OLP, en premier lieu pour s’assurer que celle-ci n’encouragerait pas de changement révolutionnaire dans les pays arabes ; pour s’assurer, ensuite, que dans la mesure où l’OLP ne compromettrait pas les intérêts des régimes arabes, ses armes ne seraient dirigées que sur Israël. La guerre civile libanaise et le rôle qu’y a joué l’OLP dans la seconde moitié des années 1980 demeuraient un problème mais, pour ce qui les concernait, c’était un problème que les régimes arabes étaient en mesure de contenir.
Avec le début des années 1980 et la défaite militaire de l’OLP à Beyrouth en 1982, le financement arabe pour l’OLP n’était plus conditionné seulement par le fait qu’elle ne tournât pas ses armes contre eux, mais que l’organisation ne viserait plus Israël. Les diverses tentatives d’accords entre l’OLP et le Roi Hussein, au milieu des années 1980, faisaient partie de ce plan. Avec un refus continu israélien et états-unien de traiter avec l’OLP, peu importait que sa politique et son idéologie aient changé : la situation est restée gelée jusqu’à ce que le premier soulèvement palestinien, en 1987, donne à l’OLP une occasion de marchander pour déposer ses armes contre Israël. La formalisation de cette transformation a eu lieu à Alger en 1988 et, plus tard, lors de la Conférence de Paix de Madrid en 1991.
Pendant que l’argent du pétrole se tarissait après la Guerre du golfe de 1990-1991, l’OLP a eu besoin de nouveaux financeurs. Entrèrent les Etats-Unis et ses alliés, dont les conditions n’incluaient pas seulement l’accord d’Oslo, mais aussi que l’AP nouvellement créée et contrôlée par le Fatah soit bien sûr armée, mais que ses armes aient une nouvelle cible : le peuple palestinien lui-même. L’AP a continué de recevoir son financement jusqu’à la deuxième Intifada quand, contre leur raison d’être, certaines de ses forces de sécurité ont affronté, au fusil, les Israéliens, lorsque ceux-ci attaquaient les Palestiniens. Les financements ont été interrompus par intermittence, Arafat a été placé en résidence surveillée et les Israéliens ont ré-envahi. Une reprise de financement stable a continué après la mort d’Arafat, dépendant du « sérieux » que mettrait Mahmoud Abbas à pointer les fusils palestiniens sur les Palestiniens eux-mêmes, ce que lui et la bande de voyous de l’appareil de sécurité de l’AP ont fait. Ils n’ont pourtant pas été aussi efficaces que les Etats Unis et Israël l’avaient souhaité, et c’est pourquoi le Général Dayton assume le contrôle total de la situation militaire sur le terrain, pour « aider » les Palestiniens à livrer à Israël leur part de paix du marchandage.
Notons que tout au long des 16 dernières années, les dirigeants israéliens ont constamment dit, dans la ligne de la formule de la terre contre la paix, qu’ils voulaient et qu’ils cherchaient la paix avec les Palestiniens, mais ni pour créer un Etat palestinien, ni pour garantir le droit des Palestiniens à l’autodétermination. En effet, non seulement Israël a multiplié le nombre des colonies et plus que doublé la population coloniale juive en Cisjordanie et à Jérusalem Est, en s’emparant de davantage de cette terre qui devait faire l’objet de négociations ; mais Israël a continué à exiger constamment toujours plus de concessions palestiniennes pour garantir la « sécurité » israélienne dans le but que les Palestiniens donne à Israël la « paix » sur laquelle la formule de « la terre contre la paix » est basée. Les Américains et les Européens ont aussi dit avec insistance que les Palestiniens devaient donner la paix à Israël avant que celui-ci ne décide quelles terres leur revenaient et selon l’arrangement qu’il trouverait le plus susceptible de lui assurer cette « paix ». En conséquence, ce que « la terre contre la paix » - en dépit ou à cause du préjudice définitionnel contre le peuple palestinien - a entraîné est un perpétuel ajournement du retour de la terre, avec des demandes insistantes de paiements anticipés, sur la paix, que les Palestiniens doivent fournir.
Alors que le redéploiement autour de Gaza et le siège imposé à sa population, affamée et bombardée, est vendu comme un compromis d’Israël sur le retour de la terre, la réalité demeure que la Bande de Gaza a été transformée d’une prison surveillée par les Israéliens en un camp de concentration gardé et encerclé par eux depuis l’extérieur, avec infiltration à l’intérieur quand le besoin s’en fait sentir, comme cela s’est produit l’hiver dernier.
En fin de compte, ce que l’accord d’Oslo et le processus qu’il a généré ont atteint est une forclusion de toute indépendance future réelle ou supposée de la direction palestinienne, ou même d’indépendance nationale pour un tiers des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza qui sont, de toute façon, les seuls Palestiniens que l’accord d’Oslo affirme vouloir aider à y parvenir. En hypothéquant la direction palestinienne au sponsoring états-unien et israélien, en créant et en maintenant des structures administratives, juridiques et financières qui assureront cette dépendance, Oslo a été ce qu’il a été conçu pour être, depuis le début : le mécanisme pour en finir avec la demande palestinienne de mettre fin au colonialisme et à l’occupation israéliens, et la légitimation de la nature raciste d’Israël par le peuple même sur lequel il exerce sa domination coloniale et raciste. Quiconque met en question ces restrictions peut être combattu avec les armes idéologiques du pragmatisme.
Combattre Oslo fait de vous un extrémiste utopiste et un opposant, tandis que participer à sa structure fait de vous une personne modérée et pragmatique œuvrant pour la paix. L’arme idéologique la plus efficace qu’Oslo a déployée depuis 1993 est précisément que quiconque s’oppose à la capitulation totale des droits nationaux palestiniens est un partisan de la guerre et un opposant à la paix. En bref, le but du processus d’Oslo, qui a été atteint avec beaucoup de succès, n’est pas l’établissement de l’indépendance palestinienne de l’occupation illégale d’Israël, mais plutôt d’en finir avec l’indépendance palestinienne comme objectif futur et comme réalité actuelle. Vu sous cet ange, Oslo continue d’être un succès retentissant.
Joseph Massad
The Electronic Intifada, le 27 janvier 2010
Joseph Massad enseigne la politique arabe moderne et l’histoire intellectuelle à l’Université Columbia. Ceci est le texte d’un discours qu’il a prononcé lors d’une conférence à Oslo en 2009.
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